BEYROUTH: Le Premier ministre libanais désigné, Nawaf Salam, entamera, mercredi et jeudi, des consultations parlementaires non contraignantes en vue de former son gouvernement, malgré les inquiétudes du Hezbollah qui craint d'en être exclu et les doutes sur la question de la légitimité.
Le Hezbollah et son allié, le mouvement Amal, ont toujours adopté cette approche au cours de leurs périodes au pouvoir pour faire obstruction à tout ce qui ne correspond pas à leurs ambitions politiques.
Mardi, le président Joseph Aoun et M. Salam ont tous deux cherché à rassurer toutes les parties au Liban, bien que la nomination de M. Salam n'ait bénéficié d'aucune voix chiite au Parlement.
Selon un observateur politique, on craint «des obstacles potentiels à la formation du gouvernement et à l'octroi de la confiance du Parlement sous le prétexte d'un 'manque de légitimité', même si le cabinet comprend des personnalités chiites à des postes ministériels qui pourraient ne pas être approuvées».
Mohammed Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, a adopté une position antagoniste après avoir rencontré Aoun lundi, déclarant que favoriser Salam pour le poste de Premier ministre plutôt que Najib Mikati, le Premier ministre intérimaire sortant soutenu par le Hezbollah, est «une tentative de certains d'encourager la division, la fragmentation et l'exclusion».
Il a lancé un avertissement: «Il est de notre droit d'exiger un gouvernement qui respecte le pacte national. Nous suivrons l'évolution de la situation avec sagesse et nous verrons les mesures prises pour expulser Israël du Liban-Sud et garantir le retour des prisonniers.»
En réponse, le président, s'exprimant devant la plus haute autorité religieuse chiite du Liban, le cheikh Ali al-Khatib, vice-président du Conseil suprême islamique chiite, qui lui a rendu visite au palais présidentiel, a souligné qu'«aucun obstacle ne devrait entraver la formation du gouvernement, car nous devons saisir les occasions importantes qui s'offrent à nous. Il n'y a pas de temps à perdre et nous devons envoyer des messages positifs à l'étranger pour montrer que le Liban est capable de s'autogouverner, de se reconstruire dans la transparence et de construire l'État auquel nous aspirons tous».
M. Aoun a souligné que «les chiites ne sont pas les seuls à être menacés; c'est tout le Liban qui est en danger. Si une composante est affaiblie, c'est tout le pays qui est affaibli».
Il a décrit la nomination de M. Salam pour former le gouvernement comme «le résultat d'un processus démocratique qui a abouti à un certain résultat. D'autres phases sont à venir. À certains moments, nous devrons peut-être prendre un peu de recul, mais l'intérêt public reste la priorité».
M. Aoun a déclaré que «toute attaque contre une partie du Liban est une attaque contre le Liban tout entier. Nous insistons sur le retrait israélien et sur le déploiement de l'armée libanaise dans le sud».
Le président a poursuivi: «S'il y avait eu un État et une armée dans le passé, personne n'aurait eu recours à la résistance.»
«La phase actuelle est différente. C'est l'État qui est responsable, et non une seule faction. C'est l'État tout entier et le peuple libanais dans son ensemble qui sont responsables.»
Il a ajouté qu'il n'était «pas admissible qu'un seul groupe porte le fardeau de ce conflit (avec Israël)».
M. Aoun a rappelé la position de l'imam Moussa al-Sadr, qui a plaidé en faveur de la neutralité du Liban dans les conflits, notant que le Liban, compte tenu de sa taille, n'a pas la capacité de s'engager.
Il s'est adressé au cheikh Al-Khatib en disant: «Vous ne pouvez pas vous éloigner des enseignements de l'imam Al-Sadr, sinon vous n'appartiendrez ni au Conseil suprême islamique chiite ni à la communauté chiite. Soyez assuré que personne ne dominera personne, que personne ne laissera personne tomber et que personne ne brisera personne.»
M. Salam est rentré de La Haye lundi en fin de journée, peu après avoir été chargé de former le gouvernement.
Mardi, il a rencontré le président et, pendant une courte période, le président du Parlement, Nabih Berri, s'est joint à la réunion.
Conformément au protocole, M. Salam s'est adressé pour la première fois au peuple libanais depuis le palais présidentiel, faisant part de son «engagement à relever le défi de servir le Liban».
M. Salam a déclaré: «J'ai écouté certaines préoccupations hier. Je ne suis pas de ceux qui excluent ou marginalisent qui que ce soit; au contraire, je prône l'unité et le partenariat national, et mes mains sont tendues à tous pour initier des réformes afin qu'aucun citoyen ne se sente marginalisé.»
Il a ajouté: «Il est temps d'entamer un nouveau chapitre fondé sur la justice, la sécurité, le progrès et les opportunités pour que le Liban soit un pays de personnes libres, égales en droits et en devoirs... œuvrant pour étendre l'autorité de l'État sur tous ses territoires.»
M. Salam a souligné la nécessité pour le gouvernement de «formuler un programme global visant à encourager une économie productive et à garantir des opportunités d'emploi pour les générations futures».
Il a ajouté: «Une partie importante de notre population a encore ses maisons détruites, ainsi que ses institutions, et nous devons reconstruire les villages de la Békaa, du sud et de Beyrouth. La reconstruction n'est pas seulement une promesse, mais un engagement.»
Il a également souligné l'importance de l'exécution de l'accord de Taëf: «Le fondement des réformes attendues depuis longtemps repose sur la prise en compte des dispositions de l'accord de Taëf qui n'ont pas été respectées et sur la rectification de celles qui ont été mises en œuvre.»
M. Salam a appelé à «la mise en place d'une décentralisation administrative étendue, à rendre justice aux victimes de l'explosion du port et à indemniser les déposants qui ont subi des pertes financières».
Il a ajouté: «Je garantirai qu'aucun citoyen n'éprouve un sentiment d'injustice, de marginalisation ou d'exclusion.»
En outre, M. Salam a souligné la nécessité urgente de se concentrer sur «la mise en œuvre complète de la résolution 1701 et des termes de l'accord de cessez-le-feu, le renforcement de l'autorité de l'État sur l'ensemble de ses territoires et le retrait de l'armée israélienne de toutes les régions du Liban».
Le ministère français des Affaires étrangères a félicité M. Salam pour sa nomination, lui souhaitant «le succès dans l'accomplissement de sa mission, en ce moment historique pour le Liban». La France souhaite vivement qu'un gouvernement fort, capable de rassembler le Liban dans sa diversité, puisse être formé dans les meilleurs délais pour mener à bien les réformes indispensables au redressement du Liban et de son État, pour permettre le retour de la prospérité pour le peuple libanais et la restauration de la sécurité et de la souveraineté du Liban sur l'ensemble de son territoire.
«Le Premier ministre libanais pourra compter sur le plein soutien de la France dans ses missions, au profit de tous les Libanais», a ajouté le ministère.
Le grand mufti du Liban, le cheikh Abdul Latif Derian, a déclaré que «faciliter la tâche du Premier ministre désigné pour former un gouvernement national complet composé d'experts et de personnes qualifiées est un devoir national».
Après sa rencontre avec le cheikh Derian, l'ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, Walid al-Bukhari, a déclaré: «Le Royaume sera toujours aux côtés du Liban et de son peuple.»
Il a exprimé sa «satisfaction quant à l'aboutissement des élections présidentielles et des consultations parlementaires, qui favorisent l'unité du peuple libanais et orientent le Liban vers une renaissance tant sur le plan économique que sur celui du développement, afin d'ouvrir la voie au processus de réforme et de restaurer la confiance des communautés arabe et internationale».
Pendant ce temps, les avions de guerre israéliens ont repris leurs incursions dans l'espace aérien libanais, en particulier au-dessus de Beyrouth et de la banlieue sud.
Mardi, l'armée libanaise a effectué un raid sur le complexe Sadiq à Al-Aamroussieh, après avoir reçu des informations faisant état d'armes et de munitions stockées dans le sous-sol. Mais après avoir fouillé la zone – précédemment ciblée par Israël – l'armée n'a trouvé ni armes ni munitions.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com