Dix ans après le soulèvement, la Libye plus divisée que jamais

Un poster du colonel Mouammar Kadhafi brûle, à Benghazi en 2011 (Photo, AFP).
Un poster du colonel Mouammar Kadhafi brûle, à Benghazi en 2011 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 16 février 2021

Dix ans après le soulèvement, la Libye plus divisée que jamais

  • Le pays est aujourd’hui en proie au chaos, aux divisions internes et aux ingérences extérieures, malgré des signes encourageants ces derniers mois
  • La chute de Kadhafi a entraîné la multiplication de forces locales et tribales représentées par des milices armées en tout genre. Le morcellement du paysage interne a été aggravé par les ingérences étrangères

BEYROUTH: Le 15 février 2011… Une vague de manifestations sans précédent est déclenchée à Benghazi contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi. Rapidement, la contestation est violemment réprimée par le régime libyen qui n’hésite pas à utiliser les avions de combat pour frapper la rébellion. Le dirigeant libyen menace de traquer les rebelles «rue après rue, allée après allée, maison après maison». La répression fait plusieurs milliers de morts. L’avancée des troupes loyalistes vers l’Est écrasant les rebelles qui se replient vers Benghazi annonce un massacre de grande ampleur, ce qui fait dire au président français de l’époque, Nicolas Sarkozy: «Si Kadhafi était entré dans Benghazi, Srebrenica à côté serait passé pour un non-événement.»

Après des demandes répétées de la Ligue arabe exhortant la communauté internationale à intervenir en Libye, deux résolutions sont votées au Conseil de sécurité de l’ONU. La résolution 1970 met en place un embargo sur les armes à destination de la Libye et bloque entre autres les avoirs du régime en place. La résolution 1973 instaure une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen et permet de «prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour protéger les populations civiles». Le vote de la résolution déclenche une intervention militaire des forces de l’Otan, une coalition emmenée par Washington, Paris et Londres qui lance une offensive aérienne contre le régime libyen dans le cadre de l’opération Unified Protector. Le 20 octobre 2011, Kadhafi est tué dans sa région natale de Syrte, où il s’était réfugié après avoir fui la capitale Tripoli.

La chute brutale de Mouammar Kadhafi qui a dirigé la Libye d’une poigne de fer depuis 1969 a ouvert la boîte de Pandore. Dix ans plus tard, la Libye est en proie au chaos, aux divisions internes et aux ingérences extérieures. La chape de plomb exercée par le dirigeant libyen durant plus de quarante ans sur la «Jamahiriya arabe libyenne», un large territoire désertique de 1 759 540 km², doté d’une population estimée à seulement six ou sept millions d’habitants, a occulté pendant longtemps les divisions qui minent ce pays d’Afrique du Nord.

Divisions internes

Historiquement, le pays est divisé en trois régions. À l’Ouest, la Tripolitaine, dont la capitale est Tripoli, siège traditionnel du gouvernement depuis l’indépendance. Actuellement, c’est le gouvernement d’union nationale (GNA) – dirigé par Fayez al-Sarraj – qui y règne. Il est proche des Frères musulmans et reconnu par l’ONU. À l’Est, se trouve la Cyrénaïque, où se situe la Chambre des représentants, qui a siégé à Tobrouk en 2014 puis à Benghazi depuis 2019. Cette région riche en pétrole est actuellement le fief du maréchal autoproclamé Khalifa Haftar, à la tête de l’Armée nationale libyenne (ANL). La troisième région se trouve au Sud. Il s’agit d’un large territoire multiethnique, où règnent des miliciens divisés entre des partisans de Haftar et du GNA. Cette région est doublement stratégique. Elle est d’une part la porte vers l’Afrique subsaharienne, tout en étant riche en hydrocarbures.

Plusieurs autres conflits sous-jacents rongent le pays. Ethniquement, les Libyens sont divisés entre Kabyles et Arabes. Sans oublier les divisions sociales entre les citadins des grandes villes du Nord sur la côte méditerranéenne et le Sud tribal. Il existe par ailleurs une disparité concernant les ressources naturelles, entre les régions riches en pétrole – l’Est et le Sud – qui rechignent à partager leurs dividendes pétroliers avec les autres régions. Après la chute du dictateur libyen, le pays a mal vécu la disparition d’un pouvoir central fort qui caractérisait la gouvernance de Kadhafi, fondée principalement sur l’allégeance des tribus grâce à l’argent du pétrole. Les nouvelles autorités de Tripoli ne sont pas parvenues à rassembler autour d’elles toutes les parties, d’autant plus qu’elles étaient privées des ressources pétrolières.

Multitudes de milices

Cette situation a entraîné sur le terrain la multiplication de forces locales et tribales représentées par des milices armées en tout genre, comme celles de Misrata, de Syrte ou de Zintan… Le chaos sur place a en outre encouragé les mouvements islamistes à s’implanter en Libye, comme les salafistes ou les djihadistes de l’État islamique. Sans oublier les combattants du maréchal Haftar et les miliciens de la coalition Fajr Libya, proches du gouvernement de Tripoli. Ce cocktail explosif fragilise la situation sécuritaire toujours minée par la violence, entraînant une instabilité politique hasardeuse, qui fait peser un réel risque de partition du pays.

Le morcellement du paysage interne a par ailleurs été aggravé par les ingérences étrangères. Tout a commencé par l’intervention occidentale qui a conduit au renversement de Kadhafi. Les critiques adressées aux Occidentaux pour leur intervention en Libye – certains dénonçant le rôle de l’Otan qui aurait agi au-delà du mandat des Nations unies – ont entraîné la méfiance de la Russie, qui a systématiquement opposé son veto à l’ONU lorsque les Américains ou les Européens ont présenté un projet de résolution concernant le conflit syrien.

Le second  grief fait aux Occidentaux est leur manque de préparation dans la planification de l’après-Kadhafi, avec pour grave conséquence l’échec de la transition politique et d’un système démocratique en Libye, entraînant une désintégration de l’État libyen, livré aux appétits des milices, des djihadistes et des puissances étrangères qui se sont impliquées dans le conflit.

Ingérences extérieures

Le GNA bénéficie du soutien d’Ankara et de Doha. La Turquie s’est activement impliquée dans le conflit, en envoyant surtout des mercenaires syriens combattre aux côtés des forces du GNA. Elle soutient aussi les forces de Tripoli financièrement et leur fournit du matériel militaire. Une implication qui a permis de chasser les combattants du maréchal Haftar lorsqu’ils se trouvaient aux portes de Tripoli à la suite d’une offensive militaire menée l’année dernière. Dans le camp opposé, le maréchal Haftar est soutenu par un front hostile aux Frères musulmans, qui regroupe les Émirats arabes unis, l’Égypte, et surtout la Russie qui a envoyé des mercenaires du groupe Wagner, réputé proche de Vladimir Poutine. Les groupes de l’Est sont également soutenus par des mercenaires soudanais et tchadiens.

À ces clivages s’ajoutent aussi des divisions européennes. La France, en froid avec la Turquie, semble plus proche de Haftar, sans toutefois rompre avec Fayez al-Sarraj. Ce dernier est soutenu discrètement par l’Italie et l’Allemagne. Cette guerre fratricide ne risque pas de se terminer de sitôt, malgré des signes encourageants ces derniers mois. L’accord de cessez-le-feu signé en août dernier semble tenir le coup. Et l’élection d’un nouveau conseil présidentiel sous l’égide de l’ONU lors du Forum du dialogue politique libyen (FDPL) qui s’est tenu à Genève en janvier fait espérer des élections générales prévues en décembre prochain.

C’est sans compter toutefois sur la convoitise des acteurs extérieurs qui veulent voir fructifier leurs engagements en Libye en réalisant des gains politiques ou économiques. Sans oublier les différentes parties prenantes libyennes qui risquent de se braquer, le jour où cet arrangement empiètera sur leurs intérêts ou leurs influences acquis durant toutes ces années. En commémorant cette semaine le dixième anniversaire du soulèvement, les Libyens ne fêteront pas cet événement comme s’il avait été une opportunité pour le pays. Ils devront plutôt prendre conscience de l’échec de la transition politique et démocratique post-Kadhafi, à laquelle aspiraient les manifestants, ce 15 février 2011.


Un Américain retrouve sa famille saoudienne après 40 ans – larmes de joie

Eid Alsoumani et sa famille ont finalement été réunis le 9 mai. Plusieurs d’entre eux rencontraient pour la première fois leur proche de 42 ans. (Photo fournie)
Eid Alsoumani et sa famille ont finalement été réunis le 9 mai. Plusieurs d’entre eux rencontraient pour la première fois leur proche de 42 ans. (Photo fournie)
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  • Eid Alsoumani, aujourd’hui âgé de 42 ans, avait deux ans au moment des faits
  • La mère américaine de son frère aîné a rompu les liens avec la famille pour des raisons qui n’ont pas été révélées au public

DJEDDAH: Quatre décennies de recherches ont finalement conduit à d’émouvantes retrouvailles entre un citoyen américain et sa famille saoudienne, mettant fin à une période douloureuse d’attente qui semblait vouée à l’échec.

Eid Alsoumani, aujourd’hui âgé de 42 ans, avait deux ans au moment des faits. La mère américaine de son frère aîné a rompu les liens avec la famille pour des raisons qui n’ont pas été révélées au public.

Elle avait rencontré Saoud Alsoumani alors qu’il était étudiant aux États-Unis. Ils se sont mariés et ont eu deux fils.

Eid Alsoumani et sa famille ont finalement été réunis le 9 mai. Plusieurs d’entre eux rencontraient pour la première fois leur proche de 42 ans. (Photo fournie)
Eid Alsoumani et sa famille ont finalement été réunis le 9 mai. Plusieurs d’entre eux rencontraient pour la première fois leur proche de 42 ans. (Photo fournie)

Après son retour en Alabama avec les garçons, la mère de Eid a coupé toute communication entre leur père – qui est retourné en Arabie saoudite – et eux.

«Pendant cette période, qui a duré 40 ans, les membres de la famille cherchaient leurs proches par l’intermédiaire de l’ambassade américaine. Ils ont essayé de rechercher la famille à plusieurs reprises, mais aucune piste ne leur a été a bénéfique», déclare Bander Alsoumani, le cousin de Eid.


Le prince héritier d’Arabie saoudite rencontre Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche

Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane (à gauche), a rencontré le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan. (Agence de presse saoudienne/AFP)
Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane (à gauche), a rencontré le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan. (Agence de presse saoudienne/AFP)
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  • Au cours de la réunion, les deux dirigeants ont passé en revue les relations stratégiques entre les deux pays et les moyens de les renforcer dans divers domaines
  • La SPA soutient que les efforts visant à trouver une solution crédible à la question palestinienne ont également été abordés

DHAHRAN: Le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, a rencontré le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, dans la ville orientale de Dhahran, rapporte dimanche l’Agence de presse saoudienne (SPA).

Au cours de la réunion, les deux dirigeants ont passé en revue les relations stratégiques entre les deux pays et les moyens de les renforcer dans divers domaines, indique la SPA.

L’agence soutient que les efforts visant à trouver une solution crédible à la question palestinienne, y compris un cessez-le-feu durable et l’entrée sans entrave de l’aide humanitaire à Gaza, en vue d’une «solution à deux États qui réponde aux aspirations et aux droits légitimes du peuple palestinien», ont également été abordés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Libye: retour au calme près de Tripoli après de violents combats

Ces affrontements déclenchés vendredi soir, s'étaient poursuivis le lendemain à Zawiya, à 45 km à l'ouest de Tripoli (Photo, AFP).
Ces affrontements déclenchés vendredi soir, s'étaient poursuivis le lendemain à Zawiya, à 45 km à l'ouest de Tripoli (Photo, AFP).
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  • Samedi, les écoles de Zawiya n'ont pas ouvert et certaines routes menant à la ville ont été fermées
  • La Libye se remet difficilement des années de guerre et de chaos qui ont suivi la révolte de 2011

TRIPOLI: Les violents affrontements qui ont opposé des groupes armés rivaux à Zawiya, près de la capitale libyenne, ont cessé samedi soir grâce à une médiation tribale, a indiqué dimanche à l'AFP un responsable de cette ville de l'ouest libyen.

Ces affrontements déclenchés vendredi soir, s'étaient poursuivis le lendemain à Zawiya, à 45 km à l'ouest de Tripoli, faisant "un mort et plusieurs blessés ainsi que des dégâts aux habitations et sièges publics", a précisé ce responsable de la Direction de sécurité sous couvert de l'anonymat.

Les violences "ont cessé (samedi) soir, grâce à une médiation des notables et chefs tribaux de la ville", a-t-il ajouté, sans donner de précisions sur  les raisons des affrontements.

Samedi, les écoles de Zawiya n'ont pas ouvert et certaines routes menant à la ville ont été fermées.

Routes fermées 

La Mission des Nations unies en Libye (Manul) avait appelé "à la fin immédiate des hostilités", exhortant les autorités à "assurer la protection et la sécurité des civils", selon un communiqué succinct publié sur X.

La Libye se remet difficilement des années de guerre et de chaos qui ont suivi la révolte de 2011. Elle est divisée entre un gouvernement établi à Tripoli, reconnu par l'ONU, et une administration rivale dans l'est du pays.

Malgré un relatif retour au calme observé depuis quelques années, des affrontements se produisent périodiquement entre la myriade de groupes armés présents dans le pays.

Mi-avril, de brefs affrontements ont opposé des groupes armés influents au coeur de la capitale libyenne.

En août 2023, des combats entre deux puissants groupes armés à Tripoli avaient fait 55 morts.