LONDRES: Les banques doivent mettre de côté suffisamment de capital pour couvrir intégralement les pertes sur les bitcoins qu’elles détiennent: c’est la recommandation qu’ont formulée jeudi dernier les régulateurs bancaires mondiaux. Cette mesure «prudente» pourrait empêcher l'utilisation à grande échelle de la cryptomonnaie par les principaux prêteurs.
Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, composé de régulateurs des principaux centres financiers du monde, propose une double approche des exigences de fonds propres pour les cryptoactifs détenus par les banques dans sa première règle sur mesure consacrée à ce secteur naissant.
Le Salvador est le premier pays à avoir adopté le bitcoin comme monnaie légale. Toutefois, les banques centrales du monde entier ont averti à plusieurs reprises que les personnes qui investissent dans la cryptomonnaie doivent être prêtes à perdre tout leur argent.
Les grandes économies, parmi lesquelles la Chine et les États-Unis, font part ces dernières semaines d’une approche plus stricte, tout en élaborant des projets destinés à développer leurs propres monnaies numériques de banque centrale.
Le Comité de Bâle, en Suisse, indique dans un document de consultation publique que, si l’exposition des banques aux actifs cryptographiques est limitée, sa croissance continue pourrait mettre en péril la stabilité financière mondiale si des exigences de fonds propres ne sont pas introduites.
Le bitcoin et les autres cryptomonnaies valent actuellement environ 1,6 billion de dollars [1 dollar = 0,82 euro] dans le monde, ce qui reste négligeable par rapport aux avoirs bancaires en prêts, aux produits dérivés et aux autres actifs majeurs.
Les règles de Bâle exigent que les banques attribuent des «pondérations de risque» à différents types d'actifs dans leurs registres, ces derniers étant cumulés pour déterminer les exigences globales en matière de fonds propres.
Au sujet des actifs cryptographiques, Bâle propose deux grands groupes.
Le premier comprend certains actifs traditionnels «tokenisés» [la «tokenisation» permet de valoriser et de matérialiser des actifs réels dans le monde digital, NDLR] ainsi que des pièces stables qui relèveraient des règles existantes et seraient traités de la même manière que les obligations, les prêts, les dépôts, les actions ou les matières premières.
Cela signifie que la pondération pourrait aller de 0% pour une obligation souveraine symbolique à 1 250% ou la valeur totale de l'actif couvert par le capital.
La valeur des pièces stables et autres crypto-actifs du groupe 1 est liée à un actif traditionnel, tel que le dollar dans le cas la pièce stable Diem proposée par Facebook.
Néanmoins, étant donné que les actifs cryptographiques sont basés sur une technologie nouvelle et en évolution rapide comme la blockchain, il existe une probabilité accrue de risques opérationnels qui nécessitent une exigence de capital «supplémentaire» pour tous les types, selon le Comité de Bâle.
Le deuxième groupe comprend des cryptomonnaies comme le bitcoin. Elles seraient soumises à un nouveau «traitement prudentiel conservateur» avec une pondération des risques de 1 250% en raison de leurs «risques uniques».
Le bitcoin et les autres cryptomonnaies ne sont liés à aucun actif sous-jacent.
En vertu des règles de Bâle, une pondération de risque de 1 250% se traduit par le fait que les banques doivent détenir un capital au moins égal en valeur à leurs expositions au Bitcoin ou à d'autres actifs cryptographiques du groupe 2.
«Le capital sera suffisant pour absorber une radiation complète des expositions aux actifs cryptographiques sans exposer les déposants et autres créanciers de premier plan des banques à une perte», ajoute le rapport.
Peu d'autres actifs bénéficient d'un traitement aussi conservateur dans le cadre des règles de Bâle en vigueur. Il s’agit notamment d’investissements dans des fonds ou des titrisations pour lesquels les banques ne disposent pas d'informations suffisantes sur leurs expositions sous-jacentes.
La valeur du bitcoin a subi d’importantes fluctuations. Elle a atteint le niveau record de 64 895 dollars à la mi-avril avant de chuter à 36 834 dollars jeudi dernier.
L'appétit des banques pour les cryptomonnaies varie. Ainsi, HSBC affirme qu'elle n'a pas l'intention de créer un bureau de négociation de cryptomonnaie parce que les pièces numériques sont trop volatiles. Goldman Sachs a redémarré son bureau de négociation de cryptomonnaies au mois de mars.
Bâle fait savoir que, compte tenu de l’évolution rapide des actifs cryptographiques, une nouvelle consultation publique sur les exigences de fonds propres est probable avant la publication des règles définitives.
Les monnaies numériques de la banque centrale ne sont pas incluses dans ses propositions.