Nouvelle donne pour Macron à Bruxelles, son Premier ministre en arrière-plan

Le président français Emmanuel Macron fait un geste alors qu'il arrive pour accueillir le roi Philippe - Filip de Belgique et la reine Mathilde de Belgique lors d'une visite au château de Chantilly, à Chantilly, au nord de Paris, le 16 octobre 2024. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron fait un geste alors qu'il arrive pour accueillir le roi Philippe - Filip de Belgique et la reine Mathilde de Belgique lors d'une visite au château de Chantilly, à Chantilly, au nord de Paris, le 16 octobre 2024. (AFP)
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Publié le Mercredi 16 octobre 2024

Nouvelle donne pour Macron à Bruxelles, son Premier ministre en arrière-plan

  • Le président français sera jeudi à Bruxelles, tout comme son Premier ministre Michel Barnier
  • Et le duo exécutif aura intérêt à avancer groupé face aux Vingt-Six alors que la France ressort affaiblie de ses soubresauts politiques et de ses dérapages budgétaires à répétition

PARIS: Le président français sera jeudi à Bruxelles, tout comme son Premier ministre Michel Barnier. Signe des temps nouveaux post-dissolution ? Emmanuel Macron entend pourtant bien rester la voix de la France en Europe même s'il a perdu la main à domicile.

Et le duo exécutif aura intérêt à avancer groupé face aux Vingt-Six alors que la France ressort affaiblie de ses soubresauts politiques et de ses dérapages budgétaires à répétition.

A Bruxelles, chacun restera d'ailleurs dans son rôle. Pendant qu'Emmanuel Macron se rendra au Sommet européen, Michel Barnier assistera à une réunion du groupe d'eurodéputés et de dirigeants du Parti populaire européen (droite), sa couleur politique, à quelques encablures de là.

"Aucun souci", tout cela se fait en "bonne entente", assure-t-on à l'Elysée. "Il y a une place (au Conseil européen), c’est pour le chef de l'Etat", renchérit-t-on à Matignon.

La diplomatie, y compris les Affaires européennes, "ça fait partie du domaine réservé" du président, martèle un proche du chef de l'Etat.

- "Chorégraphie" -

"Je ne vois pas (...) Michel Barnier avoir une autre lecture. Sur les Affaires européennes, il se trouve qu'ils sont en plus alignés", fait-il encore observer.

Michel Barnier, qui fut dans le passé ministre des Affaires étrangères, puis plus récemment commissaire européen et négociateur du Brexit, ne cache pourtant pas son "intérêt" pour le sujet.

"Il a toujours dit que c’était important pour lui et les ministres d’avoir des échanges réguliers avec le Parlement européen et la Commission européenne parce que c’est là où les choses se passent aussi", souligne-t-on dans son entourage.

Il aura donc, comme ses prédécesseurs, "l'occasion d'y retourner", fait-on valoir. La politique européenne de la France se forge aussi au quotidien à Matignon, carrefour des arbitrages économiques, environnementaux et sociaux.

Michel Barnier a "intérêt à profiter de ses réseaux bruxellois" pour rassurer ses partenaires sur son "sérieux budgétaire", relève également Sébastien Maillard de l'Institut Jacques Delors.

L'Union européenne a formellement lancé en juillet une procédure pour déficits publics excessifs contre la France, contraignant le nouveau Premier ministre à un difficile exercice d'équilibriste afin de tenter d'inverser la donne.

"Sur les questions qui préoccupent les Européens concernant les Européens, c'est vraiment Michel Barnier qui a les choses en main. Emmanuel Macron là-dessus est forcément en retrait", pointe l'expert.

"S’ils sont bien complices, ça ne peut qu'aider le président qui n'a donc pas intérêt à fragiliser son Premier ministre", avance-t-il. "Ça demande aux deux de bien maîtriser cette chorégraphie", dit-il à l'AFP.

- "Défensive" -

La partie s'annonce néanmoins compliquée pour le chef de l'Etat qui se posait depuis 2017 en leader de l'UE.

"La France est objectivement affaiblie (..) On donne l’impression d’un chaos démocratique et budgétaire. Et une fois que la confiance est partie...", résume un eurodéputé proche des macronistes.

Pour l'ancien président centriste de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges, la France est désormais "en position défensive, et même parfois isolée, comme sur le Mercosur".

Le chancelier allemand Olaf Scholz a appelé début octobre à conclure rapidement cet accord de libre-échange entre l'UE et cinq pays latino-américains, dont le Brésil, contre l'avis de Paris.

"Nous étions le principal moteur politique de l’Union et nous ne sommes plus vraiment suivis, voire entendus", déplore Jean-Louis Bourlanges, fin connaisseur des arcanes européennes, pour qui "la dissolution n'a pas fini de produire ses effets".

Entre ses défaites électorales et l'impossibilité pour lui de se représenter en 2027, Emmanuel Macron va avoir "bien du mal à retrouver une autorité européenne et internationale forte", prédit-il à l'AFP.

Les récentes législatives anticipées en France - convoquées par le président Emmanuel Macron après l'échec cuisant de son parti aux élections européennes début juin - n'ont pas permis de dégager de majorité. L'Assemblée est fragmentée en trois blocs irréconciliables: la gauche, arrivée première aux élections mais pourtant absente du gouvernement, le centre droit macroniste, et l'extrême droite, en position d'arbitre.

Un nouveau gouvernement, emmené par Michel Barnier, a fait ses premiers pas le 23 septembre. Ce nouvel exécutif était né dans la douleur, après 15 jours de tractations menées M. Barnier.


Macron à Bruxelles pour prendre part au sommet UE-CCG

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  • Ce premier sommet UE-CCEAG permettra de marquer l’attachement de la France à un partenariat stratégique d’avenir avec les pays du Golfe
  • Lors du Conseil européen, les chefs d’Etat ou de gouvernement réaffirmeront, en présence du Président Zelensky la poursuite du soutien résolu de l’Union européenne à l'Ukraine, et échangeront sur les modalités de ce soutien d'un point de vue diplomatique

PARIS: Le Président de la République se rendra à Bruxelles pour participer au sommet UE-Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCEAG) du 16 octobre 2024 et au Conseil européen du 17 octobre 2024.

Ce premier sommet UE-CCEAG permettra de marquer l’attachement de la France à un partenariat stratégique d’avenir avec les pays du Golfe, en renforçant cette relation dans plusieurs domaines d’intérêt commun, tels que la sécurité régionale, le partenariat économique, la mobilité ou encore l’énergie.

Lors du Conseil européen, les chefs d’Etat ou de gouvernement réaffirmeront, en présence du Président Zelensky la poursuite du soutien résolu de l’Union européenne à l'Ukraine, et échangeront sur les modalités de ce soutien d'un point de vue diplomatique, militaire, politique, énergétique et financier. Ils échangeront également sur la situation au Proche-Orient en marquant en particulier la nécessité d’une désescalade régionale, le soutien à la sécurité d’Israël ainsi que la nécessité d’un cessez-le-feu à la fois au Liban et à Gaza.

Les chefs d’Etat et de gouvernement auront également une discussion sur les migrations, tant sur le volet interne et la mise en œuvre du Pacte asile et migrations et les moyens de le compléter, notamment sur les retours, que sur le volet externe, pour renforcer la coopération de l’UE avec les pays tiers de transit et d’origine à travers l’utilisation de tous les leviers européens à disposition. Enfin, le Conseil européen reviendra sur le rapport Draghi et les enjeux de compétitivité européenne, qui seront discutés plus en détail avec M. Draghi lors du Conseil européen informel prévu à Budapest le 8 novembre 2024.


Benjamin Netanyahu ne doit pas « s'affranchir des décisions de l'ONU » avertit Macron en Conseil des ministres

Emmanuel Macron doit mardi "réitérer ses condamnations auprès du Premier ministre israélien", selon le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. (AFP)
Emmanuel Macron doit mardi "réitérer ses condamnations auprès du Premier ministre israélien", selon le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. (AFP)
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  • "M. Netanyahu ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l'ONU", a lancé le chef de l’État, en allusion au vote en novembre 1947 par l'Assemblée générale des Nations unies du plan de partage de la Palestine
  • "Et par conséquent ce n'est pas le moment de s'affranchir des décisions de l'ONU", a-t-il poursuivi, alors qu'Israël mène une offensive terrestre contre le mouvement pro-iranien Hezbollah dans le sud du Liban, où sont déployés des Casques bleus

PARIS: Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne doit pas "s'affranchir des décisions de l'ONU", a averti mercredi Emmanuel Macron selon des participants au Conseil des ministres, rappelant que c'est une résolution onusienne qui a "créé" l’État d'Israël.

"M. Netanyahu ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l'ONU", a lancé le chef de l’État, en allusion au vote en novembre 1947 par l'Assemblée générale des Nations unies du plan de partage de la Palestine en un État juif et un État arabe.

"Et par conséquent ce n'est pas le moment de s'affranchir des décisions de l'ONU", a-t-il poursuivi, alors qu'Israël mène une offensive terrestre contre le mouvement pro-iranien Hezbollah dans le sud du Liban, où sont déployés des Casques bleus.

La résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies affirme que seuls l'armée libanaise et cette mission de paix de l'ONU (Finul) doivent être déployés dans le sud du Liban et stipule la cessation des hostilités des deux côtés de la frontière.

Mais M. Netanyahu a affirmé que le Hezbollah utilisait "les installations et les positions de la Finul comme couverture afin de mener ses attaques" contre Israël, et a appelé dimanche le patron de l'ONU, Antonio Guterres, à mettre les Casques bleus "à l'abri immédiatement".

La Finul, forte de 10.000 hommes dont un contingent de 700 Français, a dénoncé des "violations choquantes" d'Israël contre ses positions, faisant état d'une entrée "en force" dimanche de deux chars dans l'une d'entre elles. L'armée israélienne a dit qu'un de ses chars avait percuté un poste de la Finul alors qu'il évacuait des soldats blessés.

Emmanuel Macron doit mardi "réitérer ses condamnations auprès du Premier ministre israélien", selon le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.

Vendredi, le président français avait jugé "tout à fait inacceptable" que les Casques bleus soient "visés délibérément par les forces armées israéliennes". Samedi, il avait exprimé "sa grande inquiétude quant à l’intensification des frappes israéliennes au Liban et leurs conséquences dramatiques pour les populations civiles", et avait parallèlement demandé au Hezbollah de "cesser immédiatement" les frappes contre Israël, réitérant son appel à un cessez-le-feu immédiat au Liban.


Au Proche-Orient, une désescalade hors d’atteinte

Paris ne cache pas sa crainte que l'équation liée à la campagne présidentielle américaine n'entraîne un laisser-faire sur le théâtre libanais et à Gaza durant les trois semaines qui nous séparent de ces élections. (AFP)
Paris ne cache pas sa crainte que l'équation liée à la campagne présidentielle américaine n'entraîne un laisser-faire sur le théâtre libanais et à Gaza durant les trois semaines qui nous séparent de ces élections. (AFP)
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  • Dans le cas du conflit actuel au Proche-Orient, les termes prédominants sont au nombre de deux : « cessez-le feu » et « désescalade »
  • Des termes simples, répétés quotidiennement depuis le 8 octobre 2023, par les diplomaties concernées, mais en réalité hors de portée pour l’instant, tant les enjeux sont divers et compliqués

PARIS: Comme à chaque conflit, la guerre d’Israël à Gaza qui s’est étendue depuis le 23 septembre dernier au Liban, a donné lieu à un florilège d’expressions caractéristiques qui ont émergé dans les chancelleries et circulent dans les médias et auprès du grand public.

Dans le cas du conflit actuel au Proche-Orient, les termes prédominants sont au nombre de deux : « cessez-le feu » et « désescalade ».

Des termes simples, répétés quotidiennement depuis le 8 octobre 2023, par les diplomaties concernées, mais en réalité hors de portée pour l’instant, tant les enjeux sont divers et compliqués.

Des termes sur lesquels s’appuient tous les efforts déployés tant sur le plan régional qu’international, mais ces efforts sont pulvérisés par la violence des bombardements, incursions et ripostes, avec leur cortège de pertes en vies humaines.

Difficile de ne pas faire ce constat en écoutant les déclarations du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou qui a hier encore assuré qu’il n’a nullement l’intention de hisser le drapeau blanc.

Bien au contraire, il a affirmé que son gouvernement continuera à frapper sans pitié le Hezbollah sur tout le territoire libanais y compris à Beyrouth, alors que pendant ce temps la vie des gazaouis n’est autre qu’un enfer.

Car après l’élargissement de la guerre au Liban, il continue de tenter une escalade avec l’Iran, soutien indéfectible du Hezbollah libanais, et envisage selon le Washington Post de frapper des sites militaires iraniens, en amont des élections américaines du 5 novembre prochain.

Face à cette volonté de vouloir modifier la réalité dans la région par l’usage démesuré de la force, en faisant fi de toutes les mises en garde, la voie de la raison et du retour à un règlement diplomatique reste inaudible.

Malgré cela, Paris ne renonce pas, et affirme inlassablement qu’il faut aujourd’hui un cessez-le feu à Gaza et au Liban, pour ces deux situations en propre, mais aussi pour éviter une déstabilisation supplémentaire dans la région de plus en plus menacée par une extension du conflit.

Pour la diplomatie française, la transformation par la force ne produit pas les résultats qui peuvent être souhaités par certains acteurs, c’est d’ailleurs pour ça qu’elle insiste sur la nécessité de revenir à une voie diplomatique.

Il est évident que Paris ne dispose pas des leviers nécessaires auprès d’Israël, pour faire respecter cette initiative mise à mal par le bombardement du siège du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth.

Un tel retour lui semble toujours possible concernant le Liban sur la base de l’initiative d'un cessez-le-feu temporaire de 21 jours. Celle-ci avait ete mise au point par, rappelons-le, les deux présidents américain Joe Biden et français Emmanuel Macron, lors des réunions de l’assemblée générale de l’ONU à New York.

Cependant, il est évident que Paris ne dispose pas des leviers nécessaires auprès d’Israël, pour faire respecter cette initiative mise à mal par le bombardement du siège du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth, dont la cible était le secrétaire général du parti Hassan Nasrallah.

Pour l’instant donc, les démarches à ce niveau sont dans l’impasse tout comme celles visant l’apaisement à Gaza, alors que Paris considère que l’initiative élaborée par le président Biden, qui date de juin/ juillet, est toujours sur table.

Cependant, sans vouloir critiquer l’administration américaine, Paris ne cache pas sa crainte que l'équation liée à la campagne présidentielle américaine n'entraîne un laisser-faire sur le théâtre libanais et à Gaza durant les trois semaines qui nous séparent de ces élections.

La diplomatie française reste convaincue, qu’un découplage de la guerre à Gaza des hostilités qui se déroulent au Liban pourrait donner lieu à une accalmie, et permet d'entrer dans une discussion politique.

Une telle crainte est largement justifiée par la détermination israélienne très clairement exprimée, dans la poursuite de son objectif à dégrader les capacités du Hezbollah, et les Israéliens affirment haut et fort qu’il n’y aura pas de retour au statu-quo d’avant le 7 octobre.

Toutefois la diplomatie française reste convaincue, qu’un découplage de la guerre à Gaza des hostilités qui se déroulent au Liban pourrait donner lieu à une accalmie, et permet d'entrer dans une discussion politique.

Mais là aussi on tourne en rond, puisque de la part du Hezbollah les positions sont ambiguës ou contradictoires sur sa volonté d’admettre ce découplage.

C’est pour cette raison que Paris appelle constamment l’Iran a jouer le rôle d’un acteur responsable dans l’influence qu’il peut exercer sur ses alliés dans la région.

Le fait que le Hezbollah soit aujourd'hui affaibli, le place dans une situation de plus grande dépendance vis-à-vis de l'Iran alors que ses canaux ont été tout à fait impactés par les différentes frappes menées par les Israéliens.

De leur côté, les Israéliens ne donnent aucune limite de temps à la guerre qu’ils mènent, ils se contentent d’exposer un objectif.

Cet objectif est l’éradication totale des capacités du Hezbollah, considérée par Paris comme hors d’atteinte, tout comme l’éradication du Hamas, en raison de l’empreinte de ces deux formations dans leur société respective.

Cela ne fait que conforter la diplomatie française dans ses efforts pour une désescalade qui semble pour l’instant elle aussi hors d’atteinte.