BERLIN: Chrétiens, musulmans et juifs ont posé jeudi à Berlin la première pierre d'un lieu de culte commun, un projet présenté comme unique au monde qui intervient dans un contexte de tensions exacerbées entre communautés religieuses par le conflit israélo-palestinien.
L'imam, le pasteur et le rabbin de la "House of one" ont voulu voir dans la pose de cette première pierre "une étape importante vers l'achèvement de notre projet de paix inter-religieux", selon les mots du rabbin Andreas Nachama.
Dix ans après la conception de ce projet, les travaux de construction de ce vaste édifice, situé sur l'île aux Musées dans le centre de Berlin, doivent durer quatre ans.
Leur lancement prévu l'an dernier avait dû être reporté en raison de la pandémie.
Bâti sur une ancienne église détruite du temps de la RDA communiste, le bâtiment a été conçu pour que chaque groupe de croyants puisse prier séparément.
«Lieu de paix»
Mais la mosquée, la synagogue et l'église protestante seront reliées entre elles par un grand hall commun où des événements et fêtes pourront également être célébrés ensemble.
La "joie liée (...) à ce projet de paix unique des religions croît avec chaque pierre qui sera posée", s'est réjoui le pasteur Gregor Hohberg avant la cérémonie.
"Pour nous, c'est un pas en avant plein de symbolique", a assuré l'imam de la future mosquée Kadir Sanci.
"En ces temps de polarisation des opinions et des attitudes" qui "jettent une grande ombre sur le monde, la +House of one+ incarne l'esprit constructif de la foi et de la spiritualité", a-t-il ajouté.
Il a également vu dans ce lieu de culte des trois religions monothéistes "un lieu de paix et de sécurité", "un éloge de la différence" alors que les tensions entre juifs et musulmans ont été vives en Allemagne ces dernières semaines à la faveur de la reprise du conflit armé israélo-palestinien.
Le maire de Berlin, Michael Müller, a d'ailleurs dénoncé dans un discours lors de la cérémonie "la haine, la violence, l'antisémitisme et l'islamophobie, le racisme et l'incitation à la haine raciale" qui "n'ont pas de place dans notre société".
"Il est tout à fait normal et même important que dans la capitale allemande, des conflits mondiaux dramatiques puissent faire l'objet d'une discussion", a-t-il assuré, tout en rejetant toute forme de violence.
Slogans antisémites
Des drapeaux israéliens ont été brûlés et des slogans antisémites prononcés lors de rassemblements pro-palestiniens en Allemagne ces dernières semaines.
La chancelière Angela Merkel avait mis en garde samedi contre des débordements racistes ou antisémites lors des manifestations en faveur de la cause palestinienne.
"Ceux qui portent la haine contre les juifs dans la rue, ceux qui incitent à la haine raciale, sont en dehors de notre Loi fondamentale", avait-elle tancé, après notamment des débordements violents pendant un rassemblement à Berlin.
Une soixantaine de personnes avaient été arrêtées et une centaine de policiers blessés.
L'imam, le pasteur et le rabbin de la "House of one" ont prononcé de courtes prières avant que des objets symboliques des trois religions du Livre ne soient coulés dans le béton.
Le projet estimé à 47 millions d'euros est en partie financé par l'Etat allemand et la Ville de Berlin. Une campagne participative et de dons a également été lancée afin de réunir les quelque 8 millions d'euros encore manquants.
L'Allemagne compte une majorité de chrétiens, dont beaucoup de protestants mais aussi une importante communauté musulmane estimée à entre 5,3 et 5,6 millions de croyants, soit 6,4 à 6,7% de la population.
Décimée par l'Holocauste, la communauté juive est aujourd'hui l'une des plus dynamiques en Europe à la faveur de l'arrivée dans les années 90 de plus de 200 000 juifs de l'ex-Union soviétique à qui l'Allemagne a ouvert ses portes.
Elle est estimée actuellement à environ 225 000, soit la troisième communauté en Europe après la France et la Grande-Bretagne.