LONDRES : Mardi, le cours du gaz européen a d'abord atteint, puis dépassé la barre des 50 euros le mégawattheure, une première depuis plus d'un an. Cette hausse est notamment portée par l'expiration d'un accord de transit entre l'Ukraine et la Russie ainsi que par la venue d'un hiver froid.
Après avoir initialement atteint ce seuil symbolique avant de refluer, le contrat à terme du TTF néerlandais, considéré comme la référence européenne du gaz naturel, a finalement franchi cette barre un peu plus tard dans la séance.
Vers 15 h 35 GMT (16 h 35 à Paris), il gagnait près de 5 %, s'échangeant à 50,430 euros le mégawattheure, son plus haut niveau depuis octobre 2023.
Cette hausse est liée à l'arrêt attendu des flux russes via l'Ukraine, qui n'autorisera plus à partir du 1^(er) janvier le transit de gaz russe en direction des pays européens, comme l'a confirmé mardi l'opérateur ukrainien.
En Europe, certains pays d'Europe centrale et de l'Est, comme l'Autriche, la Hongrie et la Slovaquie, restent très dépendants du gaz russe.
Selon l'Oxford Institute for Energy Studies, cette situation aura pour conséquence une accélération de la chute des réserves européennes et des pressions à la hausse sur les prix du gaz.
Les températures froides enregistrées depuis la fin du mois d'octobre ont déjà favorisé l'utilisation du chauffage, tandis que le manque d'ensoleillement et de vent ont conduit à produire une part plus importante de l'électricité à partir de gaz naturel.
- Réserves plus basses -
Les réserves de gaz sont en moyenne d'environ 73 % dans les pays de l'Union européenne (UE), selon la plateforme européenne Agregated Gas Storage Inventory (AGSI), un taux largement inférieur aux 86 % constatés à la même période en 2023.
Pour y faire face, la Commission européenne a annoncé vendredi 29 novembre que le seuil requis des réserves de gaz de l'Union européenne au 1^(er) février prochain avait été rehaussé de 45 % à 50 %.
Le géant russe Gazprom a également annoncé samedi qu'il cesserait de livrer du gaz à la Moldavie à partir du 1^(er) janvier, à la suite d'un différend financier avec cette ex-république soviétique qui a récemment réélu une présidente pro-européenne.
Les différends commerciaux avec Gazprom sont antérieurs à l’invasion russe de l’Ukraine et concernent la filiale Moldovagaz, détenue à 50 % par le groupe russe.
Par ailleurs, la part croissante du GNL américain, destiné à remplacer le gaz russe acheminé par gazoduc en Europe, a augmenté les coûts du mégawattheure de manière structurelle depuis le début de la guerre en Ukraine.
Depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022, l'UE a réduit son exposition au gaz russe, mais selon Christoph Halser, analyste chez Rystad Energy, cette ressource représentera encore 14 % de sa consommation totale en 2024, soit plus que les 12 % de l’an passé.
- « Plus froid que prévu » -
Dans ce contexte, « un hiver plus froid que prévu ou de nouveaux retards dans les projets de GNL » pourraient, à court terme, mener à des prix autour des 60 euros par mégawattheure, avance Daniela Sabin Hathorn, analyste chez Capital.com.
Le cours subit aussi la pression d'une prime de risque liée à l'escalade de la guerre entre l'Ukraine et la Russie, notamment depuis que Joe Biden a autorisé Kiev à utiliser des missiles américains ATACMS, d'une portée de 300 km, sur le sol russe.
À plus long terme, la présidence de Donald Trump aux États-Unis devrait « accélérer l'expansion des infrastructures américaines de GNL » et « renforcer l'offre mondiale », expliquent les analystes de Rystad Energy.
L'Europe devrait être le principal bénéficiaire de l'arrivée au pouvoir du républicain en ce qui concerne le gaz : la guerre commerciale qui se dessine entre les États-Unis et la Chine pourrait en effet « perturber les flux de GNL entre les deux pays, comme cela a été le cas en 2019 », expliquent les analystes.
Une telle situation impliquerait une concurrence moins importante sur la demande de gaz américain et l'UE pourrait utiliser ses achats de GNL dans le cadre de négociations commerciales avec les États-Unis afin d’éviter des tarifs douaniers punitifs.