Le gel qui a couvert une large partie de la France cette semaine s'annonce comme l'un des pires des dernières décennies, de nombreuses cultures, vignes et vergers en particulier, ayant été frappées du nord au sud du pays.
«C'est une crise historique, parce que la dernière que l'on a connue, c'est 1991, et on est allé plus bas hier (jeudi) en température», a déclaré André Bernard, vice-président des chambres d'agriculture chargé du dossier gestion des risques.
Vignes, pommiers, pruniers, arbres à kiwi... Dans certaines régions, des agriculteurs disent avoir tout perdu après des températures qui sont descendues cette semaine à -5 ou -6 degrés. D'autres tentent encore d'évaluer l'ampleur des dégâts, d'autant qu'une nouvelle chute du thermomètre est anticipée en début de semaine prochaine.
Les professionnels ne sont pas encore en mesure de chiffrer les pertes, mais elles seront d'autant plus importantes que la floraison, stoppée net par le gel, était bien entamée.
Résultat: «gueule de bois» générale, selon les mots de Sébastien Prouteau, président du syndicat FNSEA en Indre-et-Loire.
Le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie s'est rendu dans l'après-midi dans ce département pour apporter son soutien à la filière viticole, avant un déplacement samedi dans la vallée du Rhône.
Il a déjà annoncé vouloir déclencher le fonds des calamités agricoles. Toutefois, les grandes cultures (céréales, colza) et les vignobles, incités à s'assurer, ne se sont pas éligibles.
Sur place, il a évoqué un «événement climatique exceptionnel», qui a touché 10 régions sur 13, et assuré que «la pression dans le tube» serait maximale pour que l'aide arrive rapidement, évoquant une réunion lundi à ce sujet.
«Malheureusement, trop peu d'hectares de vignes sont protégés. Sur 800 000 hectares en France, seuls 200 000 sont assurés», dit Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA et viticulteur dans l'Hérault.
«Très faible récolte»
Du nord au sud, les constats accablants s'enchaînent.
«On sait déjà qu'on va avoir une très faible récolte en 2021», a déclaré Jean-Marie Barillère, président du CNIV, qui rassemble les professionnels du vin sous appellation.
Aussi président de l'Union des Maisons de Champagne, M. Barillère «pense qu'il y a beaucoup de dégâts dans le vignoble champenois, notamment dans le cépage chardonnay où les bourgeons étaient sortis».
Dans le Bordelais, Dominique Guignard écrase des feuilles de vigne dans ses mains. «Cela casse comme du verre parce qu'il n'y a plus d'eau, ça s'est desséché complétement, il n'y a plus de vie», constate le président du syndicat viticole des Graves.
Dans le Tarn-et-Garonne, un des principaux vergers de France, «c'est une véritable catastrophe», relate aussi Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits. «J'espère que l'Etat va être à la hauteur de la catastrophe sinon on ne se relèvera pas de cette année blanche. Dans six mois, les gars déposent le bilan si des moyens extraordinaires ne sont pas mis en place».
En plaines, les céréaliers s'inquiètent aussi, sans pouvoir mesurer précisément l'étendue des dégâts.
Environ 40 000 hectares de betteraves ont été touchés, selon le syndicat spécialisé CGB, qui estime que les surfaces à resemer dépendront du «taux de mortalité» des racines.
Aides d'urgence réclamées
«A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles indispensables», a tweeté la présidente de la FNSEA Christiane Lambert.
«Si le ministre a déclenché la procédure de calamité agricole, la gravité de la situation exige aussi des mesures d'urgence plus simples, plus rapides et accessibles à toutes et tous, notamment en termes d'avance de trésorerie», plaide la Confédération paysanne.
Des élus appellent aussi l'Etat à débloquer des fonds.
«Nous demandons au ministre de l'Agriculture (...) d'activer tous les outils collectifs qui existent permettant de diminuer l'impact d'une perte de production, mais aussi de réfléchir à des aides supplémentaires, afin d'éviter que des domaines disparaissent», écrivent une soixantaine de députés dans une tribune.
Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez, qui a débloqué 15 millions d'euros en urgence au profit des agriculteurs locaux, juge que les aides habituelles en cas de calamités agricoles ne sont pas à la hauteur des pertes.
Il demande un mécanisme d'indemnisation «comparable à celui qui a été mis en place pour la Covid», qui couvrirait les charges et les salaires des agriculteurs touchés, tout en leur assurant un minimum de revenus.
Face au retour annoncé du gel la semaine prochaine, fini de lutter pour Maxime Michallet qui exploite principalement des cerisiers et des pommiers dans la Drôme: «On a déjà fait sept nuits d'antigel avec des bougies et des copeaux de bois, on est épuisé, on arrête les frais vu le peu de récoltes qui restent».