CHICAGO: Les réseaux sociaux sont inondés de contenus offensants, empreints de haine, de colère, avec des attaques personnelles et, bien sûr, des déclarations exagérées et fausses. Ces contenus sont en grande partie motivés par l’expression d’opinions politiques pleines de colère et des attaques partisanes. Cela peut être tout à fait nauséabond.
Mais de temps en temps, vous pouvez tomber sur des comptes à la fois positif et amusant. Et c'est encore plus satisfaisant lorsque vous en trouvez un qui présente également une vision méliorative de la culture et de la vie arabes.
Salem Furrha est un Palestinien né au Koweït. Lorsqu'il est arrivé aux États-Unis, il a d'abord vécu dans le Michigan avant de déménager en Californie, où il réside maintenant avec sa femme palestino-libanaise, Samah, et leurs huit enfants. L'année dernière, pour surmonter l'ennui du confinement dû au coronavirus et à d'autres restrictions, il a créé un compte familial sur TikTok, un réseau social qui permet aux utilisateurs de partager de courtes vidéos.
Le contenu de la plate-forme est parfois à la limite du salace. La famille Furrha partage quant à elle un contenu ludique afin d'offrir une image positive de la vie quotidienne des Arabes américains aux États-Unis.
Lorsque je m'ennuie ou que j'ai la nausée à cause des combats politiques qui dominent de plus en plus les autres réseaux sociaux – en particulier le flot sans fin de représentations négatives des Arabes et des musulmans et des débats haineux – je me tourne vers les Furrha pour un peu de répit.
Dans les pires moments, lorsque mes flux sur les réseaux sociaux risquent d’être ensevelis sous une avalanche de stéréotypes anti-arabes, je fais un détour par ce coin plus agréable et accueillant de l’autoroute de l’information, je ralentis et je savoure les posts de la famille.
J'ai récemment eu le plaisir de rencontrer virtuellement la famille Furrha, lors d'une conférence Zoom organisée par Arab America, une organisation nationale qui vise à promouvoir une image plus vraie des Arabes américains et du monde arabe. Salem Furrha et sa famille devraient être des icônes officielles des Arabes américains, nos ambassadeurs dans le reste du pays et dans le monde.
«Nous voulions montrer aux gens que nous formons une famille très unie et nous restons toujours solidaires… nous aimons être ensemble», m'a expliqué Salem Furrha. «Nous essayons de faire comprendre aux gens à quel point nous nous entendons bien même s'il y a beaucoup de monde à la maison.»
«C’est la culture arabe. Nous sommes ensemble. Nous essayons d’enseigner aux gens notre culture et nous utilisons la comédie et l'humour pour combler le fossé entre ce que les gens pensent et ce que les gens voient.»
La famille Furrha compte plus de 3,3 millions d'abonnés sur TikTok et des millions d'autres sur Facebook et Instagram. Le secret pour créer un public aussi large est simple, déclare M. Furrha. «Nous aimons présenter notre vie quotidienne de manière comique», souligne-t-il.
«Beaucoup de stéréotypes infondés subsistent au sujet des Arabes… nous avons donc voulu montrer qui nous sommes vraiment.»
Avec tant de gens qui vous observent, vous avez inévitablement le risque de vous exposer à des commentaires négatifs, voire à des attaques personnelles souvent racistes et amères.
Lorsqu’on demande à Salem et à sa famille comment ils le gèrent, il hausse les épaules et offre une réponse parfaite: «Nous nous concentrons sur les commentaires positifs. Nous ignorons les autres. Nous n'y prêtons pas attention. Nous essayons de répondre aux commentaires sur le tchat et d'interagir avec nos abonnés.»
C'est une attitude rafraîchissante, car il peut être difficile pour les Arabes de résister à la tentation de répondre à quelqu'un qui vous insulte, en particulier sur les réseaux sociaux. Cela demande beaucoup de maîtrise de soi.
TikTok est devenu l'une des plates-formes de réseaux sociaux les plus influentes, car elle est perçue comme plus transparente et donc moins restrictive que Twitter ou Facebook, qui censurent souvent ou ajoutent des avertissements aux publications sur des sujets controversés ou qui contiennent des informations contestées.
Ces restrictions peuvent parfois refléter un préjugé anti-arabe inhérent. À titre d’exemple, de nombreux messages propalestiniens sont soit bloqués, soit «limités» sur Facebook et Twitter. La limitation sur les réseaux sociaux est due à l'utilisation d'algorithmes qui restreignent la visibilité des publications, en termes de nombre de personnes pouvant les voir, sans pour autant fermer complètement un compte. Dans de nombreux cas, les utilisateurs ne savent même pas qu'ils ont été bloqués.
Sur TikTok, les restrictions sont plus explicites et clairement énoncées: pas de violence, pas de haine ou de commentaires racistes, et l’exigence de normes occidentales généralement acceptables (qui pourraient encore être un peu risquées pour certains au Moyen-Orient).
L'ancien président américain, Donald Trump, a tenté de fermer TikTok car sa société mère, ByteDance, est basée à Pékin. Il a fait valoir que la plate-forme pourrait être utilisée «comme une arme du Parti communiste chinois» pour «espionner les citoyens américains».
L’actuel président américain, Joe Biden, a fait cesser les efforts initiés par Donald Trump pour forcer la vente du réseau chinois à une entreprise américaine, alors que son administration examine la question.
C'est une bonne nouvelle pour les Furrha car cela signifie que, pour l'instant du moins, ils peuvent continuer à utiliser la plate-forme et partager avec des millions de personnes leurs représentations humoristiques de la vie quotidienne d'une famille arabe américaine typique.
Ne soyez pas surpris si un producteur de télévision entreprenant à Hollywood profite de leur popularité croissante et offre aux Furrha une chance d'apparaître dans leur propre émission de télé-réalité.
À bien y réfléchir, faire apparaître des Arabes américains dans une émission de télé-réalité américaine les décrivant de manière positive pourrait être ce dont nous avons besoin pour contrer les mensonges, les stéréotypes et la colère anti-arabe qui persistent à travers le monde.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com