NATIONS UNIES, ETATS-UNIS: Le Conseil de sécurité de l'ONU a tenu jeudi une visioconférence à huis clos sur le Tigré, région de l'Ethiopie en proie aux combats et à une crise humanitaire, mais sans pouvoir s'entendre sur une déclaration commune proposée par l'Irlande, en raison d'une opposition de la Russie et de la Chine.
Les membres africains du Conseil de sécurité (Kenya, Niger et Tunisie) étaient pour un texte commun - pour la première fois depuis le déclenchement des combats début novembre -, mais Moscou et Pékin, membres permanents, ainsi que l'Inde, membre non permanent, ont soulevé des «objections», selon des diplomates.
Pour la Russie et la Chine, «il ne faut pas interférer dans des affaires internes» de l'Ethiopie, tandis que l'Inde, «favorable à un texte», a réclamé qu'il soit «focalisé sur l'humanitaire», ont indiqué à l'AFP des sources sous couvert d'anonymat. Le représentant russe a avancé "ne pas avoir d'instruction de sa capitale" pour adopter un texte, la Chine jugeant que ce n'était "pas une nécessité", selon plusieurs diplomates.
«La Russie a été l'objecteur principal», a assuré un autre diplomate, en estimant difficile une adoption de texte, même si les 15 pays membres du Conseil «vont continuer à négocier», selon des sources diplomatiques.
Une version du texte obtenue par l'AFP proposait que le Conseil de sécurité exprime sa préoccupation à l'égard de la situation humanitaire au Tigré «où des millions de personnes restent dans un besoin urgent de nourriture, d'eau, de protection et de services essentiels ».
Le Conseil devait aussi appeler «à une cessation immédiate des hostilités et réaffirmer un engagement fort envers la souveraineté, l'indépendance politique, l'unité et l'intégrité territoriale de l'Ethiopie».
Depuis le déclenchement début novembre d'une opération militaire de l'armée éthiopienne pour reprendre à des dissidents le contrôle du Tigré, le Conseil de sécurité n'a tenu que peu de réunions sur cette crise et aucune n'a abouti à l'adoption d'une position commune.
Rien à voir
Le dossier a longtemps été miné par des divisions entre les Occidentaux et les pays africains, qui, à l'instar de Moscou et Pékin, soutiennent l'Ethiopie et jugent que les combats relèvent d'une affaire interne.
Ces membres africains ont longtemps privilégié l'Union africaine (UA) pour un règlement de la crise. Une tentative de médiation fin 2020 de cette dernière a cependant avorté.
«Nous ne pouvons pas attendre l'UA et les organisations sous-régionales pour régler» ce conflit, s'énerve un diplomate occidental sous couvert d'anonymat. «C'est une situation dans laquelle l'Union africaine, avec sa bonne volonté, n'a pas été en mesure de réussir», ajoute-t-il, estimant que «le Conseil de sécurité et le secrétaire général devaient continuer leurs démarches et les amplifier».
Les Ethiopiens «font des points réguliers sur tout ce qu'ils font en matière humanitaire», concède un autre diplomate. Mais «en revanche, sur le reste, c'est circulez, il n'y a rien à voir», déplore-t-il.
Pour les Occidentaux, la situation humanitaire et l'afflux de réfugiés dans des pays voisins imposent une action du Conseil de sécurité, comme l'a rappelé jeudi à l'issue de la visioconférence l'ambassadrice américaine à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield.
Dans une déclaration, elle a souligné que le conflit au Tigré «menaçait directement la paix et la sécurité régionales». «Nous avons besoin de nous en occuper immédiatement» et «prévenir de nouvelles atrocités», a-t-elle ajouté, en réclamant un retrait d'Ethiopie des troupes d'Erythrée, comme l'avait demandé précédemment devant le Conseil le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock.
A ce jour, malgré des accords entre l'ONU et les autorités éthiopiennes, les accès humanitaires au Tigré restent très limités. Les Nations unies considèrent que des centaines de milliers de personnes n'ont toujours pas pu être approchées, notamment dans des zones rurales.
La visioconférence jeudi avait été demandée par l'Irlande, membre non-permanent du Conseil. S'étaient joints à cette demande l'Estonie, la France, la Norvège, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, qui ont réclamé mardi une enquête internationale sur les atrocités rapportées au Tigré.