Le Mexique ferme face aux droits de douane de Trump menaçant son économie

Des camions conduisent pour traverser vers les États-Unis au port commercial d'Otay à Tijuana, dans l'État de Basse-Californie, au Mexique, le 31 janvier 2025. (Photo by Guillermo Arias / AFP)
Des camions conduisent pour traverser vers les États-Unis au port commercial d'Otay à Tijuana, dans l'État de Basse-Californie, au Mexique, le 31 janvier 2025. (Photo by Guillermo Arias / AFP)
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Publié le Dimanche 02 février 2025

Le Mexique ferme face aux droits de douane de Trump menaçant son économie

  • La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a immédiatement annoncé « des mesures tarifaires et non tarifaires en défense des intérêts du Mexique », dont 83 % des exportations sont destinées au voisin américain (automobiles, ordinateurs, produits agricoles)
  • Le Mexique enregistre de forts excédents dans son commerce avec les États-Unis, ce qui a conduit M. Trump à affirmer que son pays « subventionnait le Mexique ».

MEXICO : Le Mexique, à l'instar du Canada, a répondu par la fermeté samedi aux droits de douane de 25 % imposés par le président américain Donald Trump, qui menacent ses exportations, sa croissance et sa monnaie, selon les analystes.

La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a immédiatement annoncé « des mesures tarifaires et non tarifaires en défense des intérêts du Mexique », dont 83 % des exportations sont destinées au voisin américain (automobiles, ordinateurs, produits agricoles).

Le Mexique enregistre de forts excédents dans son commerce avec les États-Unis, ce qui a conduit M. Trump à affirmer que son pays « subventionnait le Mexique ».

La présidente de gauche nationaliste n'a cependant pas détaillé ces « mesures tarifaires » ni donné de calendrier, à la différence du Premier ministre canadien Justin Trudeau avec qui elle s'est entretenue samedi.

Mme Sheinbaum a proposé à son homologue américain « un groupe de travail avec nos meilleures équipes de sécurité et de santé publique » pour traiter des questions relatives au trafic de drogue et à la migration.

Le laxisme présumé du Mexique et du Canada sur ces questions est le prétexte du président américain pour imposer des barrières douanières à ses deux partenaires de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA, ou ACEUM en anglais), traité en vigueur depuis 2020.

M. Trump a même accusé le gouvernement mexicain de faire alliance avec les cartels de la drogue. Une « calomnie », a balayé Claudia Sheinbaum.

La décision de Donald Trump constitue « une flagrante violation de l'ACEUM, que nous avons négocié avec le président Trump lui-même », a réagi le secrétaire à l'Économie Marcelo Ebrard, se déclarant « fier du sang-froid et de la fermeté » de Mme Sheinbaum.

- Menace de récession -

La taxation à 25 % des importations par les États-Unis « représente une menace directe pour la compétitivité de l'Amérique du Nord et la stabilité économique de notre pays », a déclaré le syndicat patronal Coparmex.

« Les exportations d'automobiles, de pièces détachées, d'ordinateurs, d'appareils électroménagers et de produits agricoles seront sérieusement affectées, ce qui pourrait se traduire par un ralentissement économique sévère », alors que l'économie mexicaine montrait déjà « des signes importants de faiblesse », ajoute la Coparmex.

La 12^e économie mondiale, l'économie mexicaine a crû de 1,3 % en 2024, mais a reculé au dernier trimestre.

Selon les prévisions de l'agence de notation Standard & Poor's, les droits de douane imposés par Donald Trump vont entraîner le Mexique vers la récession.

Ces barrières douanières pénaliseront principalement les secteurs de l'automobile et de l'électronique, qui exportent 50 % de leur production vers les États-Unis, d'après le cabinet de conseil britannique Capital Economics.

Emblématique de l'ACEUM, l'industrie automobile a exporté pour 36 milliards de dollars de produits vers les États-Unis en 2023. Elle représente 5 % du PIB mexicain et génère un million d'emplois, ajoute le cabinet.

Le gouvernement mexicain a prévenu dès vendredi que les consommateurs américains seraient aussi touchés, avec « des prix plus élevés, une moindre disponibilité des produits et des perturbations potentielles dans les chaînes d'approvisionnement ».

En taxant leurs principaux fournisseurs, les États-Unis vont inévitablement « faire monter les prix » chez eux, avertit Gregory Daco, chef économiste d'EY, qui pronostique une inflation de 0,6 % au premier trimestre de cette année.

Capital Economics souligne que les pièces automobiles deviendront plus chères, affectant directement le portefeuille des Américains.

Leur renchérissement « serait partiellement contrebalancé par une dépréciation » du peso qui rendrait « les exportations mexicaines plus compétitives », précise Ramsé Gutiérrez, codirecteur des investissements chez Franklin Templeton Mexique.

En même temps, cette dépréciation « rendrait les importations plus coûteuses, entraînant ainsi une hausse des prix des biens de consommation et des matières premières au Mexique », ajoute-t-il.

D'après l'agence américaine de gestion des routes (NHTSA), une voiture assemblée et vendue aux États-Unis possède 25 % de composants mexicains.

Pour Kenneth Smith, ancien fonctionnaire mexicain qui a dirigé la renégociation de l'ACEUM (exigée par Trump) en 2020, les tarifs douaniers sont l'outil du milliardaire pour obtenir des résultats en matière de migration ou de sécurité.

Trump se vante d'avoir obtenu « tout ce qu'il voulait » en matière migratoire avec l'ancien président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador pendant son premier mandat (2017-2021), grâce à la menace tarifaire.


Marco Rubio se trouve au Panama pour discuter des revendications de Trump concernant le canal

Cchef de la diplomatie américaine, Marco Rubio (Photo AFP)
Cchef de la diplomatie américaine, Marco Rubio (Photo AFP)
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  • Le nouveau chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, est arrivé samedi au Panama où il compte défendre les intérêts des États-Unis, et en premier lieu les revendications de Donald Trump concernant le canal de Panama.
  • Sa visite a aussi commencé le jour même où le président américain a imposé des droits de douane contre le Mexique, le Canada et la Chine, provoquant une réponse cinglante de la part de Mexico, qu'il a accusé de liens avec le narcotrafic.

PANAMA : Le nouveau chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, est arrivé samedi au Panama où il compte défendre les intérêts des États-Unis, et en premier lieu les revendications de Donald Trump concernant le canal de Panama.

L'immigration, priorité absolue de la Maison Blanche, sera au cœur de la tournée entamée par le secrétaire d'État américain. Après le Panama, il se rendra ensuite au Salvador, au Guatemala, au Costa Rica et en République dominicaine.

Sa visite a aussi commencé le jour même où le président américain a imposé des droits de douane contre le Mexique, le Canada et la Chine, provoquant une réponse cinglante de la part de Mexico, qu'il a accusé de liens avec le narcotrafic.

Mais le sujet principal de sa première étape est le tollé provoqué dès le jour de son investiture, le 20 janvier, par Donald Trump qui a déclaré vouloir « reprendre » le contrôle du canal de Panama, un carrefour maritime stratégique pour le commerce mondial.

Construite par les États-Unis et inaugurée en 1914, cette voie navigable entre l'Atlantique et le Pacifique a été transférée au Panama en 1999.

Il en a remis une couche vendredi. « Ils ont déjà proposé de faire beaucoup de choses, mais nous pensons qu'il est approprié que nous le reprenions », a-t-il déclaré à la presse.

M. Trump, qui se plaint d'une concurrence déloyale en ce qui concerne le transit des navires américains, a souligné que le Panama avait enlevé les panneaux en chinois pour dissimuler le fait qu'il avait « totalement violé l'accord » sur le canal.

- Sujets « communs » -

Pendant sa visite, Marco Rubio se rendra le long de l'axe stratégique et sera reçu dimanche par le président José Raúl Mulino, a indiqué un haut responsable américain.

Les autorités panaméennes ont déjà prévenu qu'il n'y avait rien à négocier.

« En ce qui concerne le canal, c'est impossible, je ne peux pas négocier, et encore moins ouvrir un processus de négociation sur le canal, c'est scellé, le canal appartient au Panama », a déclaré jeudi José Raúl Mulino.

Il a toutefois affirmé qu'il existait des sujets « communs » comme la crise migratoire, la lutte contre le narcotrafic, le crime organisé et le blanchiment d'argent qui peuvent être abordés avec les États-Unis.

« Je pense que le président a été très clair sur sa volonté d'administrer à nouveau le canal. Il est évident que les Panaméens ne sont pas très favorables à cette idée », a déclaré Marco Rubio jeudi sur la radio SiriusXM, évoquant une « menace directe » de la Chine pour les États-Unis.

« Si, lors d'un conflit, le gouvernement chinois leur dit de fermer le canal de Panama, ils n'auront d'autre choix que de s'y soumettre. C'est une menace directe », a-t-il insisté.

- « Nouvelle ère » -

Reste à voir comment Marco Rubio mettra en œuvre la promesse de Donald Trump.

Le choix de l'Amérique centrale pour son premier déplacement ne doit rien au hasard pour ce fils d'immigrés cubains.

« Qu'il s'agisse des migrations, de la sécurité ou du commerce, aucune autre région du monde n'a autant d'impact sur la vie quotidienne des Américains que le continent américain », a-t-il fait valoir vendredi auprès de journalistes. Mauricio Claver-Carone, chargé de l'Amérique latine au département d'État, ajoutait : Mauricio Claver-Carone.

Donald Trump dénonce régulièrement une « invasion » de migrants venant de ces pays.

Maureen Meyer, du Washington Office on Latin America, une organisation américaine qui promeut les droits humains dans la région, souligne que « chacun de ces pays a un intérêt personnel à entretenir de bonnes relations avec l'administration Trump ».

La Colombie peut en témoigner. Le président Trump a brandi dimanche dernier l'arme douanière contre Bogota pour avoir refoulé des migrants expulsés par les États-Unis, obtenant finalement gain de cause.

 


La Chine a promis de répliquer aux droits de douane américains

La Chine a promis dimanche de répliquer aux nouveaux droits de douanes américains sur ses produits officialisés par Donald Trump (Photo iStock)
La Chine a promis dimanche de répliquer aux nouveaux droits de douanes américains sur ses produits officialisés par Donald Trump (Photo iStock)
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  • La Chine a promis de répliquer dimanche aux nouveaux droits de douane américains sur ses produits, officialisés par Donald Trump, en réaffirmant que les guerres commerciales ne faisaient « pas de vainqueurs ».
  • Le commerce sino-américain a représenté environ 500 milliards d'euros sur les 11 premiers mois de 2024, mais la balance est largement en défaveur des États-Unis, avec un déficit de quelque 260 milliards d'euros.

PEKIN : La Chine a promis de répliquer dimanche aux nouveaux droits de douane américains sur ses produits, officialisés par Donald Trump, en réaffirmant que les guerres commerciales ne faisaient « pas de vainqueurs ».

Le président républicain a imposé, la veille, 10 % de taxes supplémentaires sur les biens provenant du deuxième plus important partenaire des États-Unis, derrière le Mexique.

Le commerce sino-américain a représenté environ 500 milliards d'euros sur les 11 premiers mois de 2024, mais la balance est largement en défaveur des États-Unis, avec un déficit de quelque 260 milliards d'euros sur la période, selon les chiffres de Washington.

« La Chine est vivement mécontente et s'oppose fermement » à ce relèvement, a fustigé le ministère du Commerce dans un communiqué, en annonçant des mesures « correspondantes pour protéger résolument » les « droits et intérêts » chinois.

« Il n'y a pas de vainqueurs dans une guerre commerciale ou une guerre de droits de douane », a assuré le ministère des Affaires étrangères dans un autre communiqué.

Pékin a annoncé son intention de porter plainte contre Washington auprès de l'Organisation mondiale du commerce pour ce qu'il a qualifié d'"imposition unilatérale de droits de douane, une violation sérieuse des règles de l'OMC ».

Ces taxes « ne servent pas seulement à résoudre les problèmes des États-Unis ; elles sapent aussi une coopération économique et commerciale normale », a dénoncé le ministère du Commerce.

« La Chine espère que les États-Unis regarderont objectivement et raisonnablement leurs problèmes tels que le fentanyl, au lieu de menacer sans cesse d'autres pays par des droits de douane », a-t-il poursuivi.

Pékin « exhorte les États-Unis à corriger leurs pratiques erronées, à faire face à leurs problèmes, à avoir des discussions franches, à renforcer la coopération et à gérer les différences sur la base de l'égalité, du bénéfice et du respect mutuels », toujours selon le communiqué du ministère.


Le Canada imposera des droits de douane en représailles aux États-Unis dès mardi

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'exprime lors d'une conférence de presse tenue le 1er février 2025 sur la colline du Parlement à Ottawa, au Canada. (Photo par Dave Chan / AFP)
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau s'exprime lors d'une conférence de presse tenue le 1er février 2025 sur la colline du Parlement à Ottawa, au Canada. (Photo par Dave Chan / AFP)
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  • Le Canada va mettre en place des droits de douane sur les produits américains en représailles à ceux annoncés précédemment par le président américain, a déclaré le Premier ministre canadien Justin Trudeau.
  • Cette annonce vise à répondre à Donald Trump qui a mis sa menace de guerre commerciale à exécution en imposant 25 % de droits de douane sur les produits provenant du Canada et du Mexique, ainsi que 10 % supplémentaires sur les produits chinois.

OTTAWA : Le Canada va mettre en place des droits de douane sur les produits américains en représailles à ceux annoncés précédemment par le président américain, a déclaré le Premier ministre canadien Justin Trudeau samedi, dans un discours au ton grave.

Le Canada « imposera des droits de douane de 25 % sur des produits américains pour un total de 155 milliards de dollars canadiens » (102 milliards d'euros), a-t-il annoncé. Cela représente un cinquième des importations américaines annuelles au Canada.

Dès mardi, ces droits de douane seront appliqués à 30 milliards de dollars de marchandises.

Les droits de douane toucheront « des produits de consommation courante tels que la bière, le vin et le bourbon américain, les fruits et les jus de fruits », a précisé le Premier ministre.

Elle inclut également « les légumes, les parfums, les vêtements et les chaussures, les produits de consommation courante tels que les appareils ménagers, les meubles et les équipements sportifs, les matériaux tels que le bois de construction et les plastiques... ».

Cette annonce vise à répondre à Donald Trump qui a mis sa menace de guerre commerciale à exécution en imposant 25 % de droits de douane sur les produits provenant du Canada et du Mexique, ainsi que 10 % supplémentaires sur les produits chinois déjà soumis à des droits de douane.

« Si le président Trump veut faire entrer les États-Unis dans une nouvelle ère de grandeur, la meilleure façon d'y parvenir est de s'associer avec le Canada, et non de nous punir », a déclaré le chef du gouvernement canadien samedi lors d'une conférence de presse au ton très dramatique.

Il a rappelé que le Canada avait toujours été aux côtés des États-Unis dans les « heures les plus sombres », de la crise des otages en Iran à la guerre en Afghanistan, en passant par des catastrophes naturelles meurtrières telles que l'ouragan Katrina et les récents incendies en Californie.

Il a prévenu que les semaines à venir seraient difficiles pour les Canadiens et que les tarifs douaniers décidés par Donald Trump nuiraient également aux Américains.

S'adressant à ces derniers, il a déclaré : « Cela va augmenter les coûts, y compris ceux de la nourriture et de l'essence à la pompe... »

L'annonce de l'imposition de droits de douane par Washington a provoqué un tollé au Canada, où les répercussions économiques seront très fortes. Le Premier ministre de la province de l'Ontario, Doug Ford, a déclaré que le Canada « n'avait pas d'autre choix que de riposter et de riposter fermement ».

Celui de la Colombie-Britannique, David Eby, est allé plus loin en qualifiant cette annonce de « trahison totale du lien historique entre les deux pays ». « Il s'agit d'une déclaration de guerre économique à l'encontre d'un allié et d'un ami de confiance », a-t-il ajouté, qualifiant les décisions de Donald Trump de « caprice d'une seule personne à la Maison Blanche ».

Les menaces de guerre économique avec les États-Unis ont déjà aggravé la crise politique au Canada. Début janvier, après près de dix ans au pouvoir, Justin Trudeau a annoncé sa démission, mais il reste aux manettes en attendant que son parti libéral (centre-gauche) lui trouve un remplaçant.