MONTRÉAL: Première pomme de discorde entre Justin Trudeau et Joe Biden il y a près de cinq mois, le projet controversé d'oléoduc Keystone XL entre le Canada et les États-Unis, dénoncé par les défenseurs de l'environnement, a été officiellement enterré mercredi.
"TC Energy a confirmé aujourd'hui après un examen complet de ses options et en consultation avec son partenaire, le gouvernement de l'Alberta, avoir mis fin au projet d'oléoduc Keystone XL", a annoncé l'opérateur canadien dans un communiqué.
Le groupe canadien avait annoncé la suspension des travaux quelques heures avant la signature du décret par M. Biden, le 20 janvier, dès son entrée en fonction.
Le groupe basé à Calgary, dans l'Ouest canadien, avait fait part de sa déception, annonçant prévoir en conséquence "le licenciement de milliers de travailleurs syndiqués".
De son côté, le gouvernement de l'Alberta a indiqué avoir également quitté le projet et dit "explorer toutes les options" pour récupérer son investissement, selon un communiqué. La province estime que l'abandon du projet devrait lui coûter 1,3 milliard de dollars canadiens (881 millions d'euros).
«Déçus et frustrés»
"Nous restons déçus et frustrés par les circonstances entourant Keystone XL, y compris l'annulation du permis présidentiel permettant au pipeline de traverser la frontière", a regretté le Premier ministre de la province Jason Kenney. L'Alberta concentre l'essentiel des réserves de pétrole du pays, principal produit d'exportation du Canada.
Ce projet, soutenu par Ottawa mais critiqué par les écologistes, avait été lancé en 2008. Annulé une première fois par Barack Obama car jugé trop polluant, il avait été remis sur les rails par Donald Trump pour des raisons économiques.
La révocation du décret de son prédécesseur était une des promesses de campagne de Joe Biden, dans le cadre de son plan de lutte contre le changement climatique.
Elle avait également suscité la déception du Premier ministre canadien Justin Trudeau, qui s'était engagé à mener à terme Keystone XL ainsi que d'autres oléoducs afin d'acheminer le pétrole canadien vers d'autres marchés et d'en obtenir un meilleur prix.
Le Canada possède les troisièmes réserves prouvées du monde, principalement contenues dans des sables bitumineux de l'ouest dont l'exploitation est critiquée pour son impact environnemental.
Les provinces riches en pétrole de l'Alberta et de la Saskatchewan (centre), déjà touchées par la chute des cours du pétrole, devraient payer le prix fort de cet abandon du projet, selon les experts.
Ce dernier devait permettre d'acheminer dès 2023 plus de 800 000 barils de pétrole par jour entre la province canadienne d'Alberta et les raffineries américaines du Golfe du Mexique. Mais, selon les écologistes, il aurait entraîné trop d'émissions de gaz à effet de serre.
TC Energy avait repris l'an dernier les travaux de construction sur la portion nord de l'oléoduc, longue de 1 947 km, entre la frontière canadienne et l'État du Nebraska, ceux sur la portion sud vers le Texas étant déjà terminés.
TC Energy estimait les coûts de ces travaux à 9,1 milliards de dollars américains (7,5 milliards d'euros).
Keystone n'est pas le seul sujet de désaccord dans ce secteur entre le Canada et les États-Unis.
Le mois dernier, Ottawa a annoncé avoir saisi la justice américaine pour bloquer une décision du Michigan ordonnant la fermeture d'un oléoduc transfrontalier du canadien Enbridge, jugée "préoccupante" par Justin Trudeau.
Cette intervention d'Ottawa fait suite à une ordonnance prise par la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer sommant Enbridge de fermer la ligne 5 de l'oléoduc à compter du 12 mai, également pour des raisons environnementales.
Cette canalisation transfrontalière transporte chaque jour jusqu'à 540.000 barils de pétrole et de gaz naturel de l'Ouest canadien vers l'Ontario, le Québec et plusieurs États américains.