LILLE : Opération de "tranquillité publique" pour les autorités, coup d'épée dans l'eau pour les associations : les forces de l'ordre ont mené vendredi un nouveau démantèlement à Calais, celui d'un camp abritant quelque 500 migrants, installés dans les hangars d'une ancienne friche.
Ordonnée par le ministre de l'Intérieur après une décision de justice, l'opération de "mise à l'abri" a débuté à 06H00 et s'est terminée en fin de matinée. Environ 500 migrants qui s'étaient installés dans plusieurs hangars de la friche Magnesia -- notamment Soudanais et Iraniens-- ont été évacués à bord de 25 bus, a indiqué la préfecture.
Selon les autorités, "une trentaine d'enfants" vivaient dans le camp, où la population a "considérablement augmenté ces dernières semaines".
"Ces occupations ont généré des troubles graves à l’ordre public, à la tranquillité publique, en particulier pour les 50 familles riveraines", a expliqué la préfecture, évoquant un "problème croissant de salubrité publique".
Selon une source policière, 300 policiers ont été mobilisés pour cette opération. Dix étrangers en situation irrégulière, susceptibles d’être des passeurs, ont été placés en garde à vue, a indiqué à l'AFP l’entourage du ministre de l’Intérieur.
Multiplication des traversées
Mercredi, le président ex-LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand, candidat à sa propre succession et candidat déclaré pour la présidentielle, ainsi que la maire LR de Calais Natacha Bouchart, avaient demandé au ministre de l'Intérieur le démantèlement de ce camp.
Ils mettaient en avant le risque de "reconstitution d'une jungle", en référence au bidonville démantelé à Calais en 2016, après avoir accueilli jusqu'à 9 000 migrants.
La zone désaffectée visée vendredi, dans le sud-est de la ville, avait été le théâtre de rixes dans la nuit de mardi à mercredi, impliquant une trentaine de personnes et mobilisant une cinquantaine de policiers et CRS. Plusieurs responsables politiques, dont Marine Le Pen, avaient alors apporté leur soutien aux forces de l'ordre.
Les migrants évacués vendredi ont été orientés dans des structures d'accueil, dans les Hauts-de-France ou ailleurs en France.
Ce type d'opérations, visant des regroupements plus ou moins importants, est régulier à Calais, où les migrants continuent d'affluer dans l'espoir de rejoindre l'Angleterre. La préfecture recense quelque 700 personnes dans le Calaisis, les associations plus d'un millier.
En 2020, plus de 9 500 traversées ou tentatives de traversée de la Manche par la mer ont été recensées par les autorités françaises, quatre fois plus qu'en 2019.
Vendredi encore, 55 migrants sur deux embarcations ont été secourus au large du littoral, portant à plus d'un millier le nombre de migrants récupérés en mer par les autorités françaises dans cette zone depuis début 2021, selon un décompte de l'AFP.
Le 26 mai, Xavier Bertrand avait fustigé "l'hypocrisie des Britanniques" et "l'inaction du gouvernement français" face à ce trafic migratoire, et appelé à la renégociation des accords du Touquet de 2003, qui ont transféré à Calais les contrôles de la frontière franco-britannique.
Lors d'un débat électoral régional mercredi, le double candidat avait aussi demandé pour la sécurité du Calaisis que "l’Etat applique la loi" en expulsant les migrants interpellés sans titre de séjour.
On «tourne en rond»
Mais les associations dénoncent une politique "incohérente", et le manque de solution pérenne. Début mai, elles s'étaient aussi émues d'une "inversion des valeurs" sur place, diabolisant les actions de solidarité comme les distributions de repas quotidiennes.
Auparavant, la Défenseure des droits avait dénoncé "la volonté d'invisibiliser" les migrants, et la Commission consultative des droits de l'Homme pointé une violation de leurs "droits fondamentaux".
"De toute façon les personnes se déplacent, elles vont ailleurs. C'est un parcours sans fin. On ne comprend pas pourquoi cette politique continue, tout le monde tourne en rond : les exilés, les autorités et les associations", a réagi vendredi auprès de l'AFP François Guennoc, président de l'Auberge des migrants.
"Ce qui est plus grave, c'est qu'à chaque fois les personnes perdent des affaires personnelles - une tente, une couverture - et on doit travailler d'autant plus pour leur offrir le minimum", a-t-il regretté.