PARIS: Des remontées mécaniques fermées, des voyages hors de l'Union européenne interdits, et la crainte d'un reconfinement : à quelques jours du début des vacances d'hiver, les taux de réservation sont au plus bas. Seul espoir pour le tourisme, d'éventuels départs de dernière minute.
« Les vacances de février vont être confinées à la maison », annonce Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage (EDV).
En temps normal, près de 3 millions de Français font leurs valises. Ils seront « certainement moins de 100 000 » cette année, selon lui.
Conséquence : Didier Arino, directeur du cabinet spécialisé Protourisme, estime que le manque à gagner du secteur du tourisme atteindra « 15 à 20 milliards d'euros » à la fin du mois de février.
Victime de la crise sanitaire qui la prive de ses remontées mécaniques, la montagne, star des vacances d'hiver, peine à attirer les visiteurs.
A Serre-Chevalier (Hautes-Alpes), le taux de réservation plafonne à 20%, alors qu'il atteint habituellement 80% à cette saison, selon David Chabanal, directeur de l'office de tourisme, qui évoque « un paysage commercial figé, sans nouvelles réservations ».
Dans l'hôtel quatre étoiles des Grandes Rousses, à l'Alpe d'Huez (Isère), la propriétaire Patricia Grelot-Collomb se dit « minée par l'incertitude » : « on ne sait pas de combien de salariés on aura besoin, ni combien de clients on aura ».
Bien que le gouvernement ait affirmé lundi qu'il n'y avait « à cette date, pas de restriction » pour se rendre dans les stations de ski pendant les vacances scolaires, elle sent une réticence des clients, qui craignent un reconfinement.
Depuis l'annonce de la fermeture des remontées mécaniques en février, son taux de remplissage est tombé de 45% à 20%.
Dans la chic station savoyarde de Courchevel, le niveau de réservation est similaire. « 90% des hôtels sont fermés » et les commerces ont réalisé « 5% de leur chiffre d'affaires habituel », précise Gilles Delaruelle, directeur général de Courchevel Tourisme.
« Pour vous donner une image, c'est un peu comme un parc d'attractions fermé », ajoute-t-il.
« Tout s'est écroulé »
Sans surprise, les départs à l'étranger s'effondrent. Dans les agences de voyages, depuis l'annonce de la fermeture des frontières aux pays extérieurs à l'Union européenne le 29 janvier, chaque jour apporte son lot d'annulations.
« On avait pris beaucoup de réservations en janvier, mais tout s'est écroulé, nous sommes des magasins sans marchandise », déplore Laurent Abitbol, président du groupe Marietton (Havas Voyages, Selectour). Le mois de février représente normalement près de 700 millions de chiffre d'affaires, qui seront amputés de 90% cette année.
Pour autant, les régions françaises ne semblent pas profiter d'un report des voyageurs.
Selon une étude de PAP Vacances, les réservations reculent de 58,4% par rapport à l'année dernière, avec une chute plus sévère pour la montagne (-66,9%), mais qui ne profite ni à la mer, ni à la campagne, toutes deux en baisse d'environ 26%.
A Paris, les réservations sont en chute libre : -95% par rapport à l'année dernière.
« Quelques hôtels fonctionnent, à environ 50% de fréquentation, grâce au tourisme de proximité, mais les gens ne restent qu'une nuit », explique Corinne Ménégaux, directrice générale de l'Office du tourisme.
Du côté de Nice, privée de son carnaval, c’est l’attente : « tout le monde hésite, une bonne partie des hôtels sont fermés », observe l'office de tourisme.
Le taux de réservation hôtelière sur la Côte d'Azur sur février est à 3% au lieu de 21% habituellement, selon une étude qui reste à affiner du Comité Régional de Tourisme (CRT) local.
« Les gens sont dans une décision de dernière minute, en fonction de la situation sanitaire », explique François de Canson, président du CRT de la région PACA.
Sur les côtes du Calvados, l'hôtelier Carl Engstrom dit n'avoir « aucune réservation » pour l'instant, mais espère lui aussi louer son gîte pour des séjours improvisés.
Quant aux chambres d'hôtes qu'il propose à proximité, il ne se fait pas d'illusions : « comme il n'y a pas de restaurants, ni de musées, à mon avis c'est foutu ».