PARIS : Commerçants et restaurateurs ne sont pas rassurés par la promesse d'une réouverture mi-mai, faite par le Premier ministre Jean Castex jeudi: graduelle, sous conditions et territorialisée, celle-ci pourrait encore compromettre la situation financière d'entreprises déjà durement éprouvées par des mois de fermeture.
« Nous sommes inquiets parce que nous sommes passés de l'affirmatif du président de la République, au conditionnel du Premier ministre », a réagi auprès de l'AFP Didier Chenet, président du syndicat patronal des indépendants de l'hôtellerie restauration, le GNI.
« Cela laisse entendre qu'on n'est pas sûrs d'ouvrir et que l'ouverture pourrait être reculée dans un certain nombre de zones: pour nous c'est inacceptable », a jugé M. Chenet. Pour lui, les terrasses doivent rouvrir partout, en appliquant les protocoles sanitaires mis au point avec les professionnels.
Les restaurateurs attendent avec anxiété la réouverture des terrasses de leurs établissements qui génèrent en moyenne 30% du chiffre d'affaires – pour ceux qui en possèdent – et craignent que celle-ci ne s'accompagne de jauges de 50% voire 35%, qui obèreraient fortement leur rentabilité.
« Nous ne pourrions pas supporter de telles contraintes" » dit Roland Héguy, président de l'Umih, principal syndicat de l'hôtellerie restauration. A la réouverture, « il faudra encore un soutien très fort du gouvernement, qui a massivement aidé nos entreprises à rester hors de l'eau, et surtout des banques ».
A partir du 3 mai, « nous pourrons lever les contraintes de déplacement en journée et envisager, sous réserve de l'évolution de la situation sanitaire, un nouveau train de réouverture autour de la mi-mai, qui pourrait commencer par les commerces, certaines activités culturelles et sportives et les terrasses » a annoncé le Premier ministre jeudi.
Mais ces réouvertures de lieux dont la liste n'est « pas définitivement fixée » se feraient sous certaines « conditions », qui pourraient être « territorialisées », a indiqué le Premier ministre, promettant des « précisions dans les prochains jours ».
Le président Emmanuel Macron doit s'exprimer rapidement sur le sujet.
« Aides adaptées » en mai
Déjà inquiètes, les grandes fédérations du commerce et quelque 150 patrons, franchisés et affiliés de réseaux d'enseignes, ont publié jeudi dans le Parisien un « plaidoyer pour une réouverture impérative de tous les commerces au plus tard le 10 mai », un mois « capital » pour les 150 000 magasins dits « non essentiels » fermés depuis le 3 avril.
Pour Patrick Martin, président délégué du Medef, « il faut réenclencher la machine prudemment mais à la date prévue » car, a-t-il dit sur Europe 1, « il y a parfois une exaspération (...) dans les secteurs interdits d'activité de longue date, dont les responsables, y compris sur le plan psychologique, sont très affectés ».
Et si la réouverture ne devait pas avoir lieu partout mi-mai, « il nous faudra absolument des aides adaptées sur le mois de mai », a déclaré Sébastien Bismuth, président associé du groupe Don't call me Jennyfer, qui comprend les 300 magasins d'habillement Jennyfer et signataire de la tribune.
Car les commerçants ne sont aidés à régler leurs coûts fixes qu'à partir de 50% de chute de chiffre d'affaires. « Si vous ouvrez deux tiers de vos magasins avec un couvre-feu et que vous perdez 30 à 40%, vous n'avez aucune aide, c'est catastrophique », dit-il.
Emmanuel Le Roch, délégué général de la fédération Procos (commerce spécialisé) souhaite « échanger très rapidement avec le gouvernement pour trouver les solutions les plus intelligentes ».
Si le « pic de la troisième vague de l'épidémie semble derrière nous », avec "une baisse réelle de la circulation virale depuis dix jours", le contexte sanitaire reste "encore fragile", a estimé M. Castex.
C'est pourquoi la réouverture se fera « par étapes » de manière « prudente et progressive », a-t-il averti, et pas dans les lieux « qui entraînent des concentrations importantes de public, sans possibilité de respecter les gestes barrière ».
Les assouplissements à venir « d'ici le début de l'été », dépendants de la situation sanitaire, seront définis en concertation avec les secteurs concernés.