Espoirs et méfiance en Libye après l'annonce de cessez-le-feu

Des ingénieurs militaires du gouvernement libyen d'accord national (GNA) reconnu par l'ONU, triant des munitions et des explosifs découverts dans des zones au sud de la capitale (Mahmud Turkie / AFP)
Des ingénieurs militaires du gouvernement libyen d'accord national (GNA) reconnu par l'ONU, triant des munitions et des explosifs découverts dans des zones au sud de la capitale (Mahmud Turkie / AFP)
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Publié le Samedi 22 août 2020

Espoirs et méfiance en Libye après l'annonce de cessez-le-feu

  • « Notre pays assiste à un réveil dans le bon sens, avec une volonté de rompre avec la folie d'hier », estime Emhemed Shoaeb
  • Pour l'Atlantic Council, la mise en œuvre d'un cessez-le-feu et l'organisation d'élections « sera un processus laborieux » car les forces locales « se méfient non seulement les unes des autres, mais aussi des parties internationales impliquées »

TRIPOLI : Arrêt des combats et organisation d'élections en Libye ?

 Les annonces des autorités rivales suscitent à la fois espoir et méfiance compte tenu des précédents dans ce pays déchiré depuis des années par des violences et où des acteurs étrangers sont directement impliqués.

Fayez al-Sarraj, chef du Gouvernement d'union nationale (GNA) basé à Tripoli et reconnu par l'ONU, et un pouvoir incarné par Khalifa Haftar, homme fort de l'Est soutenu par une partie du Parlement élu et son président, Aguila Saleh, ont effectué ces annonces contre toute attente vendredi dans deux communiqués distincts à la teneur semblable.

Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte populaire en 2011, la Libye est en proie à des luttes d'influence et aujourd'hui ces deux autorités se disputent le pouvoir dans un pays qui dispose des réserves de pétrole les plus abondantes d'Afrique, et est devenu une plaque tournante du trafic de migrants vers l'Europe.

Après des tentatives de règlements et d'engagements restés lettre morte, de ballets diplomatiques et de pressions, les annonces de vendredi rappellent la première entente politique depuis l'accord de Skhirat conclu en 2015 au Maroc, sous l'égide de l'ONU, et en vertu duquel a été créé le Gouvernement d'union nationale (GNA).

« Notre pays assiste à un réveil dans le bon sens, avec une volonté de rompre avec la folie d'hier », estime Emhemed Shoaeb, chef de la délégation du Parlement et important protagoniste de l'aboutissement de l'Accord politique à Skhirat.

C'est « une première avancée constructive qui montre la détermination des dirigeants libyens à surmonter l'impasse actuelle et crée un nouvel espoir pour un terrain d'entente en vue d'une solution politique pacifique à la crise (...) et de la fin de toute ingérence étrangère dans le pays », a souligné samedi le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell.

Depuis l'offensive lancée par le maréchal Haftar sur Tripoli le 4 avril 2019, sur fond d'implication croissante de puissances étrangères qui ont alimenté le conflit, toutes les tentatives de cessation d'hostilités ont échoué.

Alors que le GNA est soutenu par la Turquie et le Qatar, Khalifa Haftar bénéficie de l'aide de l'Egypte, des Emirats arabes unis et de la Russie.

Un processus laborieux

Pour Emad Badi, de l'Atlantic Council, la mise en oeuvre d'un cessez-le-feu et l'organisation d'élections « sera un processus laborieux » car les forces locales « se méfient non seulement les unes des autres, mais aussi des parties internationales impliquées ».

« Les intérêts particuliers de ces acteurs pourraient facilement faire échouer les pourparlers à n’importe quel stade », renchérit Wolfram Lacher, chercheur à l'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP)

Repoussés par les forces pro-GNA avec l’aide d'Ankara, les forces de Haftar et leurs alliés se sont repliés en juin sur Syrte (450 km à l’est de Tripoli) et la base aérienne d'al-Joufra. Depuis, les deux camps et leurs alliés étrangers se jaugent à distance sans passer à la confrontation directe.

Pour M. Sarraj, également chef du Conseil présidentiel (CP) qui chapeaute le GNA, il faut démilitariser Syrte et Joufra pour aller de l’avant, alors que M. Saleh n’évoque pas de zone démilitarisée. Mais il propose l'installation d'un nouveau Conseil présidentiel, qui remplacerait le GNA de Sarraj, à Syrte, ville natale de l'ancien dictateur Mouammar Kadhafi, puis bastion du groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Ces divergences et omissions sont « révélatrices », estime M. Lacher.

La démilitarisation est « un plan américain, britannique et allemand qui vise à endiguer l’influence turque et russe sur le terrain », dit-il. Et la Russie s'y opposera mais aussi les Emirats arabes unis, « qui soutiennent la présence militaire russe en Libye », ajoute-t-il.

Pour Emad Badi aussi, la démilitarisation sera « une pomme de discorde ».

Moscou, qui compte un nombre important de mercenaires russes dans ces zones, a tout intérêt à maintenir une présence à Joufra et à saper ce qui est de facto un processus soutenu par les États-Unis qui verrait l'influence de Moscou diminuer, explique l’expert de l'Atlantic Council.


Le désarmement du Hezbollah est une question "délicate", souligne le président libanais

Une photo fournie par les forces armées libanaises le 20 avril 2025 montre des armes qui, selon l'armée, ont été saisies après la perquisition d'un appartement dans la région de Sidon-Zahrani, dans le sud du Liban. L'armée a déclaré le 20 avril que ses forces avaient confisqué des roquettes et des lanceurs dans la région de Sidon-Zahrani, dans le sud du Liban, et arrêté un certain nombre de personnes en raison d'un projet de tir en direction du territoire tenu par Israël, sans préciser si les personnes arrêtées étaient affiliées à un groupe quelconque. (Photo de l'armée libanaise / AFP)
Une photo fournie par les forces armées libanaises le 20 avril 2025 montre des armes qui, selon l'armée, ont été saisies après la perquisition d'un appartement dans la région de Sidon-Zahrani, dans le sud du Liban. L'armée a déclaré le 20 avril que ses forces avaient confisqué des roquettes et des lanceurs dans la région de Sidon-Zahrani, dans le sud du Liban, et arrêté un certain nombre de personnes en raison d'un projet de tir en direction du territoire tenu par Israël, sans préciser si les personnes arrêtées étaient affiliées à un groupe quelconque. (Photo de l'armée libanaise / AFP)
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  • M. Aoun a fait cette déclaration après que le ministère libanais de la Santé a annoncé la mort de deux personnes dans de nouvelles attaques israéliennes dans le sud du pays, malgré la trêve en vigueur entre Israël et le Hezbollah.
  • M. Aoun a fait cette déclaration après que le ministère libanais de la Santé a annoncé la mort de deux personnes dans de nouvelles attaques israéliennes dans le sud du pays, malgré la trêve en vigueur entre Israël et le Hezbollah.

BEYROUTH : Le président libanais, Joseph Aoun, a qualifié dimanche le désarmement du Hezbollah de question « délicate », avertissant que l'imposer par la force pourrait conduire le pays à la « ruine ».

M. Aoun a fait cette déclaration après que le ministère libanais de la Santé a annoncé la mort de deux personnes dans de nouvelles attaques israéliennes dans le sud du pays, malgré la trêve en vigueur entre Israël et le Hezbollah.

Le monopole étatique des armes est une « question sensible, délicate et fondamentale pour la préservation de la paix civile », a déclaré M. Aoun à des journalistes, soulignant qu'elle devait être abordée avec « discernement et responsabilité ».

« Nous le mettrons en place, mais il faut d'abord que les circonstances le permettent », a-t-il assuré. Personne ne parle de calendrier ou de pression. »

« Les questions intérieures controversées ne peuvent être abordées que dans un esprit de dialogue et de concertation, sans confrontation. Sinon, nous mènerons le Liban à la ruine », a-t-il mis en garde. 

Le Hezbollah pro-iranien, longtemps force dominante au Liban, est sorti affaibli de plus d'un an d'hostilités avec Israël, dont deux mois de conflit ouvert, déclenchées par la guerre à Gaza.

« Le Hezbollah ne permettra à personne de le désarmer », a affirmé vendredi son secrétaire général, Naïm Qassem, alors que Washington, grand allié d'Israël, fait pression sur Beyrouth pour cela.

Il s'est dit prêt à engager un « dialogue » voulu par l'État libanais sur une « stratégie de défense », « mais pas sous la pression de l'occupation et de l'agression israéliennes. 

Israël  poursuit ses attaques au Liban, ciblant le Hezbollah, en dépit du cessez-le-feu en vigueur depuis le 27 novembre. Le pays occupe toujours cinq positions qu'il juge « stratégiques » dans le sud du pays.

Dimanche encore, le ministère de la Santé a fait état d'un raid israélien « contre un véhicule à Kaouthariyet al-Saiyad », entre les villes méridionales de Saïda et Tyr, qui a fait un mort et deux blessés.

Peu après, il a annoncé qu'une attaque séparée de l'« ennemi israélien » sur « une maison à Houla », à proximité de la frontière, avait fait un mort.

L'armée israélienne ne s'est pas exprimée dans l'immédiat sur ces attaques.

Vendredi, un autre haut responsable du Hezbollah avait affirmé que le mouvement refuserait toute discussion sur la remise de ses armes tant qu'Israël ne se serait pas totalement retiré du Liban. 

Morgan Ortagus, émissaire américaine adjointe pour le Moyen-Orient, a récemment déclaré que le désarmement du Hezbollah devait se faire dans les meilleurs délais.

L'accord de trêve prévoit notamment le démantèlement de l'infrastructure militaire du Hezbollah entre le fleuve Litani et la frontière israélienne, ainsi que le retrait total des forces israéliennes d'une trentaine de kilomètres au sud.

L'armée libanaise a entamé ces derniers mois son déploiement dans le sud, près de la frontière avec Israël, parallèlement au retrait israélien et au démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah.

Dimanche, elle a indiqué y avoir saisi des roquettes et leurs lanceurs dans la région de Saïda-Zahrani, et arrêté plusieurs personnes soupçonnées de préparer des tirs vers des zones sous contrôle israélien, sans préciser leur obédience.

Mercredi, elle avait indiqué avoir interpellé plusieurs suspects de tirs de roquettes vers Israël le mois dernier, parmi lesquels, selon un responsable de la sécurité, trois membres du Hamas palestinien.

 


Gaza: la Défense civile annonce 25 morts dans des frappes israéliennes dimanche

Des personnes en deuil font leurs adieux à un enfant palestinien tué lors d'une frappe israélienne, à l'hôpital Nasser de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 avril 2025. (Photo par AFP)
Des personnes en deuil font leurs adieux à un enfant palestinien tué lors d'une frappe israélienne, à l'hôpital Nasser de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 avril 2025. (Photo par AFP)
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  • La Défense civile palestinienne a annoncé dimanche que des frappes aériennes israéliennes avaient fait au moins 25 morts, dont des femmes et des enfants, depuis le début de la journée dans la bande de Gaza.
  • Rompant une trêve de près de deux mois, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne, puis terrestre, contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza.

GAZA, TERRITOIRES PALESTINIENS : La Défense civile palestinienne a annoncé dimanche que des frappes aériennes israéliennes avaient fait au moins 25 morts, dont des femmes et des enfants, depuis le début de la journée dans la bande de Gaza.

Rompant une trêve de près de deux mois, Israël a repris le 18 mars son offensive aérienne, puis terrestre, contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza.

Samedi, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a déclaré être déterminé à poursuivre le conflit et a rejeté les « diktats » du Hamas.

« Depuis l'aube, les frappes aériennes de l'armée israélienne ont tué 20 personnes et en ont blessé des dizaines d'autres, dont des enfants et des femmes, dans toute la bande de Gaza », a déclaré à l'AFP Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile.

Dans un communiqué, cette organisation de secours a ensuite fait état de cinq morts dans une frappe de drone sur un groupe de civils dans l'est de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Selon M. Netanyahu, seule une pression militaire permettra le retour des otages encore détenus à Gaza.

« Nous sommes dans une phase décisive du conflit, et cette étape exige de la patience et de la détermination », a-t-il affirmé samedi, en excluant de retirer les troupes israéliennes du territoire comme l'exige le Hamas.

 


Dans Gaza affamée, des Palestiniens se rabattent sur la viande de tortue

(Photo AFP)
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  • Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
  • « La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

KHAN YOUNES, TERROIRES PALESTINIENS : Dans une bande de Gaza où les protéines sont rares, certains se résignent à manger des tortues marines.

« Les enfants étaient réticents, on leur a dit que c'était aussi délicieux que du veau », explique Majida Qanan, qui surveille les morceaux de viande rouge mijotant sur un feu de bois.

« Certains en ont mangé, d'autres pas. »

Faute de mieux, c'est la troisième fois que cette Palestinienne de 61 ans prépare un repas à base de tortue pour sa famille déplacée, qui vit aujourd'hui sous une tente à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.

Depuis 18 mois de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, le territoire et ses 2,4 millions d'habitants se trouvent dans une situation humanitaire critique.

« La famine n'est pas seulement un risque, mais elle semble se développer rapidement dans presque toutes les régions de Gaza », a averti un collectif d'ONG internationales cette semaine.

Depuis le 2 mars, Israël bloque toute livraison humanitaire, accusant le Hamas de détourner l'aide. Le mouvement palestinien dément ces accusations et accuse en retour Israël d'utiliser « la famine comme arme de guerre ».

Selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA), la bande de Gaza est aujourd'hui probablement plongée dans « la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël.

En juin dernier, les acteurs du secteur humanitaire avaient évoqué des Palestiniens si démunis qu'ils en étaient parfois réduits à se nourrir d'aliments pour animaux ou d'herbe, et à boire l'eau des égouts.

Entretemps, une trêve, entrée en vigueur le 19 janvier, a permis d'augmenter les livraisons humanitaires, jusqu'au nouveau blocage israélien du 18 mars, suivi de la reprise de ses opérations militaires.

Les tortues, elles, sont tuées selon les rites halal, c'est-à-dire conformément aux préceptes de la religion musulmane, affirme Abdul Halim Qanan.

« S'il n'y avait pas de famine, on n'en mangerait pas, mais il faut bien compenser le manque de protéines avec quelque chose ».