TÉHÉRAN : Le guide suprême iranien Ali Khamenei a pressé jeudi ses concitoyens d'ignorer les appels au boycottage de la présidentielle du 18 juin après la disqualification de candidats majeurs.
"Ne prêtez pas attention à ceux qui font campagne en disant qu'il est inutile d'aller voter et qu'il ne faut pas se rendre aux urnes", a déclaré l'ayatollah Khamenei aux députés dans un discours en visioconférence, selon son compte Instagram officiel.
Les Iraniens sont appelés à élire un successeur au président Hassan Rohani le 18 juin, dans un climat de mécontentement général face à la grave crise économique et sociale que traverse le pays.
Après la répression violente des vagues de contestation de l'hiver 2017-2018 et de novembre 2019, une nette défiance vis-à-vis du pouvoir s'exprime de plus en plus ouvertement.
Et l'annonce, mardi, de la disqualification surprise de deux alliés de M. Rohani, l'ancien président du Parlement Ali Larijani (conservateur) et l'actuel premier vice-président (réformateur) Eshaq Jahanguiri, est perçue comme fortement susceptible de faire grandir le camp des abstentionnistes.
Depuis plusieurs mois, des opposants en exil animent sur les réseaux sociaux une campagne de boycottage de l'élection, avec entre autres slogans, le mot-dièse #NaBehJomuriEslami ("Non à la République islamique").
Après l'abstention record (57%) aux législatives de 2020, le président sortant Hassan Rohani, a indiqué mercredi avoir écrit au Guide pour lui demander de permettre plus de "concurrence" le 18 juin , disant craindre en cas contraire pour le "maintien de la légitimité" de la République islamique.
«Sans rival»
Mais les propos de M. Khamenei laissent penser qu'il n'a pas l'intention d'intervenir pour repêcher tel ou tel candidat, comme il l'avait fait en 2005.
Les candidats à la présidentielle doivent obtenir l'aval du Conseil des gardiens de la Constitution, organe non élu chargé du contrôle de l'élection.
Quelque 600 personnes avaient déposé un dossier de candidature à la mi-mai. Le Conseil des Gardiens en a autorisé sept à concourir, dont cinq ultraconservateurs, s'exposant aux critiques selon lesquelles l'élection serait organisée pour assurer la victoire du chef de l'Autorité judiciaire, Ebrahim Raïssi.
Nombre de médias iraniens voyaient en M. Larijani la seule personne capable de faire de l'ombre à M. Raïssi. Celui-ci fait désormais figure de "candidat sans rival", selon le journal réformateur Etemad.
Proche du Guide, M. Raïssi avait obtenu 38% des voix à la présidentielle de 2017 face à M. Rohani, à qui la constitution interdit de se représenter cette année après deux mandats consécutifs.
Également invalidé par les Gardiens (comme en 2017), l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad, populiste encore crédité d'une large base de sympathisants, avait prévenu le 12 mai qu'il n'irait pas voter et ne soutiendrait aucun candidat s'il venait à être disqualifié.
Il ne s'est pas encore exprimé publiquement depuis l'annonce de la liste officielle des sept candidats autorisés à prendre part à la campagne électorale qui doit s'ouvrir vendredi.
Pour les réformateurs et les modérés qui gouvernent avec M. Rohani depuis 2013, la solution aux problèmes du pays réside dans les discussions en cours à Vienne pour tenter de relancer l'accord international sur le nucléaire iranien de 2015 en y réintégrant les États-Unis.
Au contraire, les ultraconservateurs et bien des conservateurs accusent M. Rohani de s'exonérer de ses responsabilités en imputant les difficultés actuelles à la seule faute des États-Unis et des Européens, les premiers pour avoir dénoncé ce pacte en 2018, les seconds pour n'avoir pas aidé Téhéran à contrer les effets dévastateurs des sanctions américaines contre l'Iran rétablies ou instituées depuis lors.