ATLANTA - John Bolton, l’ancien conseiller à la sécurité nationale du président américain Donald Trump, a déclaré mercredi qu'il doutait des promesses de Téhéran de ne pas poursuivre le développement d'armes nucléaires, même si le retour à l'accord nucléaire avec l'Iran semble constituer une priorité pour l'administration Biden.
Dans une interview exclusive accordée à Arab News, M. Bolton déclare qu'il encourage l'inclusion des pays arabes du Golfe dans toute négociation concernant le programme nucléaire iranien, jugeant cette initiative comme « idée positive ».
Il ajoute qu'il n'est pas en faveur d'un changement de régime à Téhéran qui suppose une intervention militaire étrangère, tout en étant convaincu que « l’opposition populaire à l'intérieur du pays finira par le renverser».
Au cours d'une discussion portant sur une série de dossiers qui touchent le Moyen-Orient, M. Bolton précise qu'il ne s'oppose pas, par principe, à un réengagement du président américain Joe Biden avec l'Iran. D'après lui, Joe Biden a joué un rôle important dans la conclusion de l'accord nucléaire iranien de 2015, connu officiellement sous le nom de Plan d'action global conjoint, durant son mandat de vice-président sous Barack Obama. Ainsi, il ne faut pas s'étonner si le retour à cet accord figure à l'ordre du jour. Néanmoins, il avertit que Téhéran maintient sa volonté de développer ses capacités nucléaires.
« Je ne pense pas que le régime iranien ait jamais vraiment pris la décision stratégique de renoncer au développement de l'arme nucléaire », précise-t-il.
Selon M. Bolton, les pays du Golfe ont le droit d'être impliqués dans les nouvelles négociations que la communauté internationale entend engager avec l'Iran, en raison de leur proximité avec celui-ci, et du fait des activités agressives du régime dans la région.
Se démarquant des commentaires précédents dans lesquels il a laissé entendre qu'une intervention militaire internationale devrait être envisagée, M. Bolton estime que le changement en Iran proviendra très probablement de l'intérieur du pays, sous la forme d'un soulèvement civil et militaire interne.
Il estime que la popularité du régime auprès des Iraniens connaît son point le plus bas en raison de sa mauvaise gestion de l'économie et des sanctions paralysantes imposées par l'administration Trump.
« Je pense que la popularité du régime iranien a atteint son point le plus bas depuis la révolution de 1979 », dit-il. « Le résultat le plus plausible, à mon avis, est une division parmi les officiers et l'armée nationale - et même parmi les Gardiens de la Révolution, dont les familles et les amis sont confrontés à la crise économique actuelle. A mon avis, c'est ainsi que le régime s'effondrera. Je n'envisage aucune intervention étrangère ».
En ce qui concerne les questions régionales plus larges, M. Bolton a salué les pays du Golfe pour avoir résolu leur différend diplomatique de longue date avec le Qatar. En effet, l'Arabie saoudite, les EAU et Bahreïn, ainsi que l'Égypte, ont consenti en janvier à rétablir leurs relations avec Doha. En juin 2017, ils avaient rompu leurs liens en raison des divergences dans les politiques régionales. Il estime que les pays du Golfe doivent faire preuve d'unité dans les efforts qu'ils déploient pour faire face à la menace iranienne qui pèse sur leurs intérêts.
Toutefois, M. Bolton a critiqué la Turquie, sous la direction du président Recep Tayyip Erdogan, pour être intervenu militairement dans le nord de la Syrie. Il a également dénoncé la décision d'Ankara de se procurer le système de missiles S-400 de la Russie, qui est un adversaire de l'OTAN – alors que la Turquie est membre de cette organisation.
Au sujet du conflit israélo-palestinien, M. Bolton juge irréaliste la solution des deux États, qui prévoit un État palestinien autonome sur les territoires occupés de Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est arabe.
Le monde est tenu d'accorder une plus grande attention aux espoirs et aux aspirations du peuple palestinien, souligne-t-il. En effet, les aspirations du peuple sont différentes de celles des dirigeants palestiniens, poursuit-il, qui poursuivent une « stratégie obsolète » qui était peut-être appropriée quelques décennies auparavant. Cette approche n'est plus pertinente aujourd’hui, compte tenu des changements que le monde, et le monde arabe en particulier, a connus.
Ces changements devraient encourager les Palestiniens à développer une « nouvelle façon de penser » et à progresser au-delà de la solution à deux États qu'il qualifie de « morcelée ».
L'alternative proposée par M. Bolton est de croire en une « solution à trois Etats » qui ramènerait la bande de Gaza à la souveraineté égyptienne, comme elle l'était avant son occupation par Israël en 1967. Il suggère que la Jordanie et Israël doivent partager la souveraineté de la Cisjordanie, ce qui assurerait, selon lui, une « existence économique viable » pour les Palestiniens.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com