PARIS: Daba Yji, Dada ou Hiyani, Lkass Hlou, Mal hbibi’liya, ou encore Hna mada bina… Au Maroc, les chansons de Haja el Hamdaouia sont dans toutes les têtes, les refrains connus par cœur par tous les Marocains. Ses titres aux paroles percutantes, sont indémodables, et font partie intégrante de la chanson populaire marocaine.
Après une carrière longue de sept décennies, l’icône du chaabi marocain nous a quittés ce lundi 5 avril 2021. Depuis plusieurs mois, elle luttait contre la maladie, et avait été admise en réanimation à l’hôpital cheikh Zyed de Rabat, il y a quelques jours. Le roi Mohammed VI a adressé un message de condoléances et de compassion à la famille de l'artiste disparue, Haja el Hamdaouia.
Une artiste engagée
Haja el Hamdaouia est née à Casablanca en 1930 dans le quartier populaire de Derb Sultan. Dans les années 1950, elle est rapidement devenue une figure majeure de l’Aïta (un style musical engagé), et a modernisé la musique chaabi. En intégrant des instruments modernes tels que l’orgue, le saxophone, la guitare, le violon et même le tambourin dans ses compositions musicales, elle a créé sa signature. Son originalité artistique lui a permis de collaborer très tôt avec de grands noms de la scène marocaine, comme Mohamed Fouiteh ou Maâti Benkacem.
Courageuse, déterminée et très engagée, l’artiste qui aimait parler d’amour dans ses chansons, a aussi écrit un titre pour dénoncer la colonisation française dans les années 1950, une façon pour elle de s’impliquer dans la résistance.
Après avoir vécu à Paris dans les années 1980, où elle s’est produite sur de nombreuses scènes, celle que l’on surnomme «la chanteuse des trois rois» revient au Maroc. À cette période, l’artiste connaîtra quelques problèmes financiers et tombera dans l’oubli avant de monter à nouveau les marches du succès et de renouer avec son public.
En 2013, la chanteuse se voit décorée de l’ordre de commandant du Wissam Alaouite- Moukafaa al Watania par le roi Mohammed VI.
Au fil des années, Haja el Hamdaouia est parvenue à toucher la jeune génération. Elle a ainsi enflammé la scène du célèbre festival Mawazine, ou celle du festival international du raï d’Oujda, où elle a interprété ses morceaux cultes. En 2018, elle s’est produite sur la scène du festival des Andalousies Atlantiques d’Essaouira, où elle a partagé les planches avec Raymonde el Bidaouia, une autre légende de la musique populaire.
«Je ne veux pas que l’on me voie tomber sur scène avec mon bendir»
Très proche de la chanteuse anglophone Xéna Aouita, fille de l’athlète marocain Saïd Aouita, elle lui cède à titre gracieux l’ensemble des droits de ses chansons. «Xéna est comme ma fille, je la connais depuis qu’elle est toute petite, et je lui disais que je lui céderai mes chansons une fois qu’elle serait grande. J’ai tenu ma promesse», avait-elle affirmé au cours d’une conférence de presse en août 2020.
Son départ de la scène, Haja el Hamdaouia l’a donc annoncé en musique aux côtés de son héritière de cœur. Après soixante-dix ans de carrière, elle a enregistré Hyda Lebhar, avec elle.
Une énième production pour dire au revoir à son public. «Je suis malade. J’ai suffisamment donné à la scène musicale marocaine, il est temps pour moi de me retirer. Je ne veux pas que l’on me voie tomber sur scène avec mon bendir, je tiens à ma dignité», avait-elle déclaré.