PARIS: Repéré dans au moins 17 pays, le variant indien du coronavirus inquiète à cause de la spectaculaire dégradation de la situation sanitaire en Inde, mais les spécialistes insistent sur le fait qu'il est loin d'en être le seul responsable.
Désigné par le nom de sa lignée (B.1.617), il a été placé mardi par l'OMS dans la liste des «variants d'intérêt», ceux dont les caractéristiques génétiques potentiellement problématiques justifient une surveillance.
C'est la catégorie qui vient juste après celle des «variants préoccupants», actuellement au nombre de trois (anglais, sud-africain et brésilien).
Comme ces trois-là, ses caractéristiques génétiques font craindre qu'il soit plus contagieux.
Les premières observations montrent qu'il a «un taux de croissance plus élevé que les autres variants en circulation en Inde, ce qui suggère une plus grande transmissibilité», explique l'OMS dans un point daté de mardi.
«Ceci reste à prouver sur le plan épidémiologique», note toutefois le Conseil scientifique qui guide le gouvernement français, dans un avis publié lundi.
L'évaluation de la contagiosité des variants se fait en effet selon des données épidémiologiques: les chercheurs observent à quelle vitesse ils se propagent et en déduisent à quel point ils sont plus contagieux.
De ce point de vue-là, la situation en Inde nourrit les craintes. Le pays a déclaré vendredi matin un nouveau record mondial de 385 000 nouvelles contaminations et près de 3 500 décès ces dernières 24 heures, et les images de ses crématoriums submergés par les corps ont fait le tour du monde.
Mais au-delà des caractéristiques intrinsèques du variant, «d'autres moteurs» peuvent expliquer l'explosion qui frappe l'Inde, souligne l'OMS, en pointant les «gros regroupements de population» où les gestes barrières ne sont pas bien respectés.
«Exagéré»
«L'Inde sort d'une période électorale avec de très nombreux rassemblements qui ne sont pas interdits. Le niveau des mesures de prévention prises paraît globalement très faible. Pour des raisons culturelles très fortes incluant les traditions religieuses, les bains de foule dans le Gange lors de certaines fêtes sont jusqu'ici conservés», renchérit le Conseil scientifique français.
«Des investigations plus poussées sont nécessaires pour comprendre la part relative de chacun de ces facteurs», fait valoir l'OMS, en rappelant que d'autres variants circulent en Inde, au premier rang desquels le variant anglais.
Par ailleurs, outre la question de sa contagiosité, les spécialistes craignent que le variant indien n'entraîne une baisse d'efficacité des vaccins, au même titre que les variants sud-africain et brésilien.
On n'a que peu de données pour l'heure. Une étude préliminaire rendue publique le 23 avril conclut que le vaccin Covaxin (du laboratoire indien Bharat Biotech) est moins efficace contre ce variant que contre le virus historique au niveau de la production d'anticorps, mais qu'il offre tout de même une protection.
Face à ces inconnues, nombre de spécialistes mettent en garde contre les présentations trop anxiogènes du variant indien.
«Pour le moment, j'ai tendance à penser que le traitement qu'en font les médias est exagéré», a estimé le virologue Christian Drosten, qui conseille le gouvernement allemand, mardi dans un podcast de la radio NDR Info.
Les craintes liées au variant indien viennent du fait qu'il contient «deux mutations déjà connues mais non-associées jusqu'ici», appelées L452R et E484Q, selon le Conseil scientifique français.
La «combinaison» de ces deux mutations a parfois valu au variant «le nom inapproprié de "double mutant"» dans les médias, poursuit l'instance.
Sur le continent européen, la France vient de repérer ses premiers cas, après le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique, la Suisse, la Grèce ou l'Italie.