STARSBOURG: La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a estimé que l'Allemagne n'avait pas violé sa convention de protection des droits humains lors de son enquête sur une frappe aérienne menée en 2009 par l'Otan en Afghanistan qui avait tué des civils.
« L’investigation conduite par les autorités allemandes à la suite de la frappe aérienne mortelle dans le cadre de l'Otan en Afghanistan n’a pas violé la Convention », et en particulier son article 2 protégeant le « droit à la vie », ont considéré à l'unanimité les 17 juges de la Grande chambre de la CEDH, sa plus haute instance.
La cour, bras judiciaire du Conseil de l'Europe installé à Strasbourg, avait été saisi en 2016 par un Afghan dont les deux fils ont été tués lors d'un bombardement de l'Otan en 2009 près de Kunduz, en Afghanistan, après la prise de deux camions-citernes par des combattants talibans.
Ce bombardement, qui tua plusieurs personnes, à la fois des insurgés et des civils, avait été ordonné par un colonel des forces allemandes membres de la Force internationale d'assistance à la sécurité dépendant de l'Otan.
« Le procureur général près la Cour fédérale de justice (allemande, ndlr) a considéré que la responsabilité pénale du colonel K. n’était pas engagée principalement parce qu’il a estimé que, au moment où il avait ordonné la frappe aérienne, le colonel était convaincu qu’aucun civil n’était présent sur le banc de sable », rappelle la CEDH dans un communiqué.
Le Parlement allemand avait également instauré une commission d'enquête pour déterminer si cette frappe aérienne était conforme au mandat donné aux forces armées allemandes, ce qui a offert « au public la possibilité d'exercer un droit de regard important sur l'affaire ».
« La Cour estime que les circonstances de la frappe aérienne qui a tué les deux fils du requérant, et notamment le processus de prise de décision et de vérification de la cible qui a abouti à l’ordre d’engager la frappe ont été établies de manière fiable à l’issue d'un examen approfondi visant à déterminer la licéité du recours à la force létale », selon la CEDH.
Bien que « déçu » par cet arrêt, l'avocat du requérant, Me Wolfgang Kaleck, lui a toutefois reconnu « quelques aspects notables », à commencer par le fait qu'il a été reconnu que la convention européenne des droits de l'Homme s'appliquait dans de tels cas.
Cela signifie que les responsables militaires décideurs de telles frappes peuvent « ensuite être tenus pour responsables juridiquement », a souligné, lors d'une conférence de presse en ligne, l'avocat qui est aussi secrétaire général du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains, une ONG installée à Berlin.
Wolfgang Kaleck a regretté que l'Allemagne ne se soit pas officiellement excusée pour cette frappe aérienne, le requérant ayant espéré que « soit reconnue sa dignité humaine ».