GOMA: C'était une « fausse alerte » : déjà sous le feu des critiques, le gouvernement congolais a annoncé samedi par erreur l'éruption d'un petit volcan voisin du Nyiragongo, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), où l'urgence est désormais à la gestion de la crise humanitaire.
Deux jours après le chaos de l'évacuation ordonnée face au risque de nouvelle éruption du Nyiragongo, Goma, en grande partie vidée a retrouvé néanmoins un semblant de calme.
« Fausse alerte sur Nyamuragira. Un avion vient de survoler toute la zone des flancs de ce volcan. Aucune éruption n'a été constatée », a indiqué sur twitter le ministère de la Communication, après avoir fait état d'une éruption de « faible intensité » et ne menaçant aucune zone habitée sur un cratère secondaire sur le flanc nord de ce même volcan, voisin du Nyiragongo.
« Il s'est agit plutôt d'intenses activités de carbonisation du bois en charbon de bois dont la fumée a été perçue comme une activité du volcan », a expliqué le ministère.
Juste des vapeurs
Des images aériennes filmées samedi matin du Nyamuragira, montraient un cratère quasi-inactif, d'où s'échappaient juste quelques vapeurs de fumée blanche.
La région de Goma est une zone d'intense activité volcanique, avec six volcans, dont le Nyiragongo et le Nyamuragira qui culminent respectivement à 3 470 et 3 058 mètres.
Le Nyiragongo était entré en éruption sans aucun signe précurseur samedi dernier.
Deux immenses coulées de lave s'étaient échappées des flancs du volcan, dont l'une est venue s'immobiliser dans les faubourgs Nord-Est de Goma. Au moins 34 personnes ont trouvé la mort, entre 900 et 2 500 habitations détruites.
Selon un dernier rapport samedi de l'Observatoire de volcanologie de Goma (OVG), 61 tremblements de terre se sont produits au cours des dernières 24 heures, des séismes qui sont « cohérents avec la poursuite du mouvement du magma dans le système des fissures du Nyiragongo vers le lac Kivu ».
Ces séismes ont nettement ralenti depuis 48 heures, en nombre comme en intensité, a-t-on constaté.
L'OVG liste désormais trois scénarios principaux pour les jours à venir : « le magma reste sous terre sans éruption », avec ou sans la poursuite des secousses ; ou les tremblements de terre se poursuivent et la lave réapparaît sur la terre ferme, possiblement dans les fissures qui fracturent le sol de la cité.
Une quatrième hypothèse catastrophe, celle d'un « glissement de terrain ou un grand tremblement de terre déstabilisant les eaux profondes du lac et provoquant l'émergence de gaz dissous », est désormais jugée « beaucoup moins probable », mais « ne peut-être exclue ».
En grande partie vidée de ses habitants, Goma offrait presque le visage d'un habituel weekend, si ce n'était les commerces fermés et les rues bien moins fréquentées qu'à l'ordinaire.
Plusieurs centaines de milliers de personnes avaient fui la ville jeudi, dans la panique et le plus grand désordre, après un ordre d'évacuation « préventive » lancée à l'aube par les autorités.
Le spectre du choléra
Près de 400 000 personnes sont actuellement déplacées, dans la province voisine du Sud-Kivu, la région du Masisi à l'ouest et plus au nord, selon le gouvernement. Quelques milliers de personnes ont également trouvé refuge au Rwanda.
Lors du conseil des ministres tenu vendredi à Kinshasa, le président Félix Tshisekedi a demandé au gouvernement de « redoubler d’efforts pour une meilleure prise en charge de la situation humanitaire », alors que les critiques enflent sur le peu de résultats visibles des efforts promis depuis une semaine par le gouvernement.
Après l'éruption du 22 mai, le gouvernement a dépêché une grosse délégation ministérielle à Goma, lançant notamment des travaux sur la route au nord de la ville, un important axe routier régional coupée par la lave, de même que pour rétablir une ligne à haute tension, elle aussi coupée.
Mais les conditions de l'évacuation décidée soudainement jeudi ont ravivé les critiques, alors que le gouvernement avait promis des « moyens » pour aider au départ des habitants, et un soutien aux déplacés.
Dans la cohue, la peur et les embouteillages de cet exode soudain, très nombreux sont ceux qui s'étonnaient d'être livrés à eux-mêmes, abandonnés, ne sachant où aller ni dormir, malgré les promesses des autorités, a-t-on constaté.
« L'Etat a décidé l'évacuation de la population de #Goma et #Nyiragongo sans AUCUNE aide apportée », a ainsi vertement critiqué sur twitter le collectif d'activistes Lucha.
Lors du Conseil des ministres, le Premier Ministre Sama Lukonde « a tenu à rappeler » que l'éruption du Nyiragongo n'a aucun point de similitude avec les éruptions précédentes en ce qu'elle est survenue sans aucun signe précurseur ». « C'est ce qui justifie notre décision (...) d'évacuer la population vers les zones qui ne sont pas exposées », s'est-il défendu, soulignant par ailleurs la réhabilitation « en un temps record » du tronçon routier à la sortie nord de Goma.
Le gouvernement fait désormais face à une crise humanitaire d'ampleur, une de plus dans une région déjà meurtrie depuis trois décennies par les violences des groupes armés. La question de l'accès à l'eau consommable, avec les risques d'épidémie liés, s'avère particulièrement urgente, selon l'ONU, le CICR et les ONG opérant dans la région.