PARIS : "Une première marche" vers une union? Les dirigeants de gauche qui se sont réunis samedi dans un hôtel parisien en vue de la présidentielle de 2022 ont convenu de se retrouver fin mai pour parler du programme, mais tous ne partagent pas l'urgence d'une candidature commune.
Lorsque la vingtaine de dirigeants et cadres de gauche sont sortis sous le soleil après trois heures de réunion à huis-clos, la plupart affichaient leur satisfaction de voir dialoguer une famille souvent émiettée.
Pour l'eurodéputé EELV Yannick Jadot, la réunion qu'il a appelée de ses voeux a débouché sur deux avancées: "le respect mutuel, on ne disqualifie pas les autres à gauche"; et la tenue d'une nouvelle réunion fin mai, élargie à des collectifs citoyens comme "2022 en commun" ou "Plus jamais ça", et portée sur le programme et les combats contre le gouvernement et la droite.
Lui, qui dit régulièrement se "préparer" à être candidat pour l'Elysée, a retenu un troisième point, la "perspective de construire une candidature commune", tout en reconnaissant immédiatement que seuls "certains" partageaient cet objectif.
C'est par exemple le cas du premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui s'est réjoui samedi d'un "signal très positif" et vise un accord à l'automne: "Il faut une majorité et un candidat qui puisse l'emporter à l'élection présidentielle, ça suppose le rassemblement. Celles et ceux qui désespèrent de la gauche peuvent se dire aujourd'hui qu'il y a quelque chose qui se passe".
En revanche le chef d'EELV Julien Bayou continue de renvoyer à la primaire écologiste de septembre. Il indique certes que "les organisations vont discuter d'ici la primaire", car "les convergences de fond aujourd'hui sont plus fortes qu'en 2017". Mais il calme le jeu: "On a le temps, il y a les élections régionales et la crise sanitaire" d'abord.
Les Insoumis se sont satisfaits d'un apaisement à gauche, mais continuent de plaider pour la centralité de la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Leur seul représentant, le député Eric Coquerel, a cinglé: "Si certains aujourd'hui pensent que tout est réglé pour une candidature et un programme commun, ça les regarde, mais ce n'est pas ce qui ressort" de la réunion.
"Les égos suivront"
Il faut dire que de l'économie à l'Europe en passant par le nucléaire et la laïcité, les gauches ont de nombreuses divergences, même si cela tient parfois de la nuance. Et qu'aux candidatures déjà déclarées des uns - Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel - s'ajoutent les appétits des autres - Yannick Jadot, le maire EELV de Grenoble Eric Piolle, ou encore Anne Hidalgo.
La maire PS de Paris, qui a amorcé une forme de pré-campagne en France ces dernières semaines, s'est en tout cas félicitée du dialogue: "L'idée est de poser les bases d'un travail avec plusieurs rendez-vous, notamment à l'automne qui doit proposer aux Français une coalition, et pourquoi pas une candidature commune".
"Il y a envie de faire ensemble", s'est réjoui Eric Piolle, qui a dû partir en avance pour un rendez-vous impérieux.
"On va cheminer, ce n'était pas possible évidemment de se mettre d'accord sur tout dès cette réunion", a déclaré le fondateur de Générations et ancien candidat PS à la présidentielle Benoît Hamon, pour qui "il faut organiser les convergences d'idées et les égos suivront".
La réunion est donc "une première marche d'un escalier qui est haut", a résumé Yannick Jadot. "Ca ne pouvait pas déboucher sur mieux, compte tenu des contraites et des calendriers" des différentes formations, a abondé le député européen Emmanuel Maurel, allié des Insoumis.
La coordinatrice de Générations Sophie-Taillé-Ponan a retenu que le diagnostic était commun sur la position faible de la gauche dans les sondages et le danger de l'extrême droite": "Il y a une analyse commune sur la gravité de la situation et sur le fait qu'il faut qu'on arrête à gauche d'être sur la défensive".
En coulisses, les rapports de force continuent. Pour qu'une candidature commune existe, "il faut que tout soit prêt en septembre, mais ceux qui veulent le statu quo ont intérêt à ce que ça traîne", analyse en privé l'un des participants, ciblant les Insoumis mais aussi une frange des écologistes.