PARIS: Le Rassemblement national s'est insurgé contre la dissolution du mouvement radical Génération identitaire, l'un de ses viviers de recrutement et une inspiration sur le « localisme », thème nouveau défendu par Marine Le Pen, même si des différences subsistent sur l’immigration et l’islam.
Le parti présidé par Marine Le Pen voit dans la procédure de dissolution du groupe d'extrême droite radicale, qui représente 800 militants et sympathisants, une décision « politique » et « une dangereuse atteinte aux libertés fondamentales » d'association et d'expression, même s'il « ne partage pas toutes les opinions » de GI ni ses « modes d'expression ».
En l'occurrence, à la différence du RN, GI ne s’oppose pas seulement à « l'islamisme », entendu comme l'islam radical, mais à « l'islamisation » de la France et de l'Europe. D’autre part GI prône la « remigration », soit le retour de tous les immigrés dans leur pays d'origine, alors que le RN demande le renvoi chez eux des immigrés en situation irrégulière ou ayant commis des crimes ou délits.
« Le RN admet l’hypothèse de l'assimilation (des immigrés) alors que les identitaires la jugent impossible », explique le spécialiste de l'extrême droite, Jean-Yves Camus.
Le politologue voit aussi une différence sur l’identité européenne, GI considérant « qu'il y a une identité civilisationnelle européenne, notion qui est assez inexistante chez Marine Le Pen », même si cette dernière a évoqué récemment les « nationaux européens » qui seraient les seuls autorisés à circuler dans l'espace Schengen.
« Ecole des cadres »
Ces différences n'empêchent pas Marine Le Pen de prendre la défense de GI : « 63% de Français sont inquiets de l’immigration massive et de ses conséquences : le gouvernement ira-t-il jusqu’à dissoudre 63% des Français ? », a-t-elle demandé sur Twitter dimanche.
La présidente du RN avait rendu « hommage », le 1er mai 2018, aux actions antimigrants menées dans les Alpes par GI, saluant une « belle opération de communication ».
Son parti multiplie les clins d’œil à GI. Le mouvement de jeunesse du FN (devenu RN) a été rebaptisé « Génération Nation », et la campagne du RN contre le Pacte européen sur la migration a été lancée sur le mot d'ordre « Save Europe », proche du slogan « Defend Europe » de GI dans les Alpes et les Pyrénées.
Les Identitaires (ex Bloc identitaire), dont GI fut jusqu'en 2016 la branche jeunesse avant de prendre son autonomie, a d'abord été un parti politique concurrent du FN. Puis il a cessé de se présenter aux élections et appelé à voter FN, avec une cinquantaine de candidats sur les listes du FN aux municipales de 2014.
Des cadres identitaires intègrent alors le FN tandis que GI choisit de faire « du Greenpeace de droite », selon sa porte-parole Thaïs Descufon, qui se présente sur le réseau Télégram avec le hashtag #whitelivesmatter (« les vies des Blancs comptent »).
Localisme
« GI oscille entre école des cadres du RN et mouvement transnational d'agit-prop jouant le rôle d'avant-garde », selon l'historien Nicolas Lebourg.
Pour Jean-Yves Camus, « les opérations de GI sont tout bénéfice pour le RN » car la « dédiabolisation » du parti « passe par le fait que les jeunes ne fassent plus assaut de radicalité » comme dans les années 1980 et 1990.
Mais en dépit des réticences de Marine Le Pen à intégrer des identitaires, un ancien responsable du Bloc, Philippe Vardon, est promu en 2018 au Bureau national du RN (direction élargie). Et l'ancien cadre de GI, Damien Rieu, devient en 2019 assistant parlementaire du principal conseiller de Marine Le Pen, l'eurodéputé Philippe Olivier.
Eric Cattelin-Denu, élu conseiller municipal RN à Lille en 2020, est l'avocat d'un des jeunes identitaires condamnés en décembre dernier, notamment pour une agression à caractère raciste.
Il y a en outre une « vraie proximité » idéologique entre le RN et GI sur le localisme et les circuits courts, note Camus. Ce thème faisait déjà l'objet d'un colloque des Identitaires en 2010, où intervenait Hervé Juvin, élu depuis eurodéputé du RN et devenu le chantre d'une écologie civilisationnelle.
Juvin a créé fin décembre le Mouvement localiste, salué en « partenaire » par Marine Le Pen, qui pourrait jouer un rôle dans sa campagne présidentielle.