La 107e commémoration de la déclaration Balfour sera beaucoup plus amère cette année

La Grande-Bretagne a abandonné la Palestine dans un état de conflit, préférant fuir un problème plutôt que de le résoudre (AFP)
La Grande-Bretagne a abandonné la Palestine dans un état de conflit, préférant fuir un problème plutôt que de le résoudre (AFP)
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Publié le Mardi 29 octobre 2024

La 107e commémoration de la déclaration Balfour sera beaucoup plus amère cette année

La 107e commémoration de la déclaration Balfour sera beaucoup plus amère cette année
  • Une reconnaissance de la part de la Grande-Bretagne, en tant que puissance coloniale mandataire, aurait un impact assez fort
  • D'autres États pourraient suivre et Starmer pourrait essayer de persuader d'autres puissances, comme la France, de se joindre à lui

Boris Johnson, ancien Premier ministre et ministre britannique des Affaires étrangères, ne semble ni bien connaître le Moyen-Orient, ni être attaché à la véracité et à l'exactitude.

Dans ses mémoires, «Unleashed», un récit grandiloquent de son passage au pouvoir, Boris Johnson inclut un chapitre grossièrement intitulé «Vendre deux fois le même chameau». Oui, il s'agit bien de celui qui traite du Moyen-Orient et qui s'appuie sur d'autres stéréotypes éculés.

Johnson raconte comment, en tant que ministre des Affaires étrangères, il a fait visiter son bureau à Benjamin Netanyahou. Il a tenté de convaincre le dirigeant israélien que c'est dans ce bureau, et à cet endroit, qu'Arthur Balfour, l'ancien Premier ministre britannique, a signé la fameuse déclaration qui porte son nom. Johnson a même sorti un stylo à bille, s'amusant à dire qu'il avait été utilisé par Balfour pour signer le document. Il s'est réjoui de l'effet que cette nouvelle a eu sur le dirigeant israélien.  

Mais Johnson admet qu'il a tout inventé et qu'il n'a aucune idée de l'endroit où la lettre de 67 mots a été écrite, un document qu'il a qualifié de «pièce exceptionnelle de fudgerama du ministère des Affaires étrangères».

Pourtant, ce document ne devrait pas être pris à la légère, notamment pour les communautés non juives, appelées à juste titre le peuple palestinien, qui, 107 ans plus tard, se voient toujours refuser leurs droits nationaux. Le 2 novembre, la commémoration de la déclaration Balfour sera beaucoup plus amère que d'habitude pour les Palestiniens. Un génocide à Gaza, l'apartheid et un mépris euro-américain total de leurs droits ont conduit à une étape de leur histoire qui rivalise même avec la Nakba originale en termes de pertes catastrophiques.

Le mépris de 2024 reflète celui de 1917. La plus grande différence réside peut-être dans le fait qu'à l'époque de l'apogée des mentalités impériales, les grands colonisateurs tels que Balfour étaient tout à fait à l'aise avec leur mépris raciste pour les natifs de l'Orient. Dans l'Europe du début du XXe siècle, il n'était pas le moins du monde controversé de distribuer les terres d'autrui à d'autres peuples, de tracer des lignes dans le sable et de réorganiser la vie de nations entières.

La Grande-Bretagne a abandonné la Palestine, comme tant d'autres pays, et plus récemment l'Afghanistan, dans un état de conflit, préférant fuir un problème plutôt que de le résoudre.

                                                            Chris Doyle

En dehors des rangs serrés de l'extrême droite et des partisans du mouvement «Make America Great Again», de nombreux hommes politiques du XXIe siècle dans le monde euro-américain s'abstiennent de tout racisme flagrant et se contentent d'un discours sur l'égalité des droits, le droit international et l'autodétermination.  

Mais ce ne sont que des paroles en l'air. Depuis 1980, les principaux États européens ont tous adhéré au projet politique de la solution à deux États. Pourtant, au cours de ces 44 années, ils n'ont rien fait pour ralentir, et encore moins pour arrêter, le projet israélien visant à empêcher la création d'un second État, dont la pièce maîtresse a été le projet de colonisation.  

Peut-on faire quelque chose pour compenser cet échec cuisant et ce crime historique contre le peuple palestinien?

La Grande-Bretagne a une responsabilité historique plus grande que tout autre pays, une responsabilité que ni Balfour ni Johnson n'ont jamais prise au sérieux. Les Arabes ont raison de la surnommer la «perfide Albion». La Grande-Bretagne n'a pas tenu ses promesses, a divisé le Moyen-Orient avec son rival colonial, la France, et a vendu les Palestiniens au mouvement sioniste. En tant que puissance mandataire, elle a facilité l'immigration sioniste de masse, mais a refusé d'accorder des droits aux Palestiniens et de créer un État démocratique unique. La Grande-Bretagne a abandonné la Palestine, comme tant d'autres pays, et plus récemment l'Afghanistan, dans un état de conflit, préférant fuir un problème plutôt que de le résoudre.

Toute action entreprise aujourd'hui serait trop tardive, mais elle pourrait s'avérer une mesure corrective mineure à un bilan historique désastreux. Depuis des années, les hommes politiques britanniques caressent l'idée de reconnaître un État palestinien indépendant. D'une manière ou d'une autre, le gouvernement n'a jamais trouvé le bon moment pour le faire. Les excuses semblent toujours prêtes. Pas maintenant, mais bientôt, quand cela pourra aider le processus de paix, même si ce processus n'existe pas.

Keir Starmer, le Premier ministre britannique, pourrait redorer aujourd'hui son blason s'il avait le courage de faire ce pas. Le gouvernement britannique a la possibilité de reconnaître un État palestinien sur la base des frontières de 1967. Il pourrait le faire demain.

Cela aurait-il de l'importance? Il ne s'agirait pas d'une transformation historique mais, d'un point de vue symbolique et politique, oui cela aurait de l'importance. Une reconnaissance de la part de la Grande-Bretagne, en tant que puissance coloniale mandataire, aurait un impact assez fort. D'autres États pourraient suivre. Starmer pourrait essayer de persuader d'autres puissances, comme la France, de se joindre à lui. Cela reviendrait à reconnaître un État sous occupation, un État victime odieusement attaqué, mais c'est pourquoi cela est plus important que jamais.

Le message adressé à Israël serait clair. Ne pensez pas obtenir la terre en essayant d'éradiquer et de construire sur les vestiges du territoire palestinien occupé. La reconnaissance témoignerait d'une détermination à établir ce deuxième État manquant.

L'occupation illégale devrait encore prendre fin, tout comme la discrimination systématique que la communauté des droits de l'homme a qualifiée de régime d'apartheid. Mais au moins, pour une fois, la Grande-Bretagne s'opposerait au projet colonial qu'elle a lancé il y a plus d'un siècle.

Qui sait, peut-être qu'un jour un dirigeant palestinien se verra montrer le bureau où la lettre de reconnaissance britannique a été signée?

Chris Doyle est directeur du Council for Arab-British Understanding basé à Londres. 

X: @Doylech

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com