Législatives en France : le Sénat se prépare au grand bouleversement

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Publié le Mercredi 03 juillet 2024

Législatives en France : le Sénat se prépare au grand bouleversement

Très influent ces dernières années malgré des prérogatives limitées, le Sénat français se prépare à servir de "stabilisateur des institutions" après les élections législatives, voire de "rempart" face au parti d'extrême droite Rassemblement national, arrivé en tête du premier tour.

Dans le décor fastueux du Palais du Luxembourg, la chambre haute du parlement bicaméral français vit au ralenti depuis le 9 juin. La dissolution de l'Assemblée nationale annoncée dans la foulée des élections européennes a entraîné l'ajournement de la quasi-totalité des travaux du Sénat, une coutume républicaine.

Les 348 sénateurs sont sans crainte pour leur mandat, au contraire des députés, puisque le Sénat ne se dissout pas. Ils se tiennent prêts à reprendre leur mission au sein d'un Parlement totalement recomposé, avec une progression historique probable du Rassemblement national (RN) à l'Assemblée nationale.

"Quel que soit le scénario qui sortira le 7 juillet", date du second tour des législatives, "le Sénat aura un rôle majeur : plus que jamais nous aurons besoin de cette deuxième chambre, de ce balancier stabilisateur des institutions", a récemment prévenu Gérard Larcher.

Chef d'une alliance majoritaire de la droite et du centre à la Haute assemblée, le ténor des Républicains (droite) a défendu depuis 2017 un rôle de "contre-pouvoir" face au président Emmanuel Macron, avec de retentissantes missions de contrôle, par exemple sur le recours abusif aux cabinets de conseil par les ministères.

 

- Verrou constitutionnel -

 

La marge de manœuvre du Sénat est limitée : le gouvernement peut donner le dernier mot à l'Assemblée nationale sur ses projets de loi, après au moins deux lectures successives dans les deux chambres. Mais, exception de taille, la chambre haute ne peut être contournée pour les réformes constitutionnelles.

Le RN, qui base une large partie de son programme sur une modification du texte suprême, sur l'immigration notamment, pourrait ainsi être freiné en cas d'arrivée au pouvoir, même avec une majorité absolue à l'Assemblée nationale.

"Nous détenons le verrou constitutionnel et je peux vous assurer que le serrurier n'a nulle envie de donner la combinaison de ce verrou face à la folie des extrêmes", lance Gérard Larcher, qui s'oppose avec la même force au RN et à La France insoumise (gauche radicale), tous deux quasiment absents à la chambre haute (le RN compte trois sénateurs, LFI aucun).

"La stabilité, qui a été la marque de fabrique du Sénat, doit être absolument préservée dans la période de grande turbulence qui nous attend", affirme aussi le chef des sénateurs socialistes Patrick Kanner à l'AFP, en promettant "un bicamérisme qui fonctionnera à plein régime".

La centaine de sénateurs de gauche compte se faire entendre, surtout dans l'hypothèse d'une majorité du RN qui s'étendrait à une partie de la droite républicaine.

 

- "Eriger un rempart" -

 

Car si le groupe LR (Les Républicains) du Sénat a voté unanimement contre un accord avec le RN, une petite poignée de ses sénateurs, interrogés après la dissolution, n'étaient pas farouchement opposés à l'hypothèse d'un accord de gouvernement avec le parti à la flamme.

Sans doute encore trop peu pour constituer un nouveau groupe, mais "ce sera l'épreuve de vérité", reconnaît M. Kanner.

Dans un courrier à Gérard Larcher, les trois présidents de groupe de gauche ont affiché mardi leur volonté de voir le Sénat comme "l'un des remparts les plus solides au recul de (l') État de droit" français.

"Vous serez de ceux qui auront érigé un rempart contre l'extrême droite, ou bien de ceux qui lui auront facilité l'accès vers le pouvoir", lui ont-ils écrit, en l'appelant à "s'engager clairement pour faire obstacle systématiquement à une victoire du RN".

Preuve de son importance, M. Larcher, très offensif envers le président Macron ces derniers jours, a été reçu par ce dernier mardi, une rencontre purement "institutionnelle" et non "politique", a-t-on assuré dans son entourage.

Comme pour balayer l'hypothèse d'une alliance possible dans un potentiel "gouvernement d'union nationale" après le second tour ? Le nom de Gérard Larcher était déjà revenu avec insistance comme un recours éventuel au poste de Premier ministre, avant les européennes, une option finalement rejetée par l'intéressé, défenseur d'une ligne "indépendante" et "sans compromission" pour Les Républicains.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.