BEYROUTH: L’honorable François-Philippe Champagne, ministre canadien des Affaires étrangères, est arrivé à Beyrouth le 26 août, précédé d’une opération de secours envoyée sur place et du financement d’un fonds de secours pour le Liban dont chaque dollar est doublé par Ottawa. Il a été accueilli par son homologue libanais, le ministre dans le gouvernement démissionnaire Charbel Wehbé.
Dès sa sortie de l’aéroport, le chef de la diplomatie canadienne qui s’arrêtait à Beyrouth après une escale en Suisse (où il a annoncé une donation de 2 millions de $ à la Croix Rouge libanaise de la part du gouvernement canadien), et une autre en Italie, a fait une déclaration pour le moins vitaminée : « Je viens d’arriver au Liban et je suis très heureux d’être ici pour les deux prochains jours et rencontrer les gens de la société civile et veiller à ce que le Canada apporte une réponse historique au défi historique qu’affronte le peuple libanais. On vous tiendra au courant au fur et à mesure, ce n’est que le début ».
Et c’est au pas de charge que le bien nommé M. Champagne, chaussé de rangers qui contrastent avec son protocolaire costume sombre, enchaîne les rencontres. Son agenda serré le conduit en premier lieu chez son homologue libanais, au ministère des Affaires étrangères situé au palais Bustros fortement endommagé. Auprès de ce dernier, il souligne l’appui du Canada au « peuple libanais » suite à la tragédie que celui-ci vient de vivre. Champagne ouvre avec son homologue le sujet des « réformes économiques et politiques et de l’enquête crédibles nécessaires au redressement du Liban ».
Trois heures plus tard, le ministre des Affaires étrangères canadiens était à Baabda, réitérant au Président de la république le soutien du Canada au peuple libanais et la nécessité des réformes à engager pour assurer au pays un redressement durable et déclarant en substance : « le Canada souhaite faire partie de la reconstruction. Nous sommes heureux d’aider le Liban, mais les réformes sont nécessaires et la corruption doit s’arrêter ; la rue a parlé, les jeunes, les femmes, les victimes ont parlé. A présent, il faut les écouter ».
Le Canada veillera à la sécurité alimentaire du Liban et à l’éducation des jeunes
Les premières visites protocolaires bouclées, et presque au même moment où atterrissait à Beyrouth un nouvel avion chargé d’aides affrétées de Toronto par la communauté libanaise du Canada, Champagne revenait sur le terrain, plus précisément sur le parking jouxtant la caserne des pompiers de Beyrouth, rejoint par le gouverneur de la ville Marwan Abboud. C’est ici que sont regroupés les représentants des douze organisations de la coalition humanitaire, ici que sont également regroupées et distribuées les aides internationales. Parmi les personnes venues quérir des secours pour leurs familles, François-Philippe Champagne s’approche de chaque travailleur humanitaire, pose des questions, écoute chaque histoire, s’assure que chaque personne affectée par l’explosion sera rapidement soutenue et aidée, félicite et ajoute pour chacun, avec une évidente sincérité : « merci, vous êtes un héros/une héroïne ».
Cet arrêt se clôture par un point de presse où le chef de la diplomatie canadienne a réitéré les objectifs de sa venue au Liban, insistant une fois de plus sur les réformes en vue d’un État inclusif, l’écoute des jeunes, des femmes et des exigences de la rue. Champagne a notamment insisté sur le rôle que le Canada s’apprête à jouer en vue de la sécurité alimentaire du Liban, fortement éprouvé par l’explosion qui a détruit son port et une partie de la capitale, mais également rongé par une crise économique sans précédent. Il a également annoncé une aide consistante à l’éducation à travers la francophonie, insistant sur la volonté de son gouvernement de soutenir en priorité la jeunesse.
François-Philippe Champagne a ensuite poursuivi sa visite de la ville en direction du camp de la Croix-Rouge internationale basé sur le nouveau bord de mer dans le parking de l’ancien Biel, une zone où les destructions sont effarantes.
En retrait de la foule, le chef de la diplomatie canadienne qu’Arab News en français a été autorisé à suivre dans cette parenthèse de repos, a déjeuné d’un sandwich en voiture avant de nous inviter à le rejoindre à l’ombre, sous le porche du hall d’expositions en ruine, pour répondre à nos questions. Nous l’interrogeons sur la dimension du mot « historique » revenu dans ses déclarations à plusieurs reprises. « L’aide internationale doit accompagner des réformes très sérieuses, répète le ministre. L’impunité doit cesser. Les jeunes, les femmes, les victimes ont parlé, et il faut les écouter. C’est ce que j’ai dit aux responsables. Dans une tragédie d’une ampleur sans précédent, on doit poser les bonnes questions et développer des réponses inclusives à la hauteur, pour un Liban prospère. »
Et d’ajouter: « On voudrait accompagner le Liban à chaque étape. Nous étions là pour sauver des vies au stade de l’aide humanitaire d’urgence, puis viendra l’assistance technique nécessaire pour les réformes judiciaires, mais également sur les plans de l’énergie, des télécoms, de l’eau. Et finalement, il y a l’enquête. Les gens veulent savoir qui a commis cet acte criminel, et le Canada est prêt à y participer, sous conditions qui nous permettront d’aller au bout des choses ».
Rappelant que la diaspora libanaise au Canada compte « 300 000 canadiens d’origine libanaise, qui veulent contribuer à bâtir un Liban prospère et inclusif », le ministre a assuré que « la diaspora va vouloir prêter main forte à leurs frères et sœurs libanais, si le mode de gouvernance est là. »
A la question de savoir s’il avait décelé une volonté de changement chez les responsables, M. Champagne affirme sentir « que l’écoute est là. » « J’ai souhaité au président d’accompagner ces jeunes qui ont accouru au chevet de leur capitale et qui veulent rester au Liban, mais l’impunité doit cesser et les reformes doivent se faire. On ne peut pas le faire à leur place mais on peut les accompagner… »
Durant cette pause, nous interrogeons enfin le ministre sur les éventuelles facilités que pourrait offrir le Canada aux jeunes souhaitant émigrer et sur la contribution du Canada aux réformes attendues. « On avait déjà annoncé un groupe de travail entre ministre de l’immigration et ministre des AE, explique-t-il, pour bien comprendre la réalité sur le terrain. Je veux que nos agents consulaires aient toute l’empathie qu’il faut, et il faut venir sur le terrain pour sentir, voir, même toucher la dévastation, pour accompagner ceux qui aimeraient vivre chez nous. Mais les jeunes d’ici veulent rester et bâtir le Liban de demain. »
Sur le site du port en ruines
Le convoi de Champagne se dirige ensuite au port de Beyrouth, sur le site de l’explosion monstrueuse où le ministre constate les dégâts. Devant la silhouette décharnée des silos, le chef de la diplomatie canadienne déclare : « Je me trouve ici aujourd’hui sur le site de la tragédie au port de Beyrouth. Vous pouvez voir derrière moi ; on sent la destruction, on voit la destruction, on la touche. Je n’ai jamais rien vu de pareil. C’est sans pareil pour plusieurs. Vous ne pouvez même pas imaginer le volume des dégâts. Je n’ai moi-même certainement jamais rien vu de pareil, et cela ne fait que redoubler notre détermination et la générosité du peuple canadien pour assurer notre aide au peuple libanais dans cette crise tragique.
J’ai eu la chance de remercier les gens, les premiers répondants, la Croix-Rouge, ceux qui sont là pour reconstruire, mais ce qui m’inspire le plus c’est la résilience, les gens qui parlent déjà de reconstruire, de s’assurer que cette tragédie serve de catalyseur pour changer la société libanaise. Alors on sera là à leurs côtés. »