PARIS: Le RN a dû retirer l'investiture, après le dépôt des listes, à plusieurs candidats aux élections régionales ou départementales qui avaient tenu des propos racistes ou antisémites, ou qui avaient été condamnés pénalement, mettant à l'épreuve la stratégie de «normalisation» du parti.
Marine Le Pen a œuvré, dès son arrivée à la tête du Front national (devenu Rassemblement national) à «dédiaboliser» le parti des accusations de racisme et d'antisémitisme, jusqu'à exclure en 2015 son propre père et ancien président du mouvement Jean-Marie Le Pen, pour ses propos polémiques sur la Shoah.
«Je n'ai pas peur des étrangers», assure la candidate à l'Elysée, qui veut «rassurer» les Français sur sa capacité à gouverner et à mettre en oeuvre sa politique hostile à l'immigration.
«Nos propositions sont raisonnables. La déraison ce sont nos adversaires qui la portent», dit Marine Le Pen, qui ne veut pas être assimilée aux propos «très radicaux» de l'éditorialiste et potentiel candidat en 2022 Eric Zemmour.
Pourtant le parti a dû retirer l'investiture à plusieurs candidats pour des propos racistes, antisémites, antimusulmans, ou des condamnations pour violences conjugales ou agressions sexuelles sur mineur.
Une candidate RN en Auvergne-Rhône-Alpes, Juliette Planche, a été suspendue du mouvement pour avoir relayé sur son compte Twitter --ouvert en janvier et fermé le 31 mai selon Mediapart--, des propos antisémites et complotistes du militant de l'ultradroite Yvan Benedetti.
Dans un email à Marine Le Pen daté du 5 mai, soit avant la date limite du 17 mai pour le dépôt des listes, un ancien conseiller économique de Marine Le Pen, Jean-Richard Sulzer, de confession juive, avait mis en garde la cheffe du RN contre la présence de candidats au passé «sulfureux», lui reprochant de «ne pas faire suffisamment attention» aux candidatures.
«Déficit de cadres»
Le RN est un «parti qui a encore un déficit de cadres» alors qu'il faut trouver plus de 8 200 candidats pour les départementales, et plus de 1 700 pour les régionales, explique le politologue Jean-Yves Camus, auteur avec Frédéric Potier d'une note pour la Fondation Jean-Jaurès, classée à gauche, sur les candidats RN, parue mercredi.
«Le nom et la personnalité importent peu, il s’agit de couvrir les cantons» en misant sur «le sigle du parti ou le nom de Marine Le Pen» qui apparaît même sur certaines affiches sans la photo du candidat.
En Creuse, où le parti est sur le point d'exclure Thierry Morin, condamné pour violences conjugales, le délégué départemental RN Damien Demarigny a expliqué avoir accordé l'investiture sur le «déclaratif», après avoir rencontré le candidat pendant quatre heures.
«Des brebis galeuses il y en a partout» s'est défendue le 6 juin Marine Le Pen qui assure que le parti est »très dur dans les investitures».
«Nous demandons le casier judiciaire de l'ensemble des candidats, nous vérifions, nous faisons une sorte d’enquête auprès des délégués départementaux», et «en règle générale» ceux qui dérapent «sont systématiquement exclus», a-t-elle détaillé.
MM. Camus et Potier ont aussi relevé qu'en Paca, la liste du RN comprenait en 32e position Bernard Marandat, déjà candidat aux municipales et qui avait fait polémique en saluant le décès d'un ancien dirigeant de l'Action française par ces mots «le fascisme c'est la fête».
Alors que le RN met en avant à ces élections des candidats «d'ouverture» moins radicaux, MM. Camus et Potier notent que le parti continue d'inclure sur ses listes des personnalités qui étaient aux responsabilités sous la présidence de Jean-Marie Le Pen, voire hostiles à sa fille, comme dans l'Indre, l'ancien dirigeant du quotidien catholique traditionaliste Présent, Francis Bergeron.
Au risque de contredire son discours de «normalisation», Marine Le Pen «a réussi à agréger des gens qui appartiennent à tous les courants» du parti, qui reste une formation «composite» comme à ses débuts, note M. Camus. «Et à partir du moment où vous avez des espoirs de gagner, tout le monde monte dans le wagon».
La présence de candidats «border line» n'a pas non plus soulevé «un tonnerre de protestations», ce qui montre, selon M. Camus «la réussite de la politique de “dédiabolisation” de Marine Le Pen».