PARIS: la lutte contre les féminicides commencerait-elle à donner de premiers résultats ? Le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex est en baisse en 2020 après une forte augmentation l'année précédente, mais il est "trop tôt" pour y voir une tendance durable, soulignent les associations.
Cécile, tuée en décembre près de Paris par son ex-mari, malgré le dépôt de dizaines de plaintes. Vanessa, abattue en mars devant ses deux filles par son concubin dont elle était en train de se séparer. Sandy, mère de quatre enfants, brûlée vive en novembre dans une voiture par son compagnon.
L'actualité ces derniers mois a été marquée par des cas retentissants de meurtres de femmes dans un cadre conjugal.
Stade ultime des violences subies par plus de 200.000 femmes par an, les féminicides ont connu une forte augmentation en 2019, avec 146 décès recensés, soit 25 de plus qu'en 2018. Selon les éléments réunis par l'AFP, leur nombre ne devrait cependant pas dépasser une centaine en 2020, une première depuis 2006, année où le gouvernement a commencé à les recenser.
D'après un décompte établi par l'AFP, au moins 88 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon en 2020, soit une baisse d'environ 40% par rapport à 2019.
Ce bilan provisoire pourrait cependant compter quelques cas de plus, certaines affaires restant en suspens par manque d'éléments, d'autres n'ayant pas été dévoilées par les autorités.
En 2019 et 2020, l'AFP a mobilisé ses journalistes à travers la France pour étudier en détail auprès des autorités (police, gendarmerie, parquets...) les cas de féminicides soupçonnés à partir du décompte associatif du collectif "Féminicides par compagnon ou ex".
"Accélération"
Ce collectif, qui recense depuis plusieurs années dans la presse locale chaque nouveau cas présumé, a dénombré 100 cas en 2020 (contre 152 en 2019).
Conformément à ses standards de vérification, l'AFP a écarté une dizaine d'affaires car l'autopsie a révélé une mort naturelle, l'enquête a montré que la femme et son meurtrier n'avaient jamais eu de relation intime, ou le couple avait annoncé dans une lettre commune son intention de mourir ensemble.
Sollicité par l'AFP, le ministère de la Justice a confirmé une "baisse substantielle" des féminicides en 2020 par rapport à 2019, sans dévoiler de chiffre.
Signe que ce fléau est devenu majeur dans la société, la Chancellerie a demandé pour la première fois l'an passé des "remontées systématiques d'informations" aux parquets généraux pour chaque homicide conjugal, afin d'avoir "un suivi plus précis" de ces meurtres et "évaluer l'impact des mesures du Grenelle".
Après une forte mobilisation associative, un "Grenelle" pour lutter contre les violences conjugales avaient abouti fin 2019 à une quarantaine de mesures, parmi lesquelles le déploiement de bracelets anti-rapprochement pour les conjoints ou ex-conjoints violents ou des "retours d'expérience" (retex) entre professionnels concernés après chaque féminicide.
En 2020, "beaucoup de dispositifs ont été mis en place ou ont connu une accélération", a plaidé la Chancellerie, évoquant les bracelets (17 prononcés dont 8 actifs au 18 janvier) ou le téléphone grand danger (1.200 distribués fin 2020).
Confinement
Les associations en attendent davantage, demandant par exemple que la mesure qui permet de réquisitionner les armes à feu d'un conjoint violent dès la première plainte soit réellement appliquée. Les meurtres par arme à feu représentant près d'un tiers des féminicides.
L'épidémie de coronavirus et ses périodes de confinement ont aussi mis en lumière l'importance des violences subies par les femmes et les enfants à leur domicile, faisant bondir les signalements de ces faits. Selon les données de l'AFP, les féminicides n'ont pas particulièrement baissé pendant les confinements.
Pendant le confinement, "il y a eu un discours politique fort contre les violences intrafamiliales, les forces de l'ordre se déplaçaient systématiquement et les dossiers passaient en priorité dans les tribunaux", évoque Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, estimant que ces mesures provisoires ont permis de "sauver des vies".
Il est "trop tôt pour acter une tendance à la baisse car ça peut remonter l'année prochaine", a réagi la cofondatrice de #Noustoutes Caroline De Haas, estimant qu'avec "encore près de 100 mortes, on ne peut pas se satisfaire".