LONDRES: Les efforts du Qatar pour protéger le droit des travailleurs migrants à percevoir un salaire décent ont largement échoué, a indiqué Human Rights Watch (HRW) dans un rapport.
Les droits des employés ont été fréquemment ignorés par plus de 60 grands employeurs du pays, et les promesses faites en 2017 à l’Organisation internationale du travail concernant la protection des travailleurs migrants contre les abus de salaire et l’abolition du système de visa kafala n’ont pas été tenues. C’est ce que révèle un rapport intitulé « Comment pouvons-nous travailler sans salaire: les abus de salaire auxquels sont confrontés les travailleurs migrants avant la Coupe du monde de la Fifa 2022 au Qatar. »
HRW a affirmé avoir trouvé de nombreux exemples d'abus de salaire visant des personnes travaillant dans les secteurs les plus variés, du personnel de sécurité jusqu’aux nettoyeurs et aux ouvriers de la construction.
« Dix ans après que le Qatar a obtenu le droit d'accueillir la Coupe du monde 2022 de la Fifa, les travailleurs migrants sont toujours confrontés à des retards de salaire, à des salaires impayés et déduits », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord au sein de HRW.
« Nous avons entendu parler de travailleurs affamés en raison de retards de salaire, de travailleurs endettés qui peinent au Qatar pour n’obtenir que des salaires médiocres et de travailleurs piégés par des conditions de travail abusives, redoutant des représailles », a-t-il ajouté.
« Le Qatar a encore deux ans avant que les joueurs ne frappent le premier ballon de la Coupe du monde. Le temps presse et le Qatar doit montrer qu’il tiendra ses promesses: abolir le système de la kafala, améliorer ses systèmes de suivi des salaires, accélérer ses mécanismes de redressement et adopter des mesures supplémentaires pour lutter contre les abus de salaire. »
Le Qatar dépend d'une main-d'œuvre migrante qui compte plus de 2 millions de personnes pour l'aider à construire les infrastructures de sa Coupe du monde.
Cependant, de nombreux travailleurs migrants se trouvent pris au piège de dettes et sont à la merci d'employeurs sans scrupules.
L'apparition de la pandémie de coronavirus a aggravé les conditions, certains employeurs utilisant cette crise sanitaire comme prétexte pour retenir les salaires et récupérer de force les sommes dues.
HRW a déclaré que le système de la kafala, qui lie les visas des travailleurs aux employeurs et que le Qatar a promis de supprimer, a facilité les abus.
De plus, certains travailleurs ont dû payer en amont jusqu'à 2 600 dollars pour trouver un emploi au Qatar, tout cela pour arriver dans le pays endettés et pour toucher des salaires inférieurs à ceux qu’on leur avait promis. Le retard de paiement pose également un problème.
Le Qatar a mis en œuvre le système de protection des salaires en 2015, les Commissions de résolution des conflits du travail en 2017 et le Fonds de soutien et d'assurance pour les travailleurs migrants en 2018.
Il a également annoncé des réformes censées mettre en place un salaire minimal pour tous les travailleurs migrants au Qatar et leur permettre de quitter leur emploi sans le consentement de l'employeur.
Mais HRW a déclaré que ces changements pourraient être facilement contournés par les employeurs, que poursuivre les grandes entreprises en justice s’avérait souvent coûteux et inefficace pour les individus, et que ceux-ci pouvaient s’exposer à des représailles.
L'instance dirigeante du football mondial, la Fifa, déclare qu'elle a « une politique de tolérance zéro à l'égard de toute forme de discrimination et d'abus de salaire. La Fifa est consciente de l'importance des mesures de protection des salaires [au Qatar]. C’est pourquoi la Fifa et les autres organisateurs de tournois ont mis en place des systèmes forts pour prévenir et limiter les abus de salaire sur les sites de la Coupe du monde de la Fifa, ainsi que des mécanismes destinés aux travailleurs et leur permettant de dénoncer pratiques afin que des sanctions puissent être prises lorsque les entreprises ne respectent pas les règles. »
Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com