Rung, l'étudiante qui brise le tabou de la monarchie en Thaïlande

Panusaya Sithijirawattanakul, dit Rung lors d'un entretien avec l'AFP dans son dortoir de l'université Thammasat à Pathum Thani, au nord de Bangkok, le 21 août 2020. (Lillian SUWANRUMPHA / AFP)
Panusaya Sithijirawattanakul, dit Rung lors d'un entretien avec l'AFP dans son dortoir de l'université Thammasat à Pathum Thani, au nord de Bangkok, le 21 août 2020. (Lillian SUWANRUMPHA / AFP)
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Publié le Samedi 29 août 2020

Rung, l'étudiante qui brise le tabou de la monarchie en Thaïlande

  • Rung et ses amis appellent notamment à l'abrogation de la loi de lèse-majesté, à la transparence des finances royales et à la non-ingérence du monarque dans les affaires politiques
  • L'objectif de Rung n'est pas « de démolir ou de se débarrasser de la monarchie », mais de lui permettre de « se moderniser, de la rendre plus adaptée à notre époque »

PATHUM THANI : Elle a 21 ans et ose se confronter au plus grand tabou de la Thaïlande, la monarchie, clé de voûte d'un système militaro-politique qu'une partie de la jeunesse, en mal de démocratie, rejette dans la rue depuis plusieurs semaines.

Panusaya Sithijirawattanakul, dit Rung (Arc-en-ciel), étudiante en sociologie et anthropologie, est sortie de l'anonymat le 10 août: devant une marée de jeunes rassemblés dans un campus universitaire de la banlieue de Bangkok, les yeux cerclés de lunettes rondes, elle monte sur scène et liste d'une voix ferme dix revendications pour réformer la monarchie.

Du jamais-vu dans le pays où l'institution royale est sacrée et protégée par un des arsenaux législatifs les plus sévères au monde, qui punit jusqu'à quinze ans de prison les diffamations, insultes ou menaces envers le richissime roi Maha Vajiralongkorn, Rama X de son nom dynastique, et sa famille.

Rung et ses amis appellent notamment à l'abrogation de la loi de lèse-majesté, à la transparence des finances royales et à la non-ingérence du monarque dans les affaires politiques.

"Je savais qu'après (cela), ma vie allait changer à jamais", raconte-t-elle à l'AFP depuis le dortoir de l'université qu'elle ne quitte guère depuis par crainte de représailles.

S'exprimer n'est pas sans danger: au moins neuf militants pro-démocratie, qui ont fui la Thaïlande depuis le coup d'État de 2014, ont disparu au cours des deux dernières années, selon l'ONG Human Rights Watch.

Rung a, elle, été mise en examen. Et si elle n'est pas poursuivie pour "lèse-majesté", elle est notamment accusée de "sédition", un crime passible de sept ans de prison.

Avant de monter sur scène, "je tenais la main de mes amis, j'étais extrêmement nerveuse", se souvient la jeune fille. Mais "j'étais prête à courir le risque, j'ai senti que c'était mon devoir de faire cela".

Cette semaine, elle a déposé avec d'autres étudiants ses dix revendications devant une commission parlementaire lui demandant de les examiner, un geste avant tout symbolique la commission n'ayant pas d'obligation en la matière.

 

"Moderniser la monarchie"

L'objectif de Rung n'est pas "de démolir ou de se débarrasser de la monarchie", mais de lui permettre de "se moderniser, de la rendre plus adaptée à notre époque".

Le roi de Thaïlande est le garant de l'unité du royaume, qui a connu douze coups d'Etat depuis 1932, et de son système oligarchique composé d'aristocrates, de hauts gradés de l'armée et d'une élite des affaires en majorité sino-thaïe. A ce titre, bien au-delà de son statut de monarque constitutionnel, il dispose d'une influence considérable qu'il exerce le plus souvent dans l'ombre.

Née en 1998 près de Bangkok, Rung grandit dans une famille de la classe moyenne loin des agitations politiques qui secouent son pays: le renversement de l'homme d'affaires Thaksin Shinawatra en 2006 et la crise politique qui s'en suit avec des dizaines de morts et des centaines de blessés quatre ans plus tard. 

Mais un souvenir d'enfance la marque à jamais. Alors qu'un cortège royal passe près de sa maison, la police la force avec des camarades à sortir dans la rue et à s'agenouiller sur le trottoir.

Cet événement "a forgé ma conscience (...) personne ne devrait être plus important ou être placé au-dessus des autres", relève la jeune fille qui se décrit comme "introvertie" et "solitaire".

Elle n'a que 15 ans quand, en 2014, un nouveau coup d'Etat est orchestré contre Yingluck Shinawatra, sœur de Thaksin, par le général Prayut Chan-O-Cha, légitimé depuis par des élections controversées en 2019. 

Cela m'a "radicalisée", déclare Rung, qui dit avoir alors pensé "que l'armée n'avait pas le droit de diriger le pays, que tout ce qui était diffusé était de la propagande". 

Six ans plus tard, seule sur scène, elle brandit trois doigts en signe de défi, un geste inspiré du film "Hunger Games" et popularisé par les militants pro-démocratie, puis égrène les revendications de son manifeste.

Je pense "avoir repoussé les limites dans la manière dont on peut parler de la monarchie". Maintenant, "cela m'est égal d'être emprisonnée (...) je suis prête s'ils veulent, qu'ils viennent".

Un mandat d'arrêt a été délivré à son encontre et son arrestation pourrait être imminente. 


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.