MOSCOU/BERLIN: Un militant d'opposition bélarusse jugé mardi pour de nombreux chefs d'inculpation s'est planté un stylo dans le cou en pleine audience avant d'être évacué inconscient, a annoncé l'ONG Viasna de défense des droits humains.
Selon Viasna, Stepan Latypov a grimpé sur un banc dans la cage réservée à l'accusé "pour empêcher les gardes de l'atteindre" puis "s'est poignardé la gorge avec un objet ressemblant à un stylo".
"Stepan est devenu bleu et s'est allongé sur le banc, une ambulance a été appelée", a ajouté l'ONG.
Dans un communiqué, le ministère bélarusse de la Santé a indiqué mardi soir que la vie de l'opposant de 41 ans n'était pas en danger.
"Toutes les mesures médicales nécessaires ont été prises (...) Le patient est dans un état stable, il n'y a pas de danger de mort. Il a repris connaissance après l'anesthésie", a précisé le ministère sur sa page Telegram.
Selon Viasna, juste avant de passer à l'acte, l'opposant avait averti son père, qui venait de témoigner, qu'on l'avait menacé de poursuivre ses proches et sa famille en justice s'il ne reconnaissait pas sa culpabilité.
Stepan Latypov avait été arrêté le 15 septembre près de chez lui, un bloc d'habitations connu à Minsk pour être particulièrement actif dans la contestation contre le président Alexandre Loukachenko.
Il est jugé pour fraude dans le cadre de ses activités professionnelles, pour avoir coordonné la protestation via un groupe sur la messagerie Telegram, créé un atelier de production de symboles de l'opposition et résisté aux policiers lors de son arrestation.
L'opposant et ancien candidat à l'élection présidentielle Andreï Sannikov, en exil en Pologne, a évoqué sur Twitter "un acte de désespoir" et affirmé que Stepan Latypov était "battu et torturé depuis longtemps".
"Encore une preuve de la nature meurtrière du régime de Loukachenko", a-t-il ajouté.
Alexandre Loukachenko a fait face à des manifestations inédites et extrêmement massives après sa réélection à un cinquième mandat en août 2020, qu'il assure avoir gagné avec 80% des voix.
Refusant toute concession, il a fait arrêter ou envoyé en exil la plupart de ses opposants et dénonce des manifestations pilotées par l'Occident pour le renverser. La répression parfois très violente du mouvement de contestation a fait plusieurs morts et des milliers d'arrestations.
Fin mai, un avion de ligne effectuant la liaison Athènes-Vilnius a été dérouté sur Minsk, escorté par un avion de chasse, après une alerte à la bombe qui s'est révélée fausse. Un opposant qui se trouvait à bord et sa compagne ont été arrêtés, causant l'indignation des Européens.
Selon Viasna, 449 prisonniers politiques sont actuellement détenus au Bélarus.
Libération d'un journaliste de la Deutsche Welle
Le journaliste indépendant biélorusse Alexandre Bourakov, qui travaille pour le média allemand Deutsche Welle, a été libéré après 20 jours de prison dans la ville de Moguilev (est), a annoncé mardi DW.
"Je suis très soulagé que notre collègue sorte plus ou moins indemne de son emprisonnement illégal, mais la spirale de la violence d'État contre les journalistes est de plus en plus préoccupante", a réagi le directeur de la DW, Peter Limbourg, dans un communiqué.
"Il est de plus en plus évident que le régime du Bélarus souhaite réduire au silence les dernières voix indépendantes du pays, par tous les moyens nécessaires", a-t-il dénoncé.
Arrêté le 12 mai alors qu'il couvrait le procès de Pavel Sevyarynets, un opposant, et de plusieurs autres personnalités, M. Bourakov avait été condamné trois jours plus tard pour participation à un "évènement non autorisé".
M. Bourakov, comme un autre journaliste arrêté en même temps que lui, avait affirmé le 15 mai devant le tribunal de Moguilev avoir fait l'objet lors de sa détention de "tortures et traitements inhumains", avoir été réveillé plusieurs fois par nuit et forcé par des gardes à se déshabiller.
Le journaliste "a été libéré de prison mardi après 20 jours de détention", a annoncé dans un communiqué la Deutsche Welle.