Jamais l'humanité n’a connu une telle prospérité : Richesse accrue, santé améliorée et avancées technologiques sans précédent. Les domaines d’action du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont enregistré des progrès remarquables. Paradoxalement, la plus grande menace à ces acquis vient de l’intérieur: l'inégalité.
L’âge du premier mariage ne cesse de reculer, tant chez les hommes que chez les femmes. En matière de santé reproductive, le progrès est palpable, mais son rythme varie. Les statistiques de 2023 sont révélatrices: plus d'une femme sur trois (34%) en âge de procréer a adopté une méthode contraceptive moderne. La mortalité maternelle, autrefois un fléau redoutable, connaît un repli remarquable. En 2020, 86% des naissances ont bénéficié de l’assistance d’un personnel qualifié.
Malgré les avancées, le mariage précoce, la hausse des divorces et l'accès inégal aux soins de santé demeurent des problèmes criants. Si onze nations arabes ont atteint l’objectif des ODD visant moins de 70 décès maternels pour 100,000 habitants d’ici 2030, les progrès s'essoufflent, voire stagnent, dans d'autres pays de la région et au-delà. L'accès à la santé reproductive et l’avancement des droits, en particulier pour les femmes et les filles les plus marginalisées, reste disparate et souvent en deçà des cibles fixées.
Face à ce constat mitigé, une question s’impose: après tant d'efforts, d’investissements et d'engagements, quelle est la voie royale vers des pays et des sociétés arabes paisibles et prospères?
La clé du progrès réside dans une solidarité planétaire et une action concertée. Ces efforts collectifs sont essentiels pour émanciper durablement les individus, les familles et les communautés. Il est temps de revenir aux fondamentaux du Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement, un accord historique signé au Caire il y a trois décennies. Ce texte nous lance un appel clair: placer les femmes et les filles au cœur de nos stratégies de développement et de consolidation de la paix.
Deuxièmement, garantir l’égalité des sexes et la protection sociale est essentiel pour permettre aux pays d’atteindre les Objectifs de développement durable, tant au niveau local que national et entre les pays.
Si notre priorité demeure le service à la population, nous devons également nous attaquer aux disparités profondes et préjudiciables qui minent nos systèmes de santé, nos structures sociales et nos sociétés. Là où les opportunités sont refusées en raison de normes sociales archaïques, de lois discriminatoires et d'un accès limité à l’éducation et aux ressources économiques, nous devons unir nos forces. Notre objectif ? Bâtir une société où les femmes et les filles sont valorisées, respectées et habilitées à diriger dans toutes les sphères de la vie.
Prenons l’exemple du Maroc, pionnier en matière d'égalité des genres. Pour renforcer cette égalité et lutter contre la discrimination et la violence, le gouvernement marocain a mis en place diverses mesures de protection juridique pour les femmes. Parmi elles, des réformes politiques ambitieuses comme le Plan National d'Égalité.
Cette initiative vise à intégrer une approche genrée dans les politiques nationales et les programmes de développement. Elle cherche également à autonomiser les femmes et à les armer face aux menaces émergentes telles que la COVID-19, le changement climatique et la fuite des cerveaux.
Dans la quête d’amélioration de la santé reproductive des femmes et des filles et de l'engagement communautaire, un acteur reste souvent dans l’ombre : les données. Pourtant, elles sont essentielles pour mesurer et atteindre les objectifs de santé, de droits et de choix. Le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement insiste sur l’importance de données centrées sur l’humain, capables de mettre en lumière les disparités touchant individus et communautés, pour ne laisser personne de côté.
L’exemple jordanien est éloquent. Une enquête démographique et sanitaire, appuyée par le Fonds des Nations Unies pour la population, a permis d'affiner la Stratégie nationale pour les femmes 2020-2025. Ces données ont révélé l’ampleur et les racines de la violence basée sur le genre, ouvrant la voie à des décisions éclairées et des actions ciblées pour combattre ce fléau et émanciper les femmes marginalisées.
L’Algérie, quant à elle, s'attelle à un chantier d'envergure: la collecte et l’exploitation de données démographiques inclusives, fiables et valides. L’objectif? Façonner des politiques et des systèmes de santé équitables, tout en guidant la jeunesse vers des choix éclairés concernant leur corps, leurs relations et leur avenir.
« Nous devons œuvrer ensemble pour créer une société où les femmes et les filles sont valorisées, respectées et autonomisées. »
Laila Baker
Les crises engendrées par les conflits et le changement climatique amplifient les disparités d’accès aux soins, à l’emploi et à l’éducation. Les femmes et les filles en sont les premières victimes, aggravant ainsi la discrimination et les inégalités de genre. Ces nouvelles sources de marginalisation appellent une réponse urgente et concertée.
Pourtant, des initiatives porteuses d’espoir émergent.
Même la Somalie, enlisée dans une crise prolongée, innove. Sa Politique nationale de protection sociale intègre les enjeux climatiques, y compris leur impact genré. L'objectif? Renforcer la résilience des ménages, notamment en zones rurales, pour contrer les effets du changement climatique sur l'égalité et façonner une société plus équitable.
En 2022, plus de 102 millions de personnes ont été déracinées dans le monde arabe - soit une personne sur cinq. Les conflits au Soudan et à Gaza ne font qu’accentuer cette tendance. Les femmes et les enfants, majoritaires parmi les déplacés, sont particulièrement vulnérables. Dans ces contextes instables, la violence basée sur le genre explose. Les pratiques néfastes comme le mariage précoce et les mutilations génitales féminines progressent dans les zones de crise, souvent difficiles d’accès, creusant davantage le fossé des inégalités.
Fuyant la guerre en Syrie, Aisha a trouvé refuge en Jordanie. À l’Association de planification familiale, elle a reçu des conseils précieux sur la puériculture, la parentalité et l’éducation, offrant ainsi à ses enfants un nouveau départ prometteur. « Mon message aux femmes est simple, » confie Aisha. « Si vous êtes enceinte, faites-vous suivre et planifiez votre famille. Avant, j’ignorais tout de la planification familiale. Aujourd’hui, je prends des décisions éclairées. »
Le Rapport sur l’état de la population mondiale 2024, publication phare du Fonds des Nations Unies pour la population, dresse un bilan contrasté des avancées en matière de santé et de droits reproductifs depuis 1994. Si les progrès sont indéniables, ils restent inégalement répartis, les femmes les plus marginalisées bénéficiant le moins des améliorations. Dans certaines régions du monde arabe, les acquis considérables des trois dernières décennies sont aujourd'hui gravement menacés.
Face à ce constat, un appel à l'action s'impose: nous devons éradiquer les inégalités de nos systèmes de santé et de nos politiques pour garantir des bénéfices à tous. Des exemples inspirants existent déjà et montrent la voie.
Au cœur des conflits qui déchirent le Yémen, la Syrie, le Soudan et Gaza, les organisations dirigées par des femmes sont en première ligne. Elles assurent des accouchements sûrs, fournissent des fournitures vitales et protègent les femmes et les filles contre les violences sexistes. Depuis longtemps, ces femmes sont le pilier de leurs communautés, des héroïnes qui maintiennent la cohésion familiale et œuvrent pour la sécurité dans leurs foyers, leurs lieux de travail et leurs quartiers, contribuant de mille façons à leurs sociétés. Pourtant, trop souvent, leurs voix ont été étouffées, leur potentiel inexploité, leurs droits bafoués ou entravés. Leur participation pleine et égale, ainsi que leur leadership, sont essentiels à toute paix durable et à une prospérité future partagée.
Des systèmes de santé et sociaux inclusifs sont le socle des droits humains. Les faits sont là: l’émancipation des femmes est un moteur de paix et de prospérité. Quand les femmes et les filles maîtrisent leur corps, leurs choix et leur destin - quand elles accèdent à l’éducation, à un emploi valorisant et réalisent leurs aspirations – c’est toute la société qui en récolte les fruits, sur plusieurs générations. Le parcours d’Aisha en est l’illustration vivante.
Ce jeudi, la Journée mondiale de la population nous rappelle un enjeu fondamental: le droit à la santé et à l’épanouissement des femmes et des filles. Cette cause dépasse les frontières, transcende les cultures et bouscule les préjugés. Elle touche à l’essence même de notre humanité - le droit à une vie digne, riche en opportunités et en accomplissements.
Le Fonds des Nations Unies pour la population et ses alliés, soutenus par leurs généreux donateurs, poursuivent leur combat pour la santé et les droits sexuels et reproductifs universels. Leur credo: l’égalité des sexes est la clé de voûte de ces droits et d’un développement durable centré sur l'humain.
Si les avancées du monde arabe en matière de santé et de droits reproductifs sont remarquables, le défi est maintenant de les concrétiser pour tous, partout.
Chaque individu a son rôle à jouer dans la construction de notre avenir commun.
Laila Baker est la directrice régionale du Fonds des Nations Unies pour la population pour les États arabes.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com