PARIS: Ambiance de fin de règne en France : la coalition de l'ancien commissaire européen Michel Barnier en sursis a appelé mardi à la responsabilité pour ne pas faire tomber le gouvernement et éviter un "chaos" politique et budgétaire.
Menacé d'un vote de censure mercredi à l'Assemblée nationale, le Premier ministre de centre droit, nommé il y a seulement trois mois, s'adressera à la télévision à 20H00 répondant à des questions de la presse sur deux chaînes de télévision, en direct depuis sa résidence de l'hôtel Matignon.
Lundi, le dirigeant de 73 ans a engagé la responsabilité de l'exécutif en faisant adopter sans vote le budget de la Sécurité sociale, assurant avoir été "au bout du dialogue" avec les groupes politiques et exposant son gouvernement à une motion de censure.
Sauf retournement spectaculaire, la motion a toutes les chances d'être approuvée, la gauche et l'extrême droite avec Marine Le Pen ayant annoncé qu'ils la voteraient. Le débat aura lieu mercredi à 16H00 (15h00 GMT) et le premier résultat est attendu vers 20h00 (19h00 GMT), selon plusieurs sources parlementaires. Pour faire chuter le gouvernement, 288 sur 577 seront nécessaires.
"La chute de Barnier est actée", a affirmé la cheffe des députés de La France Insoumise (LFI), formation de la gauche radicale, Mathilde Panot. Nommé le 5 septembre, il aura tenu trois mois grâce au "soutien sans participation du RN" et, "ce qui le fera tomber, c'est justement que le RN aura cessé de le soutenir", a jugé le député socialiste Arthur Delaporte.
Alors que la France voit son déficit public déraper, Michel Barnier est sous le feu croisé des oppositions qui rejettent les efforts d'austérité demandés en 2025 et accusent, pour la gauche, Emmanuel Macron d'avoir fait trop de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux entreprises.
Michel Barnier a multiplié les concessions pour amadouer l'extrême droite, acceptant par exemple de surseoir au déremboursement des médicaments, mais cela n'a pas suffi.
"Censurer ce budget est, hélas, la seule manière que nous donne la Constitution pour protéger les Français d’un budget dangereux, injuste et punitif", a décrété mardi Marine Le Pen sur X.
Voter la censure, "c'est notre devoir", a estimé mardi l'un de ses principaux lieutenants, le député RN Jean-Philippe Tanguy sur Europe1/Cnews, alors que le manque d'argent public aiguise la contestation dans de nombreux secteurs.
A Lyon (est), pour le deuxième jour consécutif, des blocages routiers ont eu lieu organisés par des taxis en colère contre une baisse de la tarification du transport de malades. A Lille (nord), l'université est restée fermée pour alerter sur la situation financière "intenable" des universités.
Jeudi, une grève des enseignants contre le durcissement des règles en cas d'absence maladie s'annonce très suivie, au moins dans les écoles primaires dont beaucoup devraient rester fermées.
"Risque de chaos"
Mardi matin, les ministres se sont succédé sur les radios et télévisions pour agiter le risque du "chaos". "C'est le pays qu'on met en danger", s'est inquiété le ministre de l'Economie Antoine Armand.
"Le Rassemblement national cherchait surtout un prétexte pour mettre le pays à terre", a fustigé le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, sur RTL. "Est-ce qu'on veut vraiment le chaos ? Est ce qu'on veut une crise économique qui touchera les plus fragiles ?", a lancé sur TF1 le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.
L'adoption par l'Assemblée nationale d'une telle motion serait une première en France depuis 1962. Le gouvernement Barnier deviendrait alors le plus court de l'histoire de la Ve République.
Si l'exécutif tombait, la France s'enfoncerait encore plus dans la crise politique créée par la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron en juin, avec en outre le risque d'entamer la capacité des pouvoirs publics à emprunter sur les marchés à de faibles taux.
La France enregistre cette année un sérieux dérapage de son déficit public par rapport au PIB, à 6,1% attendu en 2024 et ne prévoit de parvenir à respecter à nouveau la règle européenne des 3% qu'en 2029.
Michel Barnier avait initialement proposé 60 milliards d'euros d'effort budgétaire en 2025.
Muet en public sur cette crise qui pourrait l'obliger à se chercher un nouveau Premier ministre, alors qu'il n'a pas de majorité à l'Assemblée, Emmanuel Macron a atterri lundi à Ryad pour une visite d'Etat de trois jours en Arabie saoudite.
Dans un sondage paru lundi, 52% des Français se sont déclarés favorables à sa démission mais surtout préoccupés par leur pouvoir d'achat.