ERBIL : Dans un climat teinté de désillusion, les habitants du Kurdistan autonome dans le nord de l'Irak ont voté dimanche pour élire leurs députés au Parlement régional, un scrutin législatif encore une fois dominé par les deux principaux clans politiques rivaux.
Sur les six millions d'habitants du Kurdistan, 2,9 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour élire 100 députés, dont trente femmes, en vertu d'un quota.
Les bureaux ont fermé à 18 heures, heure locale, et les résultats officiels sont attendus lundi soir, selon la commission. Aux dernières législatives régionales de 2018, la participation s'élevait à 59 %.
Les deux formations hégémoniques depuis des décennies, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) du clan Barzani et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), du clan Talabani, ont enchaîné les meetings électoraux et mobilisé leurs réseaux partisans.
Cependant, selon des experts, un certain désenchantement a régné au sein de l'opinion publique, dans un contexte économique morose.
Autonome depuis 1991, le Kurdistan s'affiche comme une oasis de stabilité propice aux investissements étrangers en Irak, pays aux immenses richesses pétrolières.
Cependant, les militants et l'opposition y dénoncent, entre autres maux, la corruption, le climat d'affairisme, de clientélisme et la répression de toute voix dissidente.
Les législatives devaient se tenir il y a deux ans. Elles ont été reportées à quatre reprises, notamment en raison des divergences entre le PDK et l'UPK.
Le politologue Shivan Fazil a récemment souligné « une lassitude grandissante vis-à-vis des deux partis » qui se disputent le pouvoir.
« Cette dernière décennie, les conditions de vie se sont détériorées », expliquait-il à l'AFP.
Des électeurs ont aussi fustigé le versement erratique des salaires des quelque 1,2 millions de fonctionnaires de la région, illustrant également le bras de fer entre le Kurdistan et le pouvoir fédéral de Bagdad : chaque camp accuse l'autre d'être responsable des retards.
Cette année, quatre circonscriptions ont été créées pour remplacer l'unique circonscription qui recouvrait autrefois toute la région et affiner la représentation locale.
Cette réforme « pourrait conduire à une redistribution des voix et des sièges au sein du prochain Parlement », pronostique Shivan Fazil. Cependant, le PDK « pourrait encore préserver sa majorité grâce à sa discipline et cohésion internes ».
Avec 45 sièges, le PDK jouissait d'une majorité relative dans le Parlement sortant grâce à des alliances avec des députés élus via un quota réservé aux minorités chrétiennes et turkmènes.
Une fois élus, les députés voteront pour désigner les successeurs du président et du Premier ministre de la région autonome, Masrour et Nechirvan Barzani, cousins et figures du PDK.
Comme à Bagdad, la politique au Kurdistan oscille entre décisions majeures prises par consensus entre les principaux décideurs (PDK et UPK) et rivalités et dissensions, sources d'impasses et de blocages.
En soirée, le Premier ministre de Bagdad Mohamed Chia al-Soudani a salué « le succès » du scrutin, espérant voir se concrétiser les « conditions nécessaires » à la formation d'un nouveau gouvernement régional, pour soutenir le « développement » et la « stabilité ».
Dimanche, le président Nechirvan Barzani avait quant à lui espéré « former un gouvernement d'union le plus rapidement possible » après les élections.
Comprenant naguère 111 députés, le Parlement kurde a vu son nombre de sièges réduit à 100, par une décision de justice. Cinq sièges sont réservés aux minorités.
Sazan Saduala, une institutrice de 55 ans, a quant à elle opté pour le boycott, car « ce pouvoir ne peut être changé par le vote ».