Au Kenya, mystère autour de l'enlèvement d'un membre de la famille Gülen

La Turquie a arrêté des dizaines de milliers de personnes soupçonnées de liens avec Fethullah Gülen, un prédicateur musulman basé aux Etats-Unis et accusé d'avoir orchestré un coup d'Etat contre M. Erdogan en 2016. (Photo, AFP)
La Turquie a arrêté des dizaines de milliers de personnes soupçonnées de liens avec Fethullah Gülen, un prédicateur musulman basé aux Etats-Unis et accusé d'avoir orchestré un coup d'Etat contre M. Erdogan en 2016. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 08 juin 2021

Au Kenya, mystère autour de l'enlèvement d'un membre de la famille Gülen

  • «Leur seul crime était d'être lié à Fethullah Gülen», argumente l'un des documents
  • Pour certains défenseurs des droits l'affaire montre combien l'actuel président, se joue des décisions de justice et collabore avec des agences de renseignements étrangères

NAIROBI: Comment un citoyen étranger a-t-il pu disparaître du siège de la police kényane et se retrouver détenu en Turquie, malgré une décision de justice interdisant son extradition ? 

Une semaine après la divulgation du retour forcé dans son pays de Selahaddin Gülen, dont l'oncle est la bête noire du président turc Recep Tayyip Erdogan, le Kenya reste mutique sur cet incident et sur le rôle qu'il a pu y jouer. 

Pour certains défenseurs des droits, l'affaire montre combien le Kenya d'Uhuru Kenyatta, l'actuel président, se joue des décisions de justice et collabore avec des agences de renseignements étrangères. 

La Turquie a arrêté des dizaines de milliers de personnes soupçonnées de liens avec Fethullah Gülen, un prédicateur musulman basé aux Etats-Unis et accusé d'avoir orchestré un coup d'Etat contre M. Erdogan en 2016. 

Selon des documents déposés devant un tribunal kényan, son neveu, Selahaddin Gülen, résident aux Etats-Unis et âgé de 30 ans, a été arrêté à son arrivée à l'aéroport de Nairobi le 17 octobre, avant d'être placé en liberté provisoire. 

Nairobi avait été alertée par Ankara, qui voulait le faire arrêter pour "pédophilie" et réclamait son extradition. Mais ses avocats rétorquent que ces actes présumés ont été "jugés et se sont conclus par un acquittement (...) en 2018". 

Ils ajoutent que le gouvernement turc mène "de longue date une campagne afin de poursuivre et de persécuter le requérant ainsi que sa famille", affirmant que le frère, la soeur et 62 autres membres de la famille de Selahaddin sont actuellement en prison. 

"Leur seul crime était d'être lié à Fethullah Gülen," argumente l'un des documents. 

Fethullah Gülen nie tout lien avec la tentative de coup d'Etat de 2016 et affirme être à la tête d'un réseau d'organisations caritatives et d'entreprises.  

«Détenu au secret»

En mars, la justice kényane avait interdit l'extradition vers la Turquie de Selahaddin Gülen, qui possède le statut de demandeur d'asile. 

Selon les conditions de sa liberté provisoire, ce dernier devait se rendre au commissariat tous les lundis. 

Il a été vu pour la dernière fois le 3 mai au commissariat central de Nairobi, selon un document déposé en référé devant le tribunal, deux jours plus tard, par l'un de ses avocats, Jotham Arwa. 

M. Arwa accuse les autorités kényanes d'avoir "capturé de manière gratuite et flagrante" son client et de l'avoir "détenu au secret", dans le but de "contourner la loi" et de le renvoyer en Turquie. 

L'agence de presse étatique turque Anadolu a affirmé le 31 mai que Selahaddin avait été rapatrié par des agents des renseignements turcs. 

La police et les responsables kényans de l'immigration n'ont pas répondu aux multiples demandes de commentaires de l'AFP. 

D'après Otsieno Namwaya, analyste à Human Rights Watch (HRW), le gouvernement kényan se borne à dire qu'il a été kidnappé par des agents turcs à la porte du commissariat.  

"Comment des agents étrangers peuvent-ils parvenir à attraper quelqu'un, partir avec et l'emmener à JKIA (l'aéroport international) et le faire sortir du pays ? Sans que personne ne pose de questions?", interroge-t-il. 

HRW prévoit de demander des explications dans une lettre au gouvernement, affirme l'analyste.  

"L'administration Kenyatta s'est faite connaître pour collaborer avec des agences de sécurité étrangères et pour kidnapper des citoyens étrangers qui se trouvent au Kenya pour des raisons de sécurité", ajoute-t-il. 

«Hostilité»

M. Namwaya cite le cas de deux opposants au gouvernement du Soudan du Sud, Dong Samuel Luak et Aggrey Idri, kidnappés à Nairobi en janvier 2017, malgré, là encore, une décision de justice interdisant leur extradition. 

En 2019, les Nations unies ont estimé "hautement probable" que les deux hommes, qui avaient été ramenés à Juba, aient été exécutés par les renseignements. 

L'analyste mentionne de nombreux cas de Rwandais, de Burundais, de Congolais et d'Ethiopiens arrêtés au Kenya et forcés à rentrer chez eux. 

"L'hostilité du gouvernement kényan envers les demandeurs d'asile est tout simplement stupéfiante", dit-il. "Le gouvernement actuel ne respecte pas du tout la justice."

La semaine dernière, l'association des avocats kényans a décrié l'"offensive continue de l'exécutif contre la justice" après de nouvelles critiques du président Kenyatta contre cette dernière. 

Le Kenya et la Turquie possèdent des liens forts mais Nairobi avait refusé en 2016 de fermer des écoles liées au mouvement "guléniste". 

En 1999, les services turcs avaient arrêté au Kenya le leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Ocalan, emprisonné depuis en Turquie. 


L'Allemagne aux urnes, sous pression de l'extrême droite et de Trump

Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
Le chancelier allemand Olaf Scholz, candidat principal à la chancellerie du parti social-démocrate allemand SPD, vote pour les élections générales dans un bureau de vote à Potsdam, dans l'est de l'Allemagne, le 23 février 2025. (Photo par RALF HIRSCHBERGER / AFP)
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  • Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.
  • Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

BERLIN : Alors qu'elle est déstabilisée par les crises, l'Allemagne vote dimanche pour des élections législatives où l'opposition conservatrice part largement favorite après une campagne bousculée par le retour au pouvoir de Donald Trump et l'essor de l'extrême droite.

Surveillé dans le monde entier, ce scrutin va doter la première puissance européenne d'un nouveau parlement afin d'affronter les défis qui ébranlent son modèle de prospérité et inquiètent la population.

« Nous traversons une période très incertaine », constatait Daniel Hofmann, rencontré à la sortie d'un bureau de vote à Berlin.

Selon cet urbaniste de 62 ans, qui se dit préoccupé par la « sécurité européenne » sur fond de guerre en Ukraine, le pays a besoin d'un « changement, une transformation ».

Récession économique, menace de guerre commerciale avec Washington, remise en cause du lien transatlantique et du « parapluie » américain sur lequel comptait Berlin pour assurer sa sécurité : c'est le « destin » de l'Allemagne qui est en jeu, a déclaré samedi le chef de file des conservateurs Friedrich Merz.

Ce dernier semble très bien placé pour devenir le prochain chancelier et donner un coup de barre à droite dans le pays, après l'ère du social-démocrate Olaf Scholz. D'après les derniers sondages, il recueillerait environ 30 % des intentions de vote.

Visiblement détendu, souriant et serrant de nombreuses mains, le conservateur de 69 ans a voté à Arnsberg, dans sa commune du Haut-Sauerland, à l'ouest.

Son rival social-démocrate, visage plus fermé, a lui aussi glissé son bulletin dans l'urne, à Potsdam, à l'est de Berlin.

Les électeurs ont jusqu'à 18 heures (17 heures GMT) pour voter. Les premiers sondages sortie des urnes seront publiés dans la foulée.

Selon les sondages, l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) peut espérer obtenir au moins 20 % des voix, soit deux fois plus qu'en 2021 et un résultat record.

Le parti anti-migrant et pro-russe a imposé ses thèmes de campagne, suite à plusieurs attaques et attentats meurtriers perpétrés par des étrangers sur le territoire allemand.

L'AfD a également bénéficié du soutien appuyé de l'entourage de Donald Trump pendant des semaines.

Son conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, n'a cessé de promouvoir la tête de liste du parti allemand, Alice Weidel, sur sa plateforme X.

« AfD ! » a encore posté M. Musk dans la nuit de samedi à dimanche, accompagnant son message de drapeaux allemands.
Les élections législatives anticipées ont lieu la veille du troisième anniversaire de l'invasion russe en Ukraine, un événement particulièrement marquant en Allemagne.

Le conflit a mis fin à l'approvisionnement en gaz russe du pays, qui a accueilli plus d'un million d'Ukrainiens. La perspective d'une paix négociée « dans le dos » de Kiev et des Européens inquiète tout autant.

Interrogé sur ces élections allemandes, le président américain a répondu avec désinvolture qu'il souhaitait « bonne chance » à l'allié historique des États-Unis, qui ont leurs « propres problèmes ».

Le discours de son vice-président JD Vance à Munich, dans lequel il exhortait les partis traditionnels allemands à mettre fin à leur refus de gouverner avec l'extrême droite, a creusé un peu plus le fossé entre Washington et Berlin.

Friedrich Merz souhaite que l'Allemagne puisse « assumer un rôle de leader » en Europe.

Dans le système parlementaire allemand, il pourrait s'écouler des semaines, voire des mois, avant qu'un nouveau gouvernement ne soit constitué.

Pour former une coalition, le bloc mené par les conservateurs CDU/CSU devrait se tourner vers le parti social-démocrate (SPD), excluant ainsi toute alliance avec l'AfD, avec laquelle il a entretenu des relations tendues durant la campagne, notamment sur les questions d'immigration.

Les sondages lui attribuent 15 % des voix. Ce score serait son pire résultat depuis l'après-guerre et signerait probablement la fin de la carrière politique d'Olaf Scholz. Mais auparavant, le chancelier devra assurer la transition.

« J'espère que la formation du gouvernement sera achevée d'ici Pâques », soit le 20 avril, veut croire Friedrich Merz.

Un objectif difficile à atteindre si les deux partis qui ont dominé la politique allemande depuis 1945 sont contraints, faute de majorité de députés à eux deux, de devoir trouver un troisième partenaire.

La fragmentation au Parlement dépendra notamment des résultats de petits partis et de leur capacité ou non à franchir le seuil minimum de 5 % des suffrages pour entrer au Bundestag.


Sécurité européenne, Ukraine : réunion des ministres européens de la Défense lundi

Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
Drapeaux de l'Union européenne et l'Ukraine (Photo i Stock)
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  • Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien
  • Cette réunion des ministres de la Défense s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

PARIS : Une douzaine de ministres européens de la Défense tiendront lundi une réunion par visioconférence afin de définir une réponse coordonnée à l'offensive diplomatique américano-russe concernant le dossier ukrainien et de renforcer la sécurité du Vieux continent, a-t-on appris dimanche auprès du ministère français des Armées.

Cette réunion, qui se tiendra dans l'après-midi à l'initiative de l'Estonie et de la France, rassemblera également les ministres de la Défense de Lituanie, de Lettonie, de Norvège, de Finlande, de Suède, du Danemark, des Pays-Bas, d'Allemagne, d'Italie, de Pologne et du Royaume-Uni, selon cette source.

À cette occasion, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, se rendra à Tallinn aux côtés de son homologue estonien Hanno Pevkur, après avoir participé aux célébrations de la fête nationale estonienne.

La France déploie environ 350 militaires en Estonie dans le cadre d'un bataillon multinational de l'OTAN.

Cette réunion des ministres de la Défense, trois ans jour pour jour après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, s'inscrit dans le ballet diplomatique provoqué par l'annonce de pourparlers bilatéraux américano-russes visant à mettre fin au conflit.

La semaine passée, plusieurs chefs de gouvernement européens avaient été conviés à Paris par le président Emmanuel Macron. D'après un résumé obtenu de sources parlementaires, ils se seraient accordés sur la nécessité d'un « accord de paix durable s'appuyant sur des garanties de sécurité » pour Kiev, et auraient exprimé leur « disponibilité » à « augmenter leurs investissements » dans la défense.

Plusieurs pays membres avaient en revanche exprimé des réticences quant à l'envoi de troupes européennes en Ukraine, dans l'hypothèse d'un accord mettant fin aux hostilités.


Le ministre russe des Affaires étrangères effectue une visite en Turquie lundi

Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères montre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, donnant une conférence de presse après la réunion avec le secrétaire d'État américain, le conseiller à la sécurité nationale et l'envoyé pour le Moyen-Orient au palais de Diriyah à Riyad, le 18 février 2025. M. (Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP)
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  • La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.
  • Le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

ISTAMBUL : Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, est attendu en Turquie lundi, jour du troisième anniversaire du déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, ont annoncé dimanche des sources diplomatiques turques.

M. Lavrov doit s'entretenir à Ankara avec son homologue turc Hakan Fidan, ont indiqué ces mêmes sources, précisant que les deux hommes discuteraient notamment d'une solution au conflit ukrainien.

Dimanche, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé à l'agence Tass qu'une délégation menée par Sergueï Lavrov devait se rendre prochainement en Turquie pour y discuter d'« un large éventail de sujets ».

La Turquie, membre de l'OTAN, souhaite jouer un rôle de premier plan dans la fin des hostilités, comme elle avait tenté de le faire en mars 2022 en accueillant par deux fois des négociations directes entre Moscou et Kiev.

Mardi, en recevant son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président turc Recep Tayyip Erdogan a de nouveau affirmé que son pays serait un « hôte idéal » pour des pourparlers sur l'Ukraine associant Moscou, Kiev et Washington.

Toutefois, ces dernières semaines, Moscou et Washington ont entamé un dialogue direct, alors que les relations se réchauffent entre Donald Trump et Vladimir Poutine.

Mardi, Russes et Américains se sont rencontrés en Arabie saoudite pour entamer le rétablissement de leurs relations, une réunion dénoncée par Volodymyr Zelensky qui redoute un accord sur l'Ukraine à leur insu.

M. Lavrov, dont la dernière visite en Turquie remonte à octobre, doit se rendre dans la foulée en Iran, un allié de la Russie.

La Turquie, qui est parvenue à maintenir ses liens avec Moscou et Kiev, fournit des drones de combat aux Ukrainiens mais n'a pas participé aux sanctions occidentales contre la Russie.

Ankara défend parallèlement l'intégrité territoriale de l'Ukraine et réclame la restitution de la Crimée du Sud, occupée par la Russie depuis 2014, au nom de la protection de la minorité tatare turcophone de cette péninsule.