L’inlassable quête de Macron pour ranimer le dossier nucléaire iranien

Emmanuel Macron le 15 mars 2021. Jean-Marc HAEDRICH / AFP / POOL
Emmanuel Macron le 15 mars 2021. Jean-Marc HAEDRICH / AFP / POOL
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Publié le Mardi 23 mars 2021

L’inlassable quête de Macron pour ranimer le dossier nucléaire iranien

  • L’offre de médiation de Paris entre Washington et Téhéran n’a pas été accueillie avec enthousiasme par les Américains et a été rejetée par les Iraniens
  • Les décideurs français considèrent qu’il faut saisir à tout prix le post-accord de 2015 pour prendre une part du «gâteau iranien », et rapprocher les deux pays

PARIS : Avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, le président français espère réussir son pari: redonner vie au dossier nucléaire iranien malmené par Donald Trump et différentes pratiques iraniennes. Mais l’accumulation de violations iraniennes ces derniers mois compliquent un retour à la table des négociations, et le maître de l’Elysée constate que sa diplomatie médiane fait face à une épreuve de taille. Il se trouve face à un dilemme cornélien, et le rôle que pourrait jouer la France dans ce dossier tumultueux semble un chemin semé d’embûches.

Pendant le mandat de Donald Trump, Emmanuel Macron et les Européens se sont retrouvés coincés entre le marteau américain et l’enclume iranienne.

La présidence française voulait profiter de la nouvelle donne outre-Atlantique pour faire une percée dans le dossier nucléaire iranien, une manière de faire fructifier ses inlassables efforts, entamés entre 2017 et 2020, et restés jusqu’ici sans succès. L’offre de médiation de Paris entre Washington et Téhéran n’a cependant pas été accueillie avec enthousiasme par les Américains et a été rejetée par les Iraniens.

Le président français a exprimé le souhait d'une relance de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, mais il s’est aussi fait l’avocat d'un contrôle du programme de missiles balistiques de l'Iran, ce que Téhéran refuse catégoriquement.

Pendant le mandat de Donald Trump, Emmanuel Macron et les Européens se sont retrouvés coincés entre le marteau américain et l’enclume iranienne. Depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, le président français se heurte au chantage et à l’entêtement iraniens, et aux calculs américains. Malgré ces revers, M. Macron ne renonce pas: lors d'une conférence de presse à l'Elysée avec son homologue israélien Reuven Rivlin, il a déclaré que «l'Iran doit faire des gestes et se comporter de manière responsable pour éviter une aggravation de la situation au sujet de son programme nucléaire».

Le président français a exprimé le souhait d'une relance de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, mais il s’est aussi fait l’avocat d'un contrôle du programme de missiles balistiques de l'Iran, ce que Téhéran refuse catégoriquement. Macron répète ce qu’il a demandé le 2 mars au président iranien Hassan Rohani: «des gestes clairs sans attendre» pour respecter ses obligations concernant l'inspection de ses installations nucléaires. De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a estimé que «la situation intérieure de l'Iran retarde la reprise des discussions sur le nucléaire», en raison des surenchères internes à la veille des élections présidentielles de juin prochain.

Le sort de l’accord, connu officiellement sous le nom de «Joint Comprehensive Plan of Action» (JCPOA), constituera un véritable test.

Ce fort intérêt français n’est pas surprenant. Rappelons que les différents gouvernements français successifs ont énormément investi dans le dossier iranien depuis 2003. Ainsi, le sort de l’accord, connu officiellement sous le nom de «Joint Comprehensive Plan of Action» (JCPOA), constituera un véritable test. L’approche  privilégiée par l’équipe de M. Biden – autrement dit le retour de Téhéran à un respect strict de l’accord» pour que Washington réintègre l’accord, en «le renforçant, tout en combattant les autres activités déstabilisatrices de l’Iran» – satisfait globalement la France, qui est disposée à travailler avec Washington sur un nouvel accord ou un retour à l’accord de 2015 avec des modifications concernant les missiles balistiques et la sécurité régionale. C’est également l’objectif américain, comme l’a laissé entendre Robert Malley, l’envoyé spécial américain pour l’Iran, même si les approches de Paris et de Washington pour l’atteindre sont différentes.

La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne veulent soumettre au conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) un texte appelant l’Iran à «reprendre immédiatement» l'ensemble du programme d'inspections prévu par l’accord sur le nucléaire iranien. Washington a demandé aux Européens de ne pas agir afin de ne pas envenimer la situation.

On observe de surcroît une différence d’appréciation entre les Européens et les États-Unis. Les premiers pensent que le programme nucléaire iranien entre dans une «phase délicate», avec la possible production d'une arme nucléaire dans un an (grâce à l’augmentation du niveau d’enrichissement de l’uranium, la mise en place de centrifugeuses développées et la production de l’uranium). Washington semble moins inquiet et ne croit ni aux capacités iraniennes ni à la volonté iranienne de défier l’Amérique.

Compte tenu de priorités intérieures de l’administration Biden et de la situation interne iranienne, Macron et les Européens semblent condamnés à attendre l’issue du «tango» américano-iranien qui pourrait échouer ou ne débuter que cet été.

Une source européenne redoute des manœuvres en coulisses entre Washington et Téhéran, comme l’atteste la récente déclaration de Mohammed Ghalibaf, le président du Parlement iranien, qui a reconnu que «la législation adoptée par le Parlement en décembre dernier, prévoyant l’élargissement de l’enrichissement de l’uranium, et l’obstruction des opérations d’inspection internationale, n’a été qu’une carte de chantage pour acquérir plus d’influence avant les négociations avec l’administration Biden».

Compte tenu de priorités intérieures de l’administration Biden et de la situation interne iranienne, Macron et les Européens semblent condamnés à attendre l’issue du «tango» américano-iranien qui pourrait échouer ou ne débuter que cet été ou plus tard cette année. Entre-temps, Macron cherche à rétablir et à renforcer les liens français avec les pays arabes du Golfe, notamment l’Arabie saoudite. Il compte se rendre prochainement à Riyad, Abu Dhabi et Doha.

Paris, dans un jeu d’équilibrisme permanent, insiste sur la primauté de la stabilité régionale et compte multiplier les pressions sur Téhéran pour faire évoluer sa position. Pour le président français, le Moyen–Orient, le Golfe, le Maghreb et le Sahel forment l’un des axes prioritaires pour l’action de la France. Incontestablement pour Emmanuel Macron, la politique moyen-orientale représente un grand enjeu. Mais elle est aussi un test à l’échelle globale pour une possible percée de l’influence française malgré les grands obstacles qu’elle rencontre.

Politiquement parlant, l'ancienne «Perse» était une sphère d’influence russo-allemande-anglo-saxonne, et la France y jouait un rôle peu important. Cependant, les relations contemporaines franco-iraniennes se sont intensifiées avec le programme nucléaire dès l’époque du chah et se sont compliquées pendant son règne. Emmanuel Macron tente de les relancer et de le renforcer par le biais d’un long processus de médiation sur le dossier nucléaire. Paris craint une diffusion plus large des armes de destruction massive dans une région instable et rejette les politiques régionales expansionnistes. Sans aucun doute, le projet iranien d'expansion vers la Méditerranée est sous le microscope français, car il s'agit d'un projet de conflit ouvert dans la région. Les décideurs français considèrent qu’il faut saisir à tout prix le post-accord de 2015 pour prendre une part du «gâteau iranien». Peine perdue pour le moment… Malgré tous les efforts côté français, le cercle vicieux dans lequel les relations franco-iraniennes sont prises au piège se poursuit jusqu’à nouvel ordre.


Jordan Bardella, le nouvel atout de l'extrême droite française

M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire  (Photo, AFP).
M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire (Photo, AFP).
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  • Adhérent au parti d'extrême droite depuis ses 17 ans, il en a gravi les échelons jusqu'à en prendre la tête en 2021
  • M. Bardella, qui s'enorgueillit d'avoir dépassé le million d'abonnés sur TikTok, est accusé de soigner son image médiatique plus que sa connaissance des dossiers

Il est le nouvel atout du Rassemblement national, celui qui espère faire du parti d'extrême droite la première formation de France aux prochaines européennes. Jordan Bardella, 28 ans, séduit de plus en plus d'électeurs, en dépit de critiques récurrentes sur son manque de fond et sa "duplicité".

Formules ciselées pour cogner et sourire à toute épreuve pour les selfies: la tête de liste du RN donne un coup de jeune au parti historique de l'extrême droite française fondé au début des années 1970 par Jean-Marie Le Pen, 95 ans.

La stratégie de dédiabolisation entamée il y a une dizaine d'années par sa fille Marine Le Pen, qui a lissé l'image du parti et rompu avec les déclarations antisémites et racistes de son fondateur, trouve son aboutissement avec Bardella. Il s'est imposé en moins de cinq ans dans un paysage politique en plein renouvellement.

Crédité de 32% des intentions de vote à moins de cinq semaines du scrutin, loin devant la liste de la majorité présidentielle d'Emmanuel Macron à 17%, le jeune homme au physique de gendre idéal "séduit dans toutes les catégories", résume le sondeur Frédéric Dabi dans La Croix.

"Le Rassemblement national devient un parti attrape-tout, présent dans toutes les catégories et géographies", abonde Gilles Finchelstein, de la fondation Jean Jaurès, pour qui "le RN sans le moindre doute finira en tête, comme en 2014 et 2019."

M. Bardella met en avant ses origines modestes, d'ascendance italienne et élevé par sa mère dans une banlieue parisienne populaire, pour apparaître proche des préoccupations des Français: pouvoir d'achat, immigration, insécurité...

Adhérent au parti d'extrême droite depuis ses 17 ans, il en a gravi les échelons jusqu'à en prendre la tête en 2021, tandis que Marine Le Pen, arrivée deux fois au deuxième tour de l'élection présidentielle derrière Emmanuel Macron, prépare l'échéance de 2027.

Il a été son porte-parole lors de la dernière campagne de 2022. Il a également conduit la liste RN aux dernières européennes de 2019, arrivée en tête juste devant celle de la majorité présidentielle.

Le scrutin européen du 9 juin pourrait parachever cette ascension à une double condition: "arriver en tête et avec un score supérieur à celui de 2019", résume l'un de ses proches.

M. Bardella, à qui Marine Le Pen a promis le poste de Premier ministre si elle est élue en 2027, a fait monter les enchères en indiquant qu'il demanderait une dissolution de l'Assemblée nationale si son parti arrive en tête, posant ainsi les enjeux en termes français plus qu'européens.

Esquive 

La tête de liste de l'extrême droite a d'ailleurs davantage fait campagne sur des thèmes nationaux, alimentant ainsi les critiques de ses opposants sur sa méconnaissance et son désintérêt pour l'Europe.

M. Bardella, qui s'enorgueillit d'avoir dépassé le million d'abonnés sur TikTok, est accusé de soigner son image médiatique plus que sa connaissance des dossiers, et est critiqué pour son "absentéisme" au Parlement européen. L'eurodéputée de la gauche radicale Manon Aubry le qualifie de "député fantôme".

Il n'est "pas très à l'aise" sur les dossiers européens, dit une ministre macroniste, "il se tait et se cache", abonde une autre.

Lors d'un meeting à Perpignan le 1er mai, il a prononcé un plaidoyer fourre-tout pour une "Europe des nations", "des réalités", "des gens", "du concret", "des identités", "des frontières", "du juste échange, du patriotisme économique, de la priorité nationale, de la préférence européenne".

Mais lors d'une conférence le 25 avril pour présenter son programme, organisée après le discours sur l'Europe du président Macron, il a esquivé les questions des journalistes.

Jeudi soir, le candidat d'extrême droite a tenu un premier débat télévisé avec la tête de liste macroniste, Valérie Hayer, qui a accusé le RN de "duplicité" sur l'Europe et d'être la "courroie de transmission" de la Russie.

M. Bardella a répliqué coup pour coup et éludé les critiques sur certains membres de sa liste comme Thierry Mariani, connu pour ses positions pro-Kremlin.

Un autre débat avec le Premier ministre Gabriel Attal pourrait avoir lieu prochainement.


Affaire Ghosn: Rachida Dati demande mardi à la justice l'abandon des poursuites

La ministre française de la Culture, Rachida Dati (Photo, AFP).
La ministre française de la Culture, Rachida Dati (Photo, AFP).
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  • La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est saisie de deux requêtes de Mme Dati, a indiqué une source judiciaire
  • L'une pour constater la prescription des faits reprochés, la seconde pour accorder à Rachida Dati le statut plus favorable de témoin assisté

PARIS: La ministre de la Culture Rachida Dati demande une nouvelle fois mardi à la cour d'appel de Paris d'abandonner les poursuites qui la visent depuis 2021 dans l'affaire sur les contrats noués avec une filiale de Renault-Nissan, quand Carlos Ghosn en était le PDG.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est saisie de deux requêtes de Mme Dati, a indiqué une source judiciaire.

L'une pour constater la prescription des faits reprochés, la seconde pour accorder à Rachida Dati le statut plus favorable de témoin assisté, selon cette source.

Les avocats de la ministre, Mes Olivier Baratelli et Olivier Pardi, ont précisé à l'AFP que seule la prescription des faits serait examinée.

"Tout est prescrit, archi prescrit, depuis des années", estiment-ils.

Les deux conseils font valoir "la découverte d'éléments nouveaux, fondamentaux attestant que plus d'une quarantaine de dirigeants de Renault, de Nissan et de l'alliance Renault-Nissan (incarnée par la filiale néerlandaise RNBV, NDLR), étaient clairement informés de la mission d'avocat de Rachida Dati, de sa réalité, de ses prestations et du montant des honoraires".

Jamais sollicités

Le délai de prescription - trois ans à l'époque - débuterait donc au moment de la signature de la convention entre RNBV et Mme Dati en 2009 et non en 2019 avec la plainte d'une actionnaire de Renault.

"Par ailleurs, les responsables du Parlement européen affirment, de manière concordante, n'avoir jamais été sollicités pour une quelconque intervention au profit de l'alliance et encore moins de Renault", ajoutent Mes Pardo et Baratelli.

Les avocats avaient déjà saisi la chambre de l'instruction pour faire constater en vain la prescription des faits.

L'ancienne garde des Sceaux et ancienne maire LR du VIIe arrondissement de Paris est mise en examen depuis juillet 2021 pour "corruption et trafic d'influence passif par personne investie d'un mandat électif public".

Les soupçons portent sur les 900.000 euros que lui a versés entre 2010 et 2012 RNBV, alors qu'elle était avocate et députée européenne (2009-2019).

Les investigations ont cherché à déterminer si la convention d'honoraires aurait pu servir à masquer une activité de lobbying au Parlement européen interdite à tout élu.

Carlos Ghosn, lui, fait l'objet d'un mandat d'arrêt international dans cette affaire depuis avril 2023: l'ancien grand patron ne s'était pas présenté à une convocation en vue d'une éventuelle mise en examen pour corruption en mai 2022.

Mme Dati comme M. Ghosn contestent toute irrégularité.

Les investigations, débutées en juillet 2019, sont terminées depuis septembre 2023.

Le parquet national financier (PNF) doit prochainement prendre ses réquisitions, puis la juge d'instruction ordonnera ou non un procès devant le tribunal correctionnel de Paris.


Le gouvernement confie un rapport à deux hauts fonctionnaires sur les Frères musulmans

Le Premier ministre français Gabriel Attal, la ministre déléguée à l'Enfance, à la Jeunesse et à la Famille Sarah El Hairy et la ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse Nicole Belloubet écoutent le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) Olivier Klein (à gauche) prononcer un discours lors de la cérémonie de remise du prix Ilan Halimi pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, à l'hôtel Matignon à Paris, le 14 février 2024. (Photo Yoan Valat Pool AFP)
Le Premier ministre français Gabriel Attal, la ministre déléguée à l'Enfance, à la Jeunesse et à la Famille Sarah El Hairy et la ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse Nicole Belloubet écoutent le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) Olivier Klein (à gauche) prononcer un discours lors de la cérémonie de remise du prix Ilan Halimi pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, à l'hôtel Matignon à Paris, le 14 février 2024. (Photo Yoan Valat Pool AFP)
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  • Cette mission menée par le diplomate François Gouyette, qui a été en poste dans de nombreux pays arabes, et le préfet Pascal Courtade doit dresser un «état des lieux de l'influence de l'islam politique en France»
  • Ces travaux sont présentés comme étant dans la droite ligne du discours des Mureaux (Yvelines) sur le séparatisme prononcé par Emmanuel Macron en 2020

PARIS : Le gouvernement a décidé de confier une mission à deux hauts fonctionnaires sur «l'islamisme politique et la mouvance des Frères musulmans» chargée de rendre un rapport à l'automne, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur.

Cette mission menée par le diplomate François Gouyette, qui a été en poste dans de nombreux pays arabes, et le préfet Pascal Courtade doit dresser un «état des lieux de l'influence de l'islam politique en France».

Ces travaux sont présentés comme étant dans la droite ligne du discours des Mureaux (Yvelines) sur le séparatisme prononcé par Emmanuel Macron en 2020 et qui a débouché sur la loi sur les principes et valeurs de la République de 2021.

«Le séparatisme islamiste est un projet politico-religieux théorisé, caractérisé par des écarts répétés avec les principes de la République visant à construire une contre-société», est-il écrit dans le communiqué diffusé dimanche soir.

«La mouvance des Frères musulmans tient un rôle majeur dans la diffusion d'un tel système de pensée», complète le communiqué.