RANGOUN: La junte birmane a libéré ce samedi plus de 23 000 prisonniers à l'occasion de la fête du nouvel an. Parmi les détenus libérés figurent au moins trois prisonniers politiques. De son côté, le dirigeant militaire responsable du coup d'État mené en février a confirmé sa participation à un sommet régional qui se tiendra dans le courant du mois.
Aucune indication ne permettait de savoir si les personnes libérées comprenaient des militants pour la démocratie détenus pour avoir protesté contre le coup d'État. La chaîne de télévision publique MRTV a fait savoir que le commandant de la junte, le général Min Aung Hlaing, avait gracié 23 047 prisonniers, dont 137 étrangers qui seront expulsés de Birmanie. En outre, les autres prisonniers ont bénéficié d'une réduction de peine.
Alors que les forces de sécurité poursuivent leur campagne de répression meurtrière, des témoignages non vérifiés mais crédibles, étayés par des photos diffusées sur les médias sociaux, indiquent que trois personnes ont été tuées samedi dans la ville de Mogok, située dans le centre du pays, connue pour l'extraction de pierres précieuses.
Selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques, qui surveille le nombre de victimes et d'arrestations, les militaires birmans ont tué au moins 728 personnes, manifestants ou simples passants, depuis leur prise de pouvoir. 3 141 personnes sont emprisonnées, dont Aung San Suu Kyi, la conseillère d'état déchue, selon l'association.
Au moins trois prisonniers politiques emprisonnés en 2019 ont été libérés samedi de la prison d'Insein, à Rangoun. Il s'agit des comédiens de la troupe Peacock Generation, arrêtés lors des célébrations du nouvel an de cette année pour avoir présenté des sketches se moquant des représentants militaires au Parlement et de l'implication de l'armée dans le secteur des affaires.
La troupe pratique le Thangyat, un art dramatique traditionnel qui mêle poésie, comédie et musique avec une touche de satire. Plusieurs membres de la troupe ont été condamnés en vertu d'une loi interdisant la diffusion d'informations susceptibles de compromettre ou de dévaloriser les membres de l'armée. En effet, ces acteurs ont probablement provoqué la colère des militaires parce qu'ils se sont produits en uniformes de l'armée.
En outre, plusieurs membres ont été reconnus coupables de diffamation en ligne pour avoir retransmis leurs performances en livestreaming. On ignore si tous ont été libérés.
Ross Dunkley, un autre prisonnier libéré, est un entrepreneur de presse australien condamné en 2019 à 13 ans de prison pour possession de drogue. C'est son ex-femme Cynda Johnston qui a confirmé sa libération, selon le quotidien The Sydney Morning Herald.
M. Dunkley est cofondateur du Myanmar Times, un quotidien en anglais, mais il a été contraint de céder ses actions dans ce journal. Il a acquis une grande notoriété pour avoir cofondé ou acquis des publications de langue anglaise dans d’anciens pays socialistes qui cherchaient à attirer des investissements étrangers. Il a cependant été quelquefois critiqué pour avoir conclu des affaires avec des régimes autoritaires.
La libération anticipée des prisonniers est monnaie courante lors des grandes fêtes, et cette libération est la deuxième annoncée par la junte depuis son arrivée au pouvoir.
À la suite de la libération de plus de 23 000 condamnés à l'occasion de la Journée de l'Union, le 12 février, des informations ont circulé sur les médias sociaux selon lesquelles certaines de ces personnes avaient été recrutées par les autorités pour commettre des actes de violence, la nuit, dans des zones résidentielles afin de semer la panique, notamment en déclenchant des incendies. Certains quartiers ont réagi en créant des groupes de surveillance de quartier.
Au mois de mars, plus de 600 personnes, emprisonnées pour avoir manifesté contre le coup d'État, ont également été libérées de la prison d'Insein. Ce geste de conciliation rare de la part de l'armée semblait vouloir apaiser le mouvement de protestation. Pour la plupart, les personnes libérées étaient des jeunes qui avaient été arrêtés lors de manifestations de rue, alors que ceux qui étaient jugés être des meneurs de la protestation sont restés derrière les barreaux.
Ni le gouvernement militaire, ni ses opposants ne se montrent enclins à céder. Les pays occidentaux ont fait pression sur l'armée par le biais de sanctions diplomatiques et économiques, sans que ces mesures portent leurs fruits.
Les voisins de la Birmanie en Asie du Sud-Est, inquiets des perspectives d'instabilité dans la région, tentent également de convaincre la junte de se remettre sur la voie du rétablissement de la démocratie, ou du moins de mettre fin à sa violente répression.
Un porte-parole du ministère thaïlandais des Affaires étrangères à Bangkok a déclaré samedi que le commandant de la junte, Min Aung Hlaing, a confirmé sa participation au sommet de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), prévu le 24 avril. Tanee Sangrat a indiqué dans un message textuel adressé aux journalistes que le Brunei, président actuel de l'organisation composée de dix pays, a confirmé avoir suggéré une date pour une réunion au siège du groupe à Djakarta, la capitale de l'Indonésie. Ce pays a pris l'initiative d'appeler à une réunion spéciale pour discuter de la crise qui sévit en Birmanie.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.