PARIS : La France peut-elle passer l'hiver sans confinement ? Les indicateurs de l'épidémie de Covid-19 sont stables, voire en légère baisse, mais la propagation des variants du coronavirus fait toujours planer la menace d'une aggravation de la situation, avertissent des médecins et des épidémiologistes.
«Il existe bien un chemin pour éviter le reconfinement (...) il n'est pas large mais il existe», a réaffirmé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, à l'issue du Conseil des ministres et du Conseil de défense sanitaire réunis autour du chef de l'Etat.
Les chiffres semblent confirmer jour après jour que la circulation du coronavirus n'explose pas. 135 190 personnes ont été testées positives la semaine dernière de lundi à samedi, contre 140 445 la semaine précédente, qui était déjà stable. Mardi, le taux de positivité (le pourcentage de cas détectés de Covid sur la totalité des tests) s'établissait à 6,3%, en baisse continue depuis le 28 janvier (7,1%).
Mais la propagation des variants du coronavirus, qui ont d'abord circulé au Royaume-Uni, en Afrique du sud et au Brésil, fait toujours peser une menace. Ces derniers jours, des cas de variant sud-africain ont été détectés dans plusieurs établissements scolaires, à Eaubonne (Val d'Oise), Colmar, Mulhouse (Haut-Rhin) ou aux Sables-d'Olonne (Vendée), entraînant des fermetures de classes temporaires.
Le virologue Bruno Lina, membre du conseil scientifique chargé d'éclairer le gouvernement, a confirmé mercredi sur France Inter que le variant anglais, qui s'avère plus contagieux, se situe aux alentours de 30 à 35% des cas en Ile-de-France.
«Bombe nucléaire»
Mais «pour l'instant, on a l'impression d'un certain freinage de ce virus, même s'il deviendra majoritaire», «quelque part entre le 1er et le 15 mars», a relevé le scientifique, chargé de suivre l'évolution de ces nouvelles formes.
Selon cette hypothèse, ce variant progresserait moins vite en France qu'au Portugal ou au Royaume-Uni, parce que des restrictions sanitaires, comme la fermeture des bars, restaurants et lieux culturels, puis le couvre-feu à 18H00, étaient déjà en cours pour ralentir sa progression. Le gouvernement compte aussi sur les vacances scolaires, qui ont démarré lundi sur une partie de la France et vont se dérouler jusqu'au 8 mars, pour que l'épidémie reste maîtrisée.
«Tout l'enjeu est de voir si l'équilibre, même fragile, peut être maintenu», a ajouté Bruno Lina, comparant le confinement à une «bombe nucléaire», «une arme extrêmement efficace mais avec des conséquences terribles».
Après avoir renoncé in extremis à y recourir fin janvier, le gouvernement s'accroche à sa promesse de tout faire pour éviter un troisième confinement.
Une gageure selon des médecins et épidémiologistes. «Il ne faut plus avoir peur d'un confinement total, à condition qu'il soit de courte durée», estime dans une tribune au Monde le directeur médical de crise de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Bruno Riou, en soulignant que «de mi-décembre 2020 à début février, malgré les mesures restrictives prises, l'épidémie a continué à prendre de l'ampleur» et que ce scenario ne satisfait ni les médecins, ni les restaurateurs, ni les étudiants, ni les économistes.
Pas de Carnaval à Nice
Victime des restrictions, le Carnaval de Nice, temps fort touristique de la Côté d'Azur, n'aura pas lieu samedi.
Le secteur de l'interim a aussi fait les frais de la crise sanitaire, avec un recul de 23,6% du travail temporaire en 2020, soit près de 185 000 emplois intérimaires en équivalent temps plein, selon le baromètre de la fédération du secteur, Prism'emploi, publié mercredi. L'Insee estimait récemment le nombre total d'emplois détruits dans le privé à 360 000 en 2020, dont 40 000 dans l'intérim.
Mais dans les hôpitaux, «nous n'avons pas de réserves», s'est alarmé sur BFM-TV Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Tenon à Paris.
La situation y est en effet tendue, avec environ 27 600 patients diagnostiqués Covid-19, pas loin des pics de la première et de la seconde vagues épidémiques (33 000 à l'automne, 32 000 au printemps), un niveau qui met les équipes soignantes à flux tendu. Plus de 3 300 malades se trouvaient en réanimation mardi, moins que les plus hauts de la première et de la deuxième vagues (7 000 et 4 900).
Conséquence de la hausse des entrées à l'hôpital en janvier, le rythme des décès reste aussi élevé, à 450 par jour en février, et la barre des 80.000 morts a été dépassé mardi, sur un total de 500 000 dans l'Union européenne.
«On est au début d'une courbe exponentielle. Les modèles prédisent une explosion pendant la première quinzaine de mars. Si l'on a vraiment un variant britannique dominant qui est 50% plus transmissible», les «nombres de cas et d'hospitalisations (...) seront bien au-dessus de ceux de l'année dernière lorsqu'on est monté à 7 000 patients en réanimation», assure l'épidémiologiste Dominique Costagliola dans L'Obs, parlant de «prévisions (...) assez apocalyptiques».
Pour cette chercheuse de l'Inserm, qui aurait «profité du mois de février, pendant lequel chaque zone géographique a deux semaines de vacances, pour confiner tout le monde pendant quatre semaines», «on peut seulement retarder l'échéance. En espérant qu'un grand nombre de personnes soient vaccinées d'ici-là».
Selon les derniers chiffres de la Direction générale de la Santé mardi, 1 986 617 personnes ont reçu au moins une première dose de vaccin et parmi elles, 366 733 personnes ont été vaccinées avec les deux doses.