Un coup d'État au Myanmar met en lumière le capitalisme militaire paralysant

Des manifestants se rassemblent à Rangoun, alors que les forces de sécurité continuent de réprimer les manifestations contre le coup d'État (Photo, AFP).
Des manifestants se rassemblent à Rangoun, alors que les forces de sécurité continuent de réprimer les manifestations contre le coup d'État (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 14 avril 2021

Un coup d'État au Myanmar met en lumière le capitalisme militaire paralysant

  • Les interdictions de voyager et le gel des avoirs depuis le coup d’État de février attirent l’attention sur l’emprise des généraux sur les segments lucratifs de l’économie
  • Les pays occidentaux imposeront probablement de nouvelles sanctions au Myanmar, mais les voisins asiatiques pourraient hésiter à emboîter le pas

BERNE, Suisse: L’économie du Myanmar (ex-Birmanie) a longtemps été façonnée par les Tatmadaw – les puissantes forces armées du pays – et par les caprices changeants de la géopolitique, qui ensemble composent les relations commerciales mondiales du pays, en particulier celles concernant ses grands projets d’infrastructure.

Depuis le coup d’État du 1er février, qui a renversé le gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi, et la violente répression des manifestations qui a fait plus de 600 morts, une dynamique s’est développée derrière les efforts visant à imposer des sanctions à la junte.

À ce jour, les États-Unis et le Royaume-Uni ont imposé des sanctions aux deux grands conglomérats du Myanmar appartenant à l’armée. Plusieurs pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont émis également des interdictions de voyager et gelé les avoirs des officiers de l'armée impliqués dans le coup d'État.

Les entreprises qui investissent dans le pays subissent des pressions pour rompre leurs liens avec les entités appartenant à l'armée. À titre d’exemple, les fonds de pension poussent le géant sud-coréen de l'acier Posco à rompre avec son partenaire de coentreprise birmane appartenant à l'armée.

Dans le même temps, la société japonaise Kirin Beer, qui a investi plus de 1,7 milliard de dollars (1 dollar = 0,84 euro) dans une coentreprise avec une société détenue par l'armée, a rompu son partenariat – bien qu'elle envisage de continuer à vendre de la bière dans le pays.

Toutes les multinationales occidentales ne sont pas de cet avis. Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, a récemment déclaré que l’entreprise devait continuer à produire du gaz afin de maintenir le réseau électrique du pays et de garantir la sécurité de sa main-d’œuvre.

L'économie birmanie a longtemps été façonnée par le Tatmadaw, la puissante force armée du pays, et par les variations de la géopolitique (Photo, AFP).

Le géant pétrolier a déclaré cependant qu'il ne paierait pas ses impôts à l'armée et a plutôt l'intention de faire don des sommes équivalentes à des organisations de défense des droits de l’homme.

Les tentacules du Tatmadaw sont si étroitement enroulées autour des leviers de l’économie qu’il est presque impossible pour les entreprises de faire des affaires au Myanmar sans coopérer avec au moins une entité militaire.

Deux organisations ayant des liens directs avec les Tatmadaw exercent une influence considérable sur l'économie. L'un est la Myanmar Economic Corporation (MEC), l'autre est la Myanmar Economic Holdings Limited (MEHL).

L’entreprise MEC est présente dans les secteurs de la fabrication, des infrastructures, de l'acier, du charbon et du gaz. Si sa raison d’être est d’approvisionner les forces armées en matières premières, elle détient également le monopole du secteur des assurances au Myanmar.

La Thaïlande est une importance source de devises étrangères pour la Birmanie, envoyées par les travailleurs immigrés qui y travaillent (Photo, AFP).

L’entreprise MEHL, quant à elle, est spécialisée dans le secteur bancaire, l'exploitation minière, l'agriculture, le tabac et la fabrication de produits alimentaires. Ses revenus sont directement versés à l'armée, qui protège MEHL de la surveillance civile. MEHL est propriétaire de la Myawaddy Bank et du fonds de pension de l’armée.

L’armée contrôle une grande partie du secteur bancaire du pays, qui est resté très sous-développé après des années passées en dehors du système financier international dans le cadre de sanctions visant le régime militaire de 1962 à 2011.

Le gouvernement de la LND avait l'intention de délivrer des licences bancaires aux banques étrangères d'ici à 2021, un effort contrecarré par le coup d'État.

Ensemble, MEC et MEHL possèdent plus de 100 entreprises. Ces deux groupes ont grandement bénéficié des efforts de privatisation dans les années 1990 et 2000 en achetant des entités à des prix de liquidation.

Les pratiques commerciales au Myanmar sont pour le moins opaques et considérées comme étant la définition même du capitalisme de copinage. En 2018, l'indice de perception de la corruption de «Transparency International» l'a classé 130e sur 180 pays.

La pression des sanctions à l'encontre de la junte monte, alors que la majorité des secteurs économiques du pays sont liés à l'armée (Photo, AFP).

La Thaïlande est une source importante de devises étrangères pour le Myanmar, envoyées par les travailleurs migrants qui y sont employés. (AFP)

Le premier gouvernement de la LND (2015-2020) a tenté de freiner le pouvoir de l'armée en ouvrant plusieurs secteurs à la concurrence, mais s'est abstenu de faire face au tout-puissant Tatmadaw.

La LND a toutefois réussi à transférer le pouvoir sur le Département de l'administration générale (DAG) du ministère de l'Intérieur, dominé par l'armée, au gouvernement civil en 2018.

Il s’agissait d’une étape importante dans la démilitarisation de la gouvernance du pays. Compte tenu des vastes pouvoirs du DAG, de l’administration des terres au recouvrement des impôts en passant par la prestation de services, il était évident que le fait de retirer le pouvoir de l’armée finirait par avoir des répercussions sur la mainmise des Tatmadaw sur l’économie.

Lors des élections de 2020, le gouvernement de la LND a fait campagne en préconisant la transparence accrue et le transfert de pouvoir loin des autorités centrales et de l'armée – une décision qui aurait été ressentie dans les portefeuilles des généraux.

Si le renforcement de la concurrence et de la transparence aurait sans aucun doute libéralisé l’économie et attiré les investissements étrangers, cela aurait également menacé les structures de pouvoir établies de longue date au Myanmar.

La police arrête le journaliste du média Myanmar Now, Kay Zon Nwe, le 27 février au cours d'une manifestation contre le coup d'Etat (Photo, AFP).

Heureusement pour les généraux, le Tatmadaw a de puissants amis extérieurs. Le Myanmar revêt une importance géopolitique pour de nombreux pays, qui coopéreront avec quiconque détient le pouvoir. Ces pays ne se soucient pas de qui détient le pouvoir; ils veulent simplement promouvoir leurs intérêts politiques et économiques.

Le Myanmar est stratégiquement important pour la Chine, offrant à la superpuissance montante un pont terrestre vers le golfe du Bengale et un pays d'ancrage pour son initiative «Belt and Road» («ceinture et route»).

Jusqu'en 2011, le gouvernement chinois entretenait de bonnes relations de travail avec la junte et était également parvenu à une sorte d’entente avec le gouvernement de la LND.

Lors de sa visite au Myanmar l'année dernière, le président chinois, Xi Jinping, a relancé le corridor économique Chine-Myanmar (CMEC) avec pas moins de 33 protocoles d'accord.

L’oléoduc et le gazoduc reliant la Chine au golfe du Bengale, le développement du port en eau profonde de Kyaukphyu et le chemin de fer reliant la province du Yunnan à l'océan Indien constituent autant de facettes du CMEC.

Le CMEC comprendrait des projets d'une valeur de 21 milliards de dollars, dans lesquels la MEC et la MEHL détiendront sans aucun doute des parts importantes. Le gouvernement de la LND, cependant, s’inquiète de l’influence croissante de la Chine et de la montée en flèche des dettes du Myanmar vis-à-vis du CMEC.

L'Inde, quant à elle, considère le Myanmar comme un rempart important contre son rival, la Chine. À ce titre, l’entreprise indienne Adani participe à la construction du port de Rangoun. New Delhi se sent de plus en plus encerclée par l’Initiative chinoise «Belt and Road».

Le général Min Aung Hlaing est à la tête de la junte qui contrôle fermement les leviers de l'économie birmane (Photo, AFP/Myawaddy TV via AFPTV).

L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) est le plus grand partenaire commercial du Myanmar, représentant 24 % de son activité, suivie de la Chine avec 14 % et de l’Union européenne (UE) avec 10 %.

Membre de l’Asean, la Thaïlande est le quatrième partenaire commercial du Myanmar et une source importante de devises étrangères, envoyées par les millions de travailleurs migrants qui y sont employés.

L’excellente infrastructure de transport reliant la ville de Chiang Rai, dans le nord de la Thaïlande, à la frontière birmane souligne l’importance du commerce (à la fois légal et illicite) entre les deux pays. En outre, les deux pays sont désormais dirigés par des régimes militaires dont les généraux possèdent des liens sociaux, économiques et politiques.

Enfin, la Russie entretient des relations de longue date avec l'armée birmane. En 2007, Moscou a conclu un accord avec Naypyidaw pour la création d'un centre de recherche nucléaire et les deux pays ont signé un accord de coopération en matière de défense en 2016.

La Russie fournit également des armes au Tatmadaw. C’est manifestement le seul pays à avoir envoyé un délégué au niveau ministériel, le vice-ministre de la Défense, Alexander Fomin, pour assister à la journée des forces armées du Myanmar le 27 mars.

Bien que les pays occidentaux soient susceptibles d'imposer des sanctions contre le Myanmar, ses voisins asiatiques pourraient être plus réticents à emboîter le pas pour une multitude de raisons, allant des considérations géopolitiques aux relations commerciales rentables avec les pays voisins. Certains pays de l'Asean pourraient également vouloir éviter d'être perçus comme s’ingérant dans les affaires intérieures d'un pays voisin.

Les Tatmadaw peuvent donc s'en tirer en renversant le gouvernement de la LND et continuer à accumuler des richesses ainsi qu’une influence économique. De même, de nombreuses entités étrangères seront disposées à s'engager avec la junte au niveau commercial, à la fois parce que c'est rentable et parce que c’est perçu comme étant dans les intérêts géopolitiques de leur propre gouvernement.

Cornelia Meyer est une économiste titulaire d’un doctorat, avec trente ans d’expérience dans le domaine de la banque d’investissement et de l’industrie. Elle est présidente et PDG de la société de conseil aux entreprises Meyer Resources. Twitter : @MeyerResources

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com


Le Parlement ukrainien déserté par crainte de frappes russes

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  • L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP
  • La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP

KIEV: Le Parlement ukrainien a annulé vendredi sa séance par crainte de frappes russes en plein coeur de Kiev, au lendemain du tir par la Russie d'un nouveau missile balistique et de menaces de Vladimir Poutine à l'adresse de l'Occident.

Après ce tir, le président russe s'était adressé à la nation jeudi soir en faisant porter la responsabilité de l'escalade du conflit sur les Occidentaux. Il a estimé que la guerre en Ukraine avait pris désormais un "caractère mondial" et menacé de frapper les pays alliés de Kiev.

Le Kremlin s'est dit confiant vendredi sur le fait que les Etats-Unis avaient "compris" le message de Vladimir Poutine.

L'Otan et l'Ukraine doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour évoquer la situation, selon des sources diplomatiques interrogées par l'AFP.

La tension ne retombait pas en Ukraine, où le Parlement, la Rada, a "annulé" sa séance en raison de "signaux sur un risque accru d'attaques contre le quartier gouvernemental dans les jours à venir", ont expliqué plusieurs députés à l'AFP.

En plein coeur de Kiev, ce quartier où se situent également la présidence, le siège du gouvernement et la Banque centrale, a jusqu'à présent été épargné par les bombardements. L'accès y est strictement contrôlé par l'armée.

Le porte-parole du président Volodymyr Zelensky a de son côté assuré que l'administration présidentielle "travaillait comme d'habitude en respectant les normes de sécurité habituelles".

"Compris" le message 

S'adressant aux Russes à la télévision jeudi soir, Vladimir Poutine a annoncé que ses forces avaient frappé l'Ukraine avec un nouveau type de missile balistique hypersonique à portée intermédiaire (jusqu'à 5.500 km), baptisé "Orechnik", qui était dans sa "configuration dénucléarisée".

Cette frappe, qui a visé une usine militaire à Dnipro, dans le centre de l'Ukraine, est une réponse, selon M. Poutine, à deux frappes menées cette semaine par Kiev sur le sol russe avec des missiles américains ATACMS et britanniques Storm Shadow, d'une portée d'environ 300 kilomètres.

M. Poutine a ainsi estimé que la guerre en Ukraine avait pris un "caractère mondial" et annoncé que Moscou se réservait le droit de frapper les pays occidentaux car ils autorisent Kiev à utiliser leurs armes contre le sol russe.

"Le message principal est que les décisions et les actions imprudentes des pays occidentaux qui produisent des missiles, les fournissent à l'Ukraine et participent ensuite à des frappes sur le territoire russe ne peuvent pas rester sans réaction de la part de la Russie", a insisté vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Il s'est dit persuadé que Washington avait "compris" ce message.

La veille, les Etats-Unis, qui avaient été informés 30 minutes à l'avance du tir russe, avaient accusé Moscou de "provoquer l'escalade". L'ONU a évoqué un "développement inquiétant" et le chancelier allemand Olaf Scholz a regretté une "terrible escalade".

La Chine, important partenaire de la Russie accusé de participer à son effort de guerre, a appelé à la "retenue". Le Kazakhstan, allié de Moscou, a renforcé ses mesures de sécurité en raison de cette "escalade en Ukraine".

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a lui appelé la communauté internationale à "réagir", dénonçant un "voisin fou" qui utilise l'Ukraine comme un "terrain d'essai".

"Cobayes" de Poutine 

Au-delà du tir de jeudi, la Russie a modifié récemment sa doctrine nucléaire, élargissant la possibilité de recours à l'arme atomique. Un acte "irresponsable", selon les Occidentaux.

Interrogés jeudi par l'AFP sur le tir de missile russe, des habitants de Kiev étaient inquiets.

"Cela fait peur. J'espère que nos militaires seront en mesure de repousser ces attaques", a déclaré Ilia Djejela, étudiant de 20 ans, tandis qu'Oksana, qui travaille dans le marketing, a appelé les Européens à "agir" et "ne pas rester silencieux".

M. Poutine "teste (ses armes) sur nous. Nous sommes ses cobayes", a affirmé Pavlo Andriouchtchenko cuisinier de 38 ans.

Sur le terrain en Ukraine, les frappes de la Russie, qui a envahi le pays il y a bientôt trois ans, se poursuivent.

A Soumy, dans le nord-est du pays, une attaque de drones a fait deux morts et 12 blessés, a indiqué le Parquet ukrainien.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, s'est lui rendu sur un poste de commandement de l'armée dans la région de Koursk, où les forces ukrainiennes occupent, depuis début août, des centaines de kilomètres carrés.

Il s'est félicité d'avoir "pratiquement fait échouer" la campagne militaire ukrainienne pour l'année 2025 en "détruisant les meilleures unités" de Kiev et notant que les avancées russes sur le terrain se sont "accélérées".

Cette poussée intervient alors que Kiev craint que Donald Trump, de retour à la Maison Blanche à partir de janvier prochain, ne réduise ou stoppe l'aide militaire américaine, vital pour l'armée ukrainienne.


Record de 281 travailleurs humanitaires tués dans le monde en 2024, selon l'ONU

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database. (AFP)
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  • L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database
  • "Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires

GENEVE: Un nombre record de 281 travailleurs humanitaires ont été tués dans le monde cette année, ont alerté les Nations unies vendredi, qui demandent que les responsables soient poursuivis.

L'année 2024 est devenue "la plus meurtrière jamais enregistrée pour le personnel humanitaire", a affirmé l'ONU dans un communiqué, citant des données du Aid Worker Security Database.

"Les travailleurs humanitaires sont tués à un rythme sans précédent, leur courage et leur humanité se heurtant aux balles et aux bombes", a déclaré le nouveau secrétaire général adjoint de l'ONU aux affaires humanitaires et coordinateur des situations d'urgence, Tom Fletcher, dans le communiqué.

Le Britannique souligne que "cette violence est inadmissible et dévastatrice pour les opérations d'aide".

"Les États et les parties au conflit doivent protéger les humanitaires, faire respecter le droit international, poursuivre les responsables et mettre un terme à cette ère d'impunité".

L'année 2023 avait déjà connu un nombre record, avec 280 travailleurs humanitaires tués dans 33 pays.

L'ONU souligne que la guerre à Gaza "fait grimper les chiffres". Il y a eu "au moins 333 travailleurs humanitaires qui ont été tués rien que dans la bande de Gaza" depuis le début de la guerre en octobre 2023, a indiqué le porte-parole de l'agence de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha), Jens Laerke, lors d'un point de presse à Genève.

Nombre d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils fournissaient de l'aide humanitaire. La plupart travaillaient pour l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), dont 243 employés ont été tués depuis la guerre à Gaza, a indiqué M. Laerke.

Parmi les autres travailleurs humanitaires tués depuis le début de la guerre à Gaza figure notamment du personnel du Croissant-Rouge palestinien, a-t-il relevé.

Mais les menaces qui pèsent sur les travailleurs humanitaires ne se limitent pas à Gaza, indique l'ONU, soulignant que des "niveaux élevés" de violence, d'enlèvements, de harcèlement et de détention arbitraire ont été signalés, entre autres, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Soudan, en Ukraine et au Yémen.

La majorité du personnel humanitaire tué sont des employés locaux travaillant avec des ONG, des agences de l'ONU et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

L'ONU explique que la violence à l'encontre du personnel humanitaire s'inscrit dans "une tendance plus large d'atteintes aux civils dans les zones de conflit", avec l'an dernier "plus de 33.000 civils morts enregistrés dans 14 conflits armés, soit une augmentation de 72% par rapport à 2022".

 


Mandats d'arrêt de la CPI : réaction outrées en Israël, un nouveau «procès Dreyfus» dit Netanyahu

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  • "La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau
  • "Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu

JERUSALEM: L'annonce par la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant a suscité des réactions outrées en Israël, M. Netanyahu comparant la décision de la Cour à un nouveau "procès Dreyfus".

"La décision antisémite de la Cour pénale internationale est comparable à un procès Dreyfus d'aujourd'hui qui se terminera de la même façon", a déclaré le chef du gouvernement dans un communiqué diffusé par son bureau.

Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine français de confession juive Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard. L'affaire Dreyfus a profondément divisé la société française et révélé l'antisémitisme d'une grande partie de la population.

"Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les accusations mensongères qui le visent de la part de la [CPI]", dont les juges "sont animés par une haine antisémite à l'égard d'Israël", ajoute M. Netanyahu.

La CPI "a perdu toute légitimité à exister et à agir" en se comportant "comme un jouet politique au service des éléments les plus extrêmes oeuvrant à saper la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient", a réagi son ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur X.

La CPI a émis jeudi des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024", et contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", date de l'attaque sans précédent du mouvement palestinien contre Israël à partir de Gaza ayant déclenché la guerre en cours.

"Jour noir" 

"C'est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l'humanité", a écrit sur X le président israélien, Isaac Herzog, pour qui la "décision honteuse de la CPI [...] se moque du sacrifice de tous ceux qui se sont battus pour la justice depuis la victoire des Alliés sur le nazisme [en 1945] jusqu'à aujourd'hui".

La décision de la CPI "ne tient pas compte du fait qu'Israël a été attaqué de façon barbare et qu'il a le devoir et le droit de défendre son peuple", a ajouté M. Herzog, jugeant que les mandats d'arrêt étaient "une attaque contre le droit d'Israël à se défendre" et visent "le pays le plus attaqué et le plus menacé au monde".

Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, et chantre de l'extrême droite a appelé à réagir à la décision de la CPI en annexant toute la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, et en y étendant la colonisation juive.

"Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d'arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l'opposition, Yaïr Lapid, dans un communiqué.

"Pas surprenant" 

Rare voix discordante, l'organisation israélienne des défense des droits de l'Homme B'Tselem a estimé que la décision de la CPI montre qu'Israël a atteint "l'un des points les plus bas de son histoire".

"Malheureusement, avec tout ce que nous savons sur la conduite de la guerre qu'Israël mène dans la bande de Gaza depuis un an [...] il n'est pas surprenant que les preuves indiquent que [MM. Netanyahu et Gallant] sont responsables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité", écrit l'ONG dans un communiqué.

Elle appelle par ailleurs "tous les Etats parties [au traité de Rome ayant institué la CPI] à respecter les décisions de la [Cour] et à exécuter ces mandats".

L'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.206 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les données officielles, incluant les otages tués ou morts en captivité à Gaza.

La campagne de représailles militaires israéliennes sur la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.