WASHINGTON : Que ce soit pour réduire l'immigration, lutter contre le trafic de drogue ou protéger les industries américaines, Donald Trump, qui retourne à la Maison Blanche le 20 janvier, dit avoir une réponse : utiliser les droits de douane, quitte à relancer des guerres commerciales.
Avant même son entrée en fonction, le président élu a promis qu'il ferait pression sur les alliés comme sur les adversaires des États-Unis, ou sur des entreprises, afin de s'assurer de pouvoir mettre son programme en place.
Il a déjà menacé le Mexique et le Canada, deux pays pourtant théoriquement protégés par un accord de libre-échange signé durant son premier mandat et qu'il avait alors présenté comme le « meilleur possible ».
L'objectif de ces annonces est de faire pression sur Mexico pour lutter contre le trafic de fentanyl, puissant opiacé de synthèse utilisé dans le milieu médical mais dont l'usage est détourné pour fabriquer des drogues, et de forcer Ottawa à accepter un rééquilibrage des échanges commerciaux.
Il est même allé plus loin, menaçant le Canada d'utiliser « la force économique » et estimant qu'il devrait devenir le 51^e État américain.
Dans le même temps, il a menacé les BRICS (dix pays membres dont le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud) de droits de douane à 100 % s'ils créaient une monnaie commune pouvant rivaliser avec le dollar, alors que cette proposition n'a pourtant jamais été avancée.
Autant d'annonces qui, si elles se concrétisaient, pourraient fortement déstabiliser l'économie mondiale et abîmer durablement les liens entre Washington et ses alliés.
- Hausse des coûts -
Les entreprises américaines se préparent de leur côté à toutes les éventualités, conscientes qu'elles pourraient faire l'objet de représailles de la part de la Chine ou de l'Union européenne, par exemple, si des droits de douane étaient mis en place.
Elles craignent également une hausse des coûts qu'elles devraient immanquablement reporter sur les prix.
« Je ne suis pas contre les droits de douane », notamment quand un pays tire les prix vers le bas, explique Mark Pascal, restaurateur dans le New Jersey (nord-est). Mais son cogérant Francis Schott assure qu'ils craignent tous deux « que des taxes soient imposées sur les vins et spiritueux, alors que c'est un secteur où il n'y a pas du tout de distorsion de concurrence », contrairement à d'autres.
Lors de son premier mandat, Donald Trump avait déjà employé l'arme des droits de douane sur un large éventail de produits chinois, alors qu'il voulait imposer à Pékin un accord pour rééquilibrer la balance commerciale entre les deux puissances.
Il avait également visé le secteur de l'acier et de l'aluminium afin de protéger l'industrie américaine, mais aussi les produits alimentaires européens, alors que Bruxelles et Washington s'attaquaient mutuellement devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour leurs subventions à leur industrie aéronautique.
Pour Joshua Meltzer, chercheur à la Brookings Institution, il ne fait aucun doute que M. Trump utilisera les droits de douane comme outil de négociation.
Mais la Chine a déjà pris les devants et l'UE est bien plus prête à y faire face, estime-t-il, car « tous les gouvernements sont arrivés à la conclusion qu'il valait mieux menacer les États-Unis de représailles plutôt que de se plier à leurs demandes ».
Selon le chef économiste du cabinet EY, Gregory Daco, le risque existe que les droits de douane et les autres mesures prévues poussent l'économie mondiale vers la stagflation, soit une stagnation de la croissance économique avec une inflation élevée.
Parmi ces mesures, M. Trump souhaite déréguler tout en baissant les impôts et expulser des millions d'immigrants entrés illégalement, pourtant essentiels à de nombreux secteurs économiques.
En novembre, Scott Bessent, secrétaire au Trésor désigné, a estimé que les droits de douane n'auraient pas d'effet inflationniste, même s'il reconnaissait « un possible ajustement des prix ».
Toutefois, selon M. Daco, des coûts d'importation plus élevés pourraient entraîner une hausse des prix de 1,2 % pour les consommateurs au bout d'un an.
« À long terme, l'impact sera une contraction de l'économie américaine et une réduction de la valeur de nos salaires », s'inquiète Erica York, de la Tax Foundation, groupe de réflexion basé à Washington.
Selon le Bureau du Congrès pour le budget, une hausse uniforme de 10 % des droits de douane et 50 % supplémentaires sur les produits chinois réduirait le déficit public, mais diminuerait également le PIB réel, c'est-à-dire hors inflation.