PARIS: Après des mois de tractations, l'Union européenne dévoile mardi ses propositions pour accélérer les expulsions d'étrangers en situation irrégulière, en offrant en particulier un cadre légal à la création de centres pour migrants en dehors de ses frontières.
Sous pression pour durcir sa politique migratoire, la Commission européenne doit présenter ses propositions en début d'après-midi, dont celle concernant des "hubs de retours", réclamée avec force par certains Etats membres mais très critiquée par les ONG.
Actuellement, moins de 20% des décisions d'expulsion sont suivies d'effets au sein de l'UE. Lors d'un sommet à Bruxelles à l'automne, les 27 Etats membres avaient exigé "en urgence" une loi pour les faciliter.
Selon un texte consulté par l'AFP, la proposition de la Commission prévoit donc:
- Un dispositif permettant aux Etats membres d'ouvrir des centres pour migrants dans des pays en dehors de l'UE. Avec l'idée d'y envoyer des personnes dont la demande d'asile aurait été rejetée et faisant face à une obligation de quitter le territoire: les fameux "hubs des retours". La Commission ne prévoit pas d'ouvrir elle-même des centres, laissant cette faculté aux Etats membres. Et exige que ceux-ci respectent le droit international.
- Des règles et sanctions plus strictes pour les déboutés d'asile refusant de quitter le territoire européen. Notamment: des détentions prolongées, des confiscations de documents d'identité et des interdictions d'entrée sur le territoire.
- Une reconnaissance mutuelle des décisions prises par tel ou tel Etat membre, l'idée étant qu'une décision prise en Autriche puisse s'appliquer en Espagne.
Ribambelle de questions
Ces mesures "redonneront aux gens le sentiment que nous avons un contrôle sur ce qui se passe en Europe", a assuré Magnus Brunner, le commissaire à l'origine du texte.
"Sur toutes les questions d'asile on voit bien l'impatience des Etats membres" pour des propositions fortes de Bruxelles, affirme Camille Le Coz, directrice associée au centre de réflexion Migration Policy Institute Europe.
Elle note qu'une ribambelle de questions subsistent toutefois autour de cette proposition. Et tout particulièrement en ce qui concerne l'administration de hubs de retours.
"Personne ne sait exactement comment ça va être mis en place. Qui va les financer? Est-ce qu'il y aura de l'argent européen, avec quel pays, pour quel profil", énumère l'experte, soulignant qu'il est peu probable que l'on assiste, dans les faits, à une multiplication de ces centres.
Pour entrer en vigueur, cette proposition devra être approuvée par le Parlement européen et les Etats membres de l'UE. Or le sujet est hautement sensible, tant sur le plan politique, que juridique, provoquant des désaccords parmi les Vingt-Sept.
Les pays scandinaves poussent
L'Espagne rejette ce projet depuis le début, craignant qu'il ne respecte pas les droits humains.
Les pays scandinaves et les Pays-Bas poussent au contraire pour la création de ces hubs, espérant même pouvoir lancer des initiatives très prochainement.
"Nous avons essayé d'autres systèmes durant des années, ils ne fonctionnent pas", justifie Johan Forssell, le ministre suédois des Migrations, à l'AFP.
La France est quant à elle restée plutôt en retrait des discussions, tant le sujet est épineux, notamment aux yeux d'une partie de la société civile.
Les ONG de protection des exilés sont vent debout contre le texte.
Le risque est que "davantage de personnes soient enfermées dans des centres de détention à travers l'Europe, que des familles soient séparées et que des personnes soient envoyées dans des pays qu'elles ne connaissent même pas", fustige Silvia Carta, de l'organisation PICUM.
Ces appels pour un durcissement des règles migratoires européennes interviennent au moment où que le nombre de passages clandestins aux frontières de l'UE a considérablement diminué.
En 2024, il a atteint le niveau le plus bas depuis 2021, lorsque les flux migratoires étaient encore perturbés par le Covid, selon les données de Frontex.