Terrorisme et psychiatrie: pour la justice, des «zones grises» difficiles à appréhender

Des gendarmes français inspectent le site où un suspect a été vu après qu'une policière municipale a été agressée au couteau le 28 mai 2021, à La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes, ouest de la France / AFP
Des gendarmes français inspectent le site où un suspect a été vu après qu'une policière municipale a été agressée au couteau le 28 mai 2021, à La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes, ouest de la France / AFP
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Publié le Vendredi 28 mai 2021

Terrorisme et psychiatrie: pour la justice, des «zones grises» difficiles à appréhender

  • Vendredi à la Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes, un homme fiché pour radicalisation a attaqué et grièvement blessé une policière municipale
  • L'agresseur, tué lors de son interpellation, avait été diagnostiqué «schizophrène», a précisé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin

PARIS: Où se trouve la frontière entre l'acte terroriste prémédité et le coup de folie? Pour la justice, qualifier les attaques commises par des personnes radicalisées s'avère complexe quand s'entremêlent troubles mentaux et motivations idéologiques, conduisant à des décisions parfois controversées.

Vendredi à la Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes, un homme fiché pour radicalisation a attaqué et grièvement blessé une policière municipale. 

L'agresseur, tué lors de son interpellation, avait été diagnostiqué "schizophrène", a précisé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

En fin d'après-midi, le parquet de Nantes, et non le Parquet national antiterroriste (Pnat), restait chargé de l'affaire, considérée pour le moment comme un acte criminel, sans se prononcer sur le caractère ou non terroriste.

Selon une source proche de ce dossier "très complexe", "il n’y a pas, à ce stade des investigations, de témoins de l'attaque évoquant une éventuelle revendication de l’assaillant qui laisserait penser à un acte à dimension terroriste".

Cette attaque remet en lumière la difficulté récurrente de la justice à tracer la frontière entre un acte terroriste et un crime de droit commun, a fortiori quand le responsable de l'attaque souffre de troubles mentaux et agit de façon solitaire, un cas "devenu courant", remarquait le procureur national antiterroriste Jean-François Ricard dans un entretien au Figaro en février 2020.

A des degrés divers, l'enjeu psychiatrique est en effet intervenu dans plusieurs attaques récentes dont s'est saisie la justice antiterroriste : à la préfecture de police de Paris (octobre 2019), à Villejuif (janvier 2020), à Romans-sur-Isère (avril 2020), à Rambouillet (avril 2021)...

Le Pnat a en revanche écarté d'autres dossiers : celui par exemple d'un homme fiché pour radicalisation islamiste, connu pour des troubles psychiques, qui a menacé avec un couteau des policiers messins en janvier 2020. 

Celui aussi, quelques mois plus tôt, de l'attaque d'une mosquée à Bayonne par un militant d'extrême droite. Face aux critiques, le Pnat avait avancé "l'état de grande confusion" du suspect, âgé de 84 ans.

Pour la justice, remarque un magistrat antiterroriste, il s'agit d'un "mélange complexe à appréhender".

Détails

Selon le code pénal, le Pnat doit se saisir si des infractions sont commises "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur".

Cela implique d'une part une préméditation, c'est-à-dire une préparation du passage à l'acte, et d'autre part son rattachement à un mouvement politique ou idéologique, par le biais par exemple d'une revendication, de l'imitation d'un mode d'action ou du choix de la cible.

En pratique, plusieurs interrogations interviennent donc : "Le suspect est-il connu des services de renseignement ? Fréquente-t-il une mosquée connue pour être radicale ou des individus impliqués dans un réseau ? Quelle est sa documentation ? Son appétence pour des sites ou de modes d'échanges radicaux ? Laisse-t-il un message pour annoncer ce qu'il va faire ? Va-t-il réaliser un tri parmi ses victimes sur un fondement religieux ?", énumère le magistrat antiterroriste.

En l'absence d'éléments évidents, le Pnat a ainsi parfois besoin "de temps pour avoir une position stabilisée" sur l'opportunité de se saisir de l'enquête, plusieurs heures voire jours "loin de la pression médiatique".

Un autre magistrat antiterroriste remarque : "Cela se joue parfois à des détails. Lors de l'attaque terroriste de Villejuif, le Pnat s'était saisi après la découverte que l'attaquant, malgré ses antécédents +psy+, avait épargné une cible potentielle après avoir vérifié qu'elle était de religion musulmane".

Ce débat entre coup de folie et acte délibéré se pose alors que les appels à l'acte des groupes jihadistes, tels l'Etat islamique, bien qu'affaiblis, trouvent encore un écho chez des personnes fanatisées ou déséquilibrées. 

"Sans idéologie, peut-être qu'il n'y aurait pas de passage à l'acte", relève un enquêteur.

Il y a des "individus fragiles psychologiquement, voire psychiatriquement, qui expriment leur folie de cette façon : ils crient +Allahou Akbar+ comme ils auraient crié +Jésus revient+ il y a vingt ou trente ans", expliquait en décembre 2019 Lucile Rolland, cheffe du Service central du renseignement territorial (SCRT), devant l'Assemblée nationale.

"Parmi les 2 400 personnes prises en compte par le SCRT, 20 à 25% sont d’abord et avant tout des cas psychiatriques, pour lesquels le suivi est extrêmement compliqué", notait-elle, avant d'ajouter : "Je préférerais que l'on s'occupe davantage de ces cas".


Un influenceur franco-iranien jugé en juillet pour apologie du terrorisme

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. (AFP)
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  • La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels
  • Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient

BOBIGNY: Un influenceur franco-iranien sera jugé début juillet devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour apologie du terrorisme, ont indiqué jeudi à l'AFP le parquet et ses avocats.

Shahin Hazamy, 29 ans, s'est vu "délivrer une convocation à une audience du 3 juillet pour apologie du terrorisme par un moyen de communication en ligne en public", a déclaré le parquet, confirmant son arrestation mardi révélée par le magazine Le Point.

La justice vise des propos tenus par l'influenceur sur l'attaque sanglante du Hamas le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.218 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels.

Se présentant comme journaliste indépendant sur TikTok, où il est suivi par 330.000 abonnés, le mis en cause, qui s'est fait connaître avec une association d'aide aux plus démunis, y partage de nombreux contenus sur l'actualité du Moyen-Orient.

"En s'en prenant à un journaliste la justice envoie un très mauvais signal à la liberté de la presse. Notre client Shahin Hazamy a subi un traitement inadmissible, avec une perquisition devant ses enfants en bas âge alors que les faits reprochés ont bientôt deux ans", ont déclaré à l'AFP ses avocats Nabil Boudi et Antoine Pastor.

Ces poursuites font suite à l'arrestation fin février d'une autre Iranienne en France, Mahdieh Esfandiari, actuellement écrouée pour apologie du terrorisme dans le cadre d'une information judiciaire confiée au Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH).

Annonçant cette nouvelle arrestation en France d'un de ses ressortissants, la télévision d'Etat iranienne a fustigé mercredi une "violation flagrante de la liberté d'expression dans un pays qui prétend être une démocratie".


Macron appelle à intégrer Mayotte dans la Commission de l'océan Indien

Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores. (AFP)
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  • "Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo
  • Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale

ANTANANARIVO: Le président français Emmanuel Macron a demandé jeudi "l'intégration" du département français de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), en plaidant pour une "approche pragmatique" face à l'hostilité des Comores.

"Nous ne pouvons pas laisser un territoire et ceux qui y vivent à l'écart d'un certain nombre de nos programmes", a dit M. Macron, en citant expressément Mayotte, au cinquième sommet de la COI dans la capitale malgache Antananarivo.

La COI réunit les États insulaires (Madagascar, Comores, Maurice, Seychelles et La Réunion pour la France) dans le sud-ouest de l'océan Indien.

Mais à la différence de La Réunion, autre département français dans cette partie du monde, Mayotte reste à la porte de l'organisation intergouvernementale.

"L'implication de nos populations, l'intégration de toutes nos îles dans les efforts de la COI pour la prospérité et la sécurité, dans la pluralité de ses dimensions maritime, alimentaire et pour la santé sont dans l'intérêt de nos peuples et de la région", a insisté M. Macron.

Il a suggéré toutefois d'"avancer de manière pragmatique vers cet objectif", sans réclamer l'intégration pleine et entière immédiate de l'archipel.

"La France est le premier bailleur de la COI", a-t-il aussi souligné, en précisant que l'Agence française du développement (AFD) gérait un "portefeuille de 125 millions d'euros de projets" de l'organisation.

"La COI est un modèle de coopération (...) Aucune de nos îles ne peut relever seule le défi", a-t-il ajouté, évoquant un "océan Indien profondément bousculé" par les défis planétaires actuels.

"Ensemble, en conjuguant nos atouts (..) nous pouvons tracer une voie nouvelle singulière", a-t-il assuré.

L'Union des Comores s'oppose à l'intégration de Mayotte dans la COI car elle conteste la souveraineté de la France sur Mayotte, restée française lorsque l'archipel des Comores est devenu indépendant en 1975.

Mayotte, tout comme les îles Éparses, autre territoire français hérité de la colonisation et revendiqué par Madagascar, sont au cœur du canal du Mozambique, voie majeure de transport maritime qui renferme d'importantes réserves en hydrocarbures.


Narcobanditisme à Marseille: le ministre de l'Intérieur annonce 21 arrestations dans «le haut du spectre»

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (C) s'entretient avec la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal et le président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur Renaud Muselier lors d'une visite d'inspection des mesures de sécurité publique à Marseille. (AFP)
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  • Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme"
  • Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail

MARSEILLE: Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a annoncé jeudi un coup de filet avec 21 interpellations de trafiquants appartenant au "haut du spectre" du narcobanditisme marseillais, lors d'un déplacement à Marseille.

Une opération "a eu lieu très tôt ce matin avec 21 interpellations liées au narcobanditisme, dans le haut de spectre, qui doit nous permettre de démanteler un réseau important sur Marseille", qui tenait la cité de la Castellane, dans les quartiers populaires du nord de la ville, a déclaré Bruno Retailleau lors d'une conférence de presse.

Les personnes arrêtées sont de "hauts responsables qui tiennent un réseau à la Castellane", "pas du menu fretin", a-t-il insisté: ce "ne sont pas des petites mains, des charbonneurs, mais des responsables de haut niveau du narcobantitisme", a insisté M. Retailleau.

Selon une source policière, cette enquête portait notamment sur du blanchiment.

Toutes ces interpellations jeudi matin n'ont cependant pas eu lieu à Marseille, pour ce réseau qui présente des "ramifications nationales mais avec des racines marseillaises", a ajouté le ministre sans plus de détail.

Au total, 170 enquêteurs ont été mobilisés pour ce coup de filet qui est, selon le ministre, "un coup dur", "sinon mortel", porté à ce réseau.

La cité de la Castellane, vaste ensemble d'immeubles blancs en bordure d'autoroute, est connue pour être un haut lieu marseillais de ces trafics de stupéfiants qui empoisonnent le quotidien des habitants. En mars 2024, Emmanuel Macron s'y était rendu pour lancer des opérations "place nette XXL" contre les trafiquants et depuis la présence policière y était quasi constante, mais si le trafic était moins visible il se poursuivait notamment via les livraisons.

Ce coup de filet n'a a priori "pas de lien" avec les récents faits visant des prisons en France, a également précisé le ministre.

Le ministre était à Marseille pour dresser un premier bilan des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien, lancés en février, avec par exemple mercredi 1.000 fonctionnaires mobilisés dans les Bouches-du-Rhône qui ont procédé à 10.000 contrôles d'identité.

Au total, 106 personnes ont été interpellées, dont une trentaine d'étrangers en situation irrégulière, dans le cadre d'une opération "massive" et "visible".