PARIS: Jean-Luc Mélenchon enfariné mais globalement une ambiance bon enfant : militants politiques et syndicaux, activistes écolos et associatifs ont défilé samedi dans de nombreuses villes pour dénoncer « les attaques contre les libertés » qui se multiplient selon eux à la faveur de la montée de l'extrême droite et de lois « liberticides ».
Selon les autorités, plus de 37 000 personnes ont manifesté au cours de 119 défilés, dont 9 000 personnes dans la capitale. Les organisateurs ont eux comptabilisé 150 000 participants dans le pays, dont 70 000 à Paris.
Peu après 14H00 au démarrage place de Clichy, en direction de la République, Jean-Luc Mélenchon a reçu de la farine sur le visage. En dénonçant un acte « lâche » qui « aurait pu être pire », le leader de La France insoumise a fait état d' « une grande tension » et d' « un seuil qui a été franchi » quelques jours après que le chef de l'Etat eut reçu une gifle lors d'un déplacement dans la Drôme.
En fin de journée, le suspect a été arrêté à Issy-les-Moulineaux et placé en garde à vue pour « violence volontaire sur personne chargée d'une mission de service public ».
Devant les journalistes, il s'est présenté comme un « souverainiste ». Sur les réseaux sociaux, des internautes l'ont reconnu comme étant l'animateur d'une chaîne YouTube, proche des milieux de la droite radicale.
Hochet Le Pen
La « Marche des libertés » est une sorte de grand rattrapage pour les milieux militants de tous secteurs après un an et demi de crise sanitaire qui a compliqué l'organisation de manifestations. Le sujet des libertés s'est imposé de lui-même aux dires des initiateurs de l'appel, le député Insoumis Eric Coquerel et le porte-parole de Générations Thomas Portes.
Car ils savaient que la bonne forme de l'extrême droite dans le pays, selon eux aussi électorale que culturelle, est actuellement un thème majeur de colère pour les gauches, surtout en l'absence pour l'heure d'une alternative forte à Marine Le Pen et Emmanuel Macron, de ce côté-ci de l'échiquier politique, en vue de l'élection présidentielle de 2022.
Mais selon Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement national, « la France Insoumise cherche à allumer un contre-feu » avec cette initiative, après des propos polémiques de son patron Jean-Luc Mélenchon liant terrorisme et présidentielle.
En plus de tous les partis de gauche, plus de 100 organisations étaient représentées : CGT, FSU, le Syndicat de la magistrature ou encore l'UNEF côté syndical, la Ligue des droits de l'homme, la Cimade, Oxfam ou encore Attac du côté des ONG, Youth for climate et France nature environnement pour les défenseurs du climat...
« C'est le point de départ, j'espère, d'une mobilisation pas seulement contre les organisations d'extrême droite mais contre les idées d'extrême droite », a expliqué l'ex-candidat à la présidentielle Benoît Hamon, estimant qu'elles « se sont largement diffusées dans la classe politique ».
L'un des dirigeants de la CGT, Pascal Debay, a appelé « à démystifier l'argumentation (de l'extrême droite et du RN) ». « A nous de montrer aux salariés que le vote d'extrême droite, c'est une impasse », a-t-il ajouté, non loin d'une représentation d'Emmanuel Macron en papier mâché tenant un hochet à l'effigie de Marine Le Pen.
A Nantes, près de 900 personnes selon la préfecture ont défilé, dont une centaine de l'ultragauche a eu quelques altercations avec la police.
Entre 500 et 1 000 personnes se sont réunies à Strasbourg, environ un millier à Toulouse, 1 200 à Rennes...
A Toulouse, un enseignant en histoire-géographie, Gauthier, militant FSU de 54 ans, s'inquiète « des piques, des provocations » de ses élèves, et estime que « les idées d’extrême droite progressent dangereusement ».
A Marseille, quelque 1 100 manifestants chantent à tue-tête : « Nous, on est là, même si Le Pen ne le veut pas, pour un monde meilleur pour les travailleurs ».
Et à Avignon, ce sont 270 personnes, selon la police, qui manifestent, dont le patron du PS Olivier Faure. « Il y a une banalisation du discours du RN qui est aujourd'hui aux portes de notre région » PACA mais « un sursaut est encore possible », a déclaré l'écologiste Jean-Pierre Cervantes, chef de file de la liste d'union de la gauche en Vaucluse pour les régionales des 20 et 27 juin.
Accusations d' « islamogauchisme », polémique sur les réunions non-mixtes, manifestation des policiers, intentions de vote pour le RN élevées... puis, plus récemment, une vidéo simulant un meurtre d'électeur insoumis et gifle à Emmanuel Macron : l'atmosphère du pays nécessitait une réaction aux yeux de nombreux militants.
La mobilisation ne pourra cependant pas faire oublier les divisions qui minent la gauche, même sur les sujets de laïcité, des libertés et de sécurité, chose inconcevable il y a plusieurs années.