PARIS: En scellant une alliance avec le candidat LR pour les régionales en PACA Renaud Muselier, la majorité porte un mauvais coup au parti de droite, tentant de pousser ses pions dans la recomposition de l'échiquier politique, avant la présidentielle.
C'est le Premier ministre Jean Castex, lui-même issu de LR mais sans carte LREM, qui a annoncé dimanche cette alliance entre Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées (LREM), et le LR Renaud Muselier, face au candidat du Rassemblement national Thierry Mariani, avant le premier tour du 20 juin.
Un séisme pour LR, qui a réagi en indiquant que M. Muselier n'aurait pas l'investiture du parti, évoquant même une éventuelle liste face à lui.
Avec cet accord, dont «personne ne doute qu'il a été visé par l'Elysée», Emmanuel Macron «veille à ce que le champ de ruines des oppositions reste un champ de ruines et ne permette pas une reconstruction», analyse Gaël Sliman, président de l'institut Odoxa. En particulier une reconstruction de la droite, qu'il «craint le plus», car «sans l'affaire Fillon, la présidentielle de 2017 était gagnée pour elle».
Après avoir laminé la gauche, et pris dans leur escarcelle des personnalités de droite (Edouard Philippe, Jean Castex, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire), l'exécutif et la majorité continuent de faire «travailler la poutre» d'une recomposition initiée avec l'élection de 2017, selon l'expression quasi éculée de l'ex-Premier ministre Edouard Philippe.
«C'est certain que la clarification politique que cela opère a des conséquences sur les appareils», relève à propos de l'accord en Paca le député Thierry Solère, conseiller politique d'Emmanuel Macron. Et dans la perspective de 2022, «les régionales, c’est un instant de clarification dans la vie politique».
«Divorce définitif»
Pourquoi un accord en Provence-Alpes-Côte-d'Azur ? «Le risque RN y est particulièrement fort», plaide un cadre LREM du Sud.
Mais aussi, Emmanuel Macron «a vu récemment les maires (LR) de Nice (Christian Estrosi) et Toulon (Hubert Falco) successivement. Il y a des discussions avec Estrosi, Muselier, Falco, (la présidente LR des Bouches-du-Rhône Martine) Vassal sur la situation politique», explique M. Solère. Selon lui, le constat a été fait «que les électeurs de Muselier sont souvent les électeurs du président».
Lundi, membres du gouvernement et de la majorité ne se sont pas privés d'appuyer sur les dissensions internes entre ces élus et d'autres responsables LR hermétiques à toute alliance.
Les patrons de LREM Stanislas Guerini et des députés Marcheurs Christophe Castaner ont décrit «deux droites irréconciliables», l'une «progressiste, qui veut faire avancer le pays», l'autre, «qui cherche à maintenir ses chapelles».
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire va même plus loin, voyant dans l'accord en Paca un «acte de divorce définitif» de ces droites alors qu'elles ne s'entendent déjà plus «depuis le deuxième tour de l'élection présidentielle de 2017», lorsque certains ont soutenu Emmanuel Macron et d'autres «ont refusé de choisir» entre lui et le Front national.
«Jeu dangereux»
LR crie pour sa part à la manoeuvre initiée au sommet de l'Etat.
«C'est une affaire nationale, et ce qui se joue ici, c'est la volonté du président de la République de détruire les Républicains», estime le député du Vaucluse Julien Aubert.
«C'est un jeu extraordinairement dangereux (avec lequel) on va finir par faire élire Mme le Pen», tonne Eric Ciotti pour qui «derrière le pacte» en Paca, «il y a des postes, des places qui se négocient» dans un éventuel futur gouvernement.
D'autres accords dans d'autres régions, notamment le Grand Est, sont-ils possibles ? Stanislas Guerini parle de «main tendue» mais juge que c'est «peu probable» vu les courts délais avant le dépôt des listes d'ici au 17 mai.
Les alliances ne se font «pas à n'importe quel prix», il faut que ce soit «derrière des projets» et «des valeurs», assure le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Car l'alliance fait des remous aussi à l'aile gauche de LREM. Les sociaux-démocrates de Territoires de progrès soulignent leur «regret» après ce «ralliement dès le premier tour». Et le groupe En Commun l'a condamnée, jugeant qu'elle «renforce l'extrême droite en la présentant comme seule alternative».