BAGDAD: Les autorités irakiennes ont relâché mercredi un commandant pro-Iran, dont l'arrestation avait provoqué une démonstration de force contre les autorités, de nouveau défiées en soirée par une attaque au drone piégé, signature des pro-Iran au Moyen-Orient.
A une heure d'intervalle, cinq roquettes ont visé une base abritant des Américains au nord de Bagdad et un drone piégé s'est écrasé sur l'aéroport de Bagdad où sont stationnés des soldats américains, ont rapporté des responsables des services de sécurité.
C'est la quatrième fois en moins de deux mois que des engins volants chargés d'explosifs sont utilisés en Irak contre des intérêts américains, sur le modèle des attaques menées par les rebelles yéménites houthis, pro-Iran, contre l'Arabie saoudite.
Pour les experts, le recours à cette technique est le signe d'une escalade en Irak où les Américains ont déployé des batteries de défense aériennes qui interceptent souvent les roquettes, mais ne sont pas parvenues mercredi soir à intercepter le drone hostile.
Plus tôt dans la journée, les pro-Iran se sont félicité d'avoir enregistré "une victoire de plus" dans leur bras de fer avec un gouvernement qu'ils accusent d'être trop proche des Etats-Unis, grand ennemi de Téhéran.
La libération de Qassem Mahmoud Musleh est intervenue alors que le général iranien Esmaïl Ghaani, nouveau chef de la force Al-Qods, arrivait à Bagdad pour rencontrer des chefs de milices et des dirigeants politiques, ont déclaré deux responsables politiques chiites.
Les responsables ont affirmé que la réunion visait à aborder les tensions persistantes entre le gouvernement et certains groupes de milices liés à l'Iran, après l'arrestation de Musleh.
Ils ont parlé sous couvert d'anonymat, n'étant pas autorisés à s’adresser aux médias.
Les partisans de Musleh l'ont accueilli avec des accolades et des embrassades sur le pont central de Jadriya à Bagdad après sa libération, prenant des photos et des vidéos avec lui pour célébrer l’évènement. Deux responsables irakiens ont déclaré que Musleh avait été libéré à 8 heures du matin, et qu'il était retourné à Kerbala, sa ville natale, où ses partisans l'avaient également accueilli.
Musleh est à la tête des Forces de mobilisation populaire (FMP), Al Hachd al-Chaabi en arabe, dans la province d'Anbar. Il a été arrêté le 27 mai pour terrorisme, à la suite d'une enquête judiciaire. Sa libération a été ordonnée par un juge d'instruction au sein des FMP, à qui son dossier avait été transmis, ont indiqué deux responsables irakiens. Ils ont déclaré que la libération était motivée par une insuffisance de preuves. Ils se sont exprimés sous couvert d'anonymat, conformément à la réglementation.
Les Hachd al-Chaabi sont un groupe composé d'un ensemble de milices formées pour combattre le groupe État islamique en 2014. Parmi les membres les plus puissants du groupe figurent des milices chiites soutenues par l'Iran. Leur influence croissante en Irak inquiète les responsables occidentaux, en particulier les Américains, et représente un défi permanent pour le gouvernement irakien.
L'arrestation de Musleh a suscité des tensions et des craintes de violences lorsque, peu de temps après, des forces affiliées aux FMP ont encerclé le quartier général du Premier ministre Moustafa al-Kadhimi à l'intérieur de la Zone verte solidement fortifiée, siège du gouvernement irakien.
Les forces de sécurité irakiennes et les Services d'élite de lutte contre le terrorisme ont été déployés pour protéger le gouvernement et les missions diplomatiques. Des factions des FMP s'étaient également rassemblées autour des portails de la Zone verte.
Il s'agit du dernier incident mettant en évidence le défi constant d'Al-Kadhimi, consistant à imposer l’État de droit aux milices. Ces groupes sont soupçonnés de cibler les manifestants antigouvernementaux et les militants ouvertement critiques, ainsi que la présence américaine en Irak. Les charges portées contre Musleh l’accusaient de corruption et de complicité dans les assassinats de militants irakiens à Kerbala.
Les événements qui ont suivi l'arrestation de Musleh ont suscité des critiques sur l'incapacité du gouvernement à imposer l'ordre, et à traduire les suspects en justice. La détention physique de Musleh est particulièrement préoccupante, certains considérant tout transfert aux FMP comme une concession d'Al-Kadhimi.
Les FMP ont également subi la réprobation de responsables irakiens et occidentaux pour avoir attisé les tensions.
Après la détention de Musleh, Al-Kadhimi a tenu une réunion avec les principaux dirigeants chiites pour apaiser les tensions. Sur la base des résultats de la réunion, Musleh a été placé en détention par les FMP.
Une commission d'enquête composée de responsables des ministères de la Défense et de l'Intérieur, de la Sécurité nationale et des FMP a été constituée pour examiner son cas. Musleh était sous la garde du commandement des opérations conjointes pendant cette période. Ce commandement supervise un ensemble de forces de sécurité irakiennes.
Lundi, son dossier a été transmis à un juge d'instruction des FMP, qui a ordonné sa libération.
L'arrivée de Ghaani à Bagdad a coïncidé avec la libération de Musleh. Des responsables ont déclaré que le sujet des tensions persistantes a été abordé lors de ces réunions, sans donner plus de précisions.
Les tentatives d'arrestation d'individus affiliés aux milices par le passé se sont déroulées de la même manière, avec des pressions provenant de groupes de milices et des concessions de la part du gouvernement.
Un raid mené par le Service antiterroriste l'été dernier contre les Kataeb Hezbollah, soutenus par l'Iran, a conduit à plus d'une dizaine d'arrestations. Tous ont finalement été libérés après des pressions et des menaces de violence contre le gouvernement.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com