NICE: "Vous en faites pas, je bois beaucoup d’eau": Lauriane Morelli, assistante sociale, raccroche rassurée. Avec la vague de chaleur, près de 200 agents municipaux se relaient à Nice pour téléphoner à 2.500 personnes fragiles isolées afin de s'assurer que tout va bien.
La France, actuellement confrontée à son premier épisode caniculaire de l'année, avait été traumatisée en 2003 par une vague de chaleur meurtrière, avec 15.000 morts estimées dont de nombreuses personnes âgées isolées.
Depuis, une loi oblige les municipalités à établir un registre des personnes âgées de plus de 65 ans, handicapées ou fragiles, sur la base du volontariat, c’est-à-dire toujours avec l’accord des intéressés, afin de mieux leur venir en aide en cas de canicule.
A Nice, 350.000 habitants, la ville se charge de contacter toutes les 48 heures les personnes qui y sont inscrites, dès lors que la préfecture a déclenché le plan canicule, comme c'est le cas depuis lundi en raison de températures supérieures à 24 degrés la nuit et au-delà de 30 degrés Celsius le jour.
"A sept collègues, contacter 2.500 personnes en 48 heures, on n’y arrive pas, il faut faire appel à d’autres agents de la ville et à des associations", explique dans son petit bureau niché sous les toits d'un immeuble du Vieux-Nice - climatisé - Lauriane Morelli, responsable du service "lien social senior" de la ville.
Quelque 180 agents du Centre communal d’action sociale (CCAS) et une dizaine de partenaires associatifs mettent, du coup, la main à la pâte pour réussir à contacter tout le monde dans les temps.
C'est gentil
"Pour l’instant, comme c’est juste le début de la canicule, les gens ne se plaignent pas trop, mais dans quelques jours, ils vont commencer à trouver le temps long", explique Sophie Durante, 61 ans, employée depuis six ans comme gestionnaire du registre.
Souvent, racontent les employés du service, ces personnes âgées isolées ne sont pas équipées de climatisation et ont du mal à rafraîchir leur appartement.
"Ce qui est marquant dans ce métier, c’est qu’on apprend plein de choses, il y a des gens qui vous racontent la guerre, comment c’était avant", témoigne-t-elle juste après avoir joint une dame de 73 ans, veuve depuis l’an dernier.
"Ce matin, j’avais envie d’aller à la mer mais je me suis pris deux méduses, ça fait très mal. On sait plus quoi faire si on ne peut même pas aller dans l’eau par cette température", lui raconte la vieille dame. "C’est gentil d’avoir appelé", glisse-t-elle.
Quand la personne ne répond pas au téléphone, le service du lien social emploie différents moyens, par exemple en contactant les proches du "disparu", pour s’assurer qu’il va bien.
Parfois, il faut se rendre à son domicile pour faire une levée de doute. Entre lundi et mardi, le service en a effectué déjà quatre.
"J’ai sonné chez le voisin de cette dame qui n’avait pas répondu à plusieurs appels et il m’a indiqué qu’elle était partie en vacances au Portugal", raconte Dalila Gargowitz, 52 ans, agent de lien social, juste revenue d’une de ces levées de doute chez une dame de 73 ans qui avait oublié de prévenir le service de son départ à l’étranger.
Ce registre des personnes isolées et fragiles sert aussi tout au long de l’année, hors périodes de canicule.
"C’est de la prévention pour les seniors, pour créer une solidarité citoyenne qui fasse qu’ils ne se sentent pas isolés", explique Anne-Lise Mandrino, directrice adjointe à la direction Vie des seniors et autonomie de Nice.