Le Royaume-Uni en route vers les urnes et un retour des travaillistes au pouvoir

Une illustration photo prise à Londres le 26 juin 2024 montre le podcast « The Rest is Politics », animé par Alistair Campbell et Rory Stewart, affiché sur un iPhone devant un ordinateur diffusant un extrait d'une séance de questions du Premier ministre dans le Chambre des communes. (AFP)
Une illustration photo prise à Londres le 26 juin 2024 montre le podcast « The Rest is Politics », animé par Alistair Campbell et Rory Stewart, affiché sur un iPhone devant un ordinateur diffusant un extrait d'une séance de questions du Premier ministre dans le Chambre des communes. (AFP)
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Publié le Jeudi 27 juin 2024

Le Royaume-Uni en route vers les urnes et un retour des travaillistes au pouvoir

  • A travers le pays s'exprime le ras-le-bol face aux listes d'attente interminables dans le système public de santé, ou encore les nids de poule, devenus symbole des maux du Royaume-Uni
  • Surfant sur une légère embellie de la situation économique après une crise du coût de la vie, le chef du gouvernement a fait le pari de convoquer les élections à l'été plutôt qu'à l'automne

LONDRES: Les Britanniques sont appelés aux urnes la semaine prochaine pour des législatives qui laissent augurer une victoire sans appel des travaillistes après 14 ans de règne conservateur secoués par le Brexit, les turbulences économiques et les scandales politiques.

La vingtaine de points d'avance dont bénéficie le Labour depuis des mois dans les sondages laisse peu de place au suspense pour le scrutin du 4 juillet, après une campagne sans éclat, axée autour de l'économie, la santé, l'immigration.

Le travailliste Keir Starmer, ancien avocat et chef du parquet d'origine modeste âgé de 61 ans, s'est appliqué à éviter tout faux-pas au point de sembler manquer d'audace, face au Premier ministre conservateur Rishi Sunak, ancien banquier d'affaires de 44 ans, réputé plus riche que le roi Charles III, à la campagne laborieuse.

A travers le pays s'exprime le ras-le-bol face aux listes d'attente interminables dans le système public de santé, ou encore les nids de poule, devenus symbole des maux du Royaume-Uni.

"Tout s'est dégradé. Je ne vois rien de bien pour le futur dans ce pays", souffle Frank Haslam, un retraité de 70 ans rencontré par l'AFP sur le marché de Bury, ville du nord de l'Angleterre.

Arrivé à la tête du Labour il y a quatre ans, après la débâcle électorale du parti sous la direction du très à gauche Jeremy Corbyn, Keir Starmer a recentré la formation politique, et s'est efforcé de la débarrasser de l'antisémitisme que son prédécesseur est accusé d'avoir laissé prospérer.

Sérieux voire austère, loin de susciter l'enthousiasme d'un Tony Blair en 1997, il promet le "changement" après le "chaos et la division" semés selon lui par les conservateurs, au pouvoir depuis 2010, avec cinq premiers ministres successifs.

Législatives britanniques: à quoi ressemblerait un gouvernement travailliste

Le parti travailliste est bien parti pour former le prochain gouvernement à l'issue des législatives britanniques du 4 juillet. Voici les personnalités qui devraient entourer le chef du Labour Keir Starmer s'il devient Premier ministre.

Selon la tradition britannique, l'opposition forme en effet un "gouvernement fantôme" qui constitue la base d'un futur exécutif en cas de victoire, avec des ministres préparés et connaissant leurs dossiers.

Vice-Première ministre: Angela Rayner

Dans un pays où la classe dirigeante est massivement passée par les universités d'Oxford et Cambridge, Angela Rayner, 44 ans, détonne. Elle a grandi dans un logement social du nord de l'Angleterre, a quitté l'école sans diplôme, mère célibataire à 16 ans.

Passée par le syndicalisme, députée depuis 2015, elle est élue numéro deux du parti travailliste en 2020. Elle forme un duo contrasté avec Keir Starmer, avec son positionnement plus à gauche, son franc parler et son accent populaire du nord.

"Il adoucit mes côtés rugueux. Je le fais sortir de sa coquille", explique celle qui dit avoir "un doctorat en +vie réelle+".

Chargée notamment des dossiers du logement et des inégalités régionales, Angela Rayner veut agir pour la construction massive de logements neufs et la fin des "contrats zéro heure" qui ne garantissent aucun minimum d'heures de travail payées.

Finances: Rachel Reeves

A 45 ans, cette ex-économiste de la Banque d'Angleterre pourrait devenir la première femme chancelière de l'Echiquier, brisant ce qu'elle a qualifié de "dernier plafond de verre en politique".

Rachel Reeves a joué un rôle central dans le recentrage du Labour et sa volonté d'incarner la compétence sur les questions économiques. Elle martèle que son parti est désormais "le parti naturel des entreprises" et promet "une discipline de fer" sur les finances publiques.

Elle a déjà acquis une réputation de dirigeante impitoyable qui n'hésite pas à dire non, ce qui a conduit au renoncement de promesses majeures malgré les critiques de la gauche.

Née dans une famille d'enseignants à Londres, amatrice d'échecs, entrée en politique sous Tony Blair, Rachel Reeves défend un rôle actif de l'Etat par les investissements et veut "reconstruire les services publics".

Affaires étrangères: David Lammy

Cet avocat de 51 ans, descendants d'esclaves du Guyana, en Amérique du Sud, a affûté sa vision de la diplomatie en enchaînant plus de 40 visites à l'étranger depuis deux ans. Selon lui, la diplomatie britannique "a besoin de redécouvrir l'art de la grande stratégie" après la sortie du pays de l'Union européenne.

Si le Labour suit en grande partie la ligne du gouvernement actuel en termes de politique étrangère, il veut se rapprocher de l'Union européenne, dossier très sensible des deux côté de la Manche.

S'il entre au Foreign Office, David Lammy, qui était devenu à 27 ans le plus jeune député à la Chambre des Communes, sera sous pression d'une partie du Labour qui reproche à sa direction une ligne trop pro-israélienne.

Cet ami de l'ancien président américain Barack Obama risque aussi de devoir gérer un possible retour à la Maison Blanche de Donald Trump qu'il avait qualifié "sociopathe aux sympathies néo-nazies". Il a assuré depuis avoir été mal compris et, selon la presse britannique, a récemment rencontré des conseillers du candidat républicain.

Défense: John Healey

Ce dossier clé en période de guerre en Ukraine revient à John Healey, 64 ans, vétéran du parti travailliste. Elu député en 1997 lorsque Tony Blair est arrivé au pouvoir, il a enchaîné des postes dans plusieurs ministères puis, dans l'opposition, a été responsable du Logement et de la Santé avant de passer à la Défense.

S'il devient ministre, il devra mettre en oeuvre la hausse des dépenses militaires à 2,5% du PIB (2,3% cette année) promise par le Labour. Il héritera cependant d'une armée soumise à une cure d'amaigrissement ces dernières années et appelée à s'investir davantage en Asie face à la Chine.

Intérieur: Yvette Cooper

Autre représentante de la génération Blair élue en 1997, Yvette Cooper s'occupe de l'Intérieur depuis 2021 au Labour, après avoir déjà occupé ce poste entre 2011 et 2015. Candidate malheureuse à la tête du Labour face à Jeremy Corbyn en 2015, elle s'est illustrée au Parlement avec ses interventions pugnaces, lui donnant une image d'autorité cruciale pour ce dossier.

Si elle prend la tête du Home Office, Yvette Cooper héritera de l'immigration, sujet majeur dans la campagne et souvent considéré comme un point faible des travaillistes. Elle devra incarner une ligne qui se veut ferme -réduction de l'immigration légale et lutte contre les arrivées irrégulières- mais aussi plus humaine avec l'abandon du projet conservateur d'expulsions vers le Rwanda.

Santé: Wes Streeting

Si le Labour gagne, cette jeune figure de l'aile centriste du Labour sera confronté à la tâche titanesque de redresser un système public de santé mis à genoux après des années d'austérité et la pandémie. Les mois d'attente pour certains rendez-vous exaspèrent les Britanniques.

A 41 ans, Wes Streeting, qui a eu un cancer du rein en 2021, se prépare en revendiquant son enfance très pauvre dans un logement social de Londres mais aussi son ambition de devenir un jour Premier ministre.

Valse des Premiers ministres 

En pleine cure d'austérité dans le sillage de la crise financière de 2008, Cameron avait convoqué en 2016 le référendum qui a abouti après des années de déchirements à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Lui succèderont Theresa May, emportée par les désaccords autour du divorce entre Londres avec Bruxelles, Boris Johnson qui a réalisé le Brexit sous la promesse d'un nouvel âge d'or.

Auteur lors des dernières élections législatives en décembre 2019 d'un triomphe électoral inédit depuis Margaret Thatcher, le turbulent ancien maire de Londres a été poussé à la démission sous l'accumulation de scandales, avant les 49 jours à Downing Street de l'éphémère Liz Truss, dont les baisses d'impôts non-financées ont provoqué une panique sur les marchés financiers.

Arrivé au pouvoir en octobre 2022, Rishi Sunak a remis de l'ordre, mais a semblé pris au piège de ses promesses, comme celle d'expulser des migrants vers le Rwanda ou de mettre fin aux arrivées de clandestins à bord de petites embarcations traversant la Manche.

Surfant sur une légère embellie de la situation économique après une crise du coût de la vie, le chef du gouvernement a fait le pari de convoquer les élections à l'été plutôt qu'à l'automne.

Après le fiasco de son départ précoce des commémorations du Débarquement qui l'a contraint à présenter des excuses, Rishi Sunak a vu sa campagne virer au calvaire, entre constat de son propre camp que le seul enjeu est tenter de limiter l'ampleur des pertes et scandale de paris frauduleux sur la date de l'élection.

Succession

Si la victoire de Keir Starmer ne semble pas faire de doute, certaines inconnues demeurent.

Les électeurs iront-ils voter alors que les jeux semblent faits ?

Les résultats du parti anti-immigration Reform UK, le plus à droite du spectre politique britannique, et la possible arrivée au Parlement de son chef Nigel Farage, figure de la campagne du Brexit qui a échoué à sept reprises à se faire élire à Westminster, seront particulièrement scrutés.

Enfin dans quel état le parti conservateur sortira-t-il de ce scrutin ? Les sondages les plus pessimistes pour les Tories estiment qu'ils n'auraient plus que quelques dizaines de députés, contre 344 dans le Parlement sortant, dans une Chambre des Communes qui compte 650 sièges.

Rishi Sunak lui-même n'est pas à l'abri de perdre le sien, ce qui ferait de lui le premier chef du gouvernement sortant à perdre sa circonscription.

Le même obstacle se dresse dans la course à sa succession pour devenir le prochain chef de l'opposition, car pour nombre de prétendants, conserver son siège est loin d'être acquis.


Iran: duel entre un réformateur et un ultraconservateur pour la présidentielle

Des véhicules passent devant un panneau d'affichage montrant les visages des six candidats à la présidence (de gauche à droite) : Mohammad Bagher Ghalibaf, Amirhossein Ghazizadeh-Hashemi, Alireza Zakani, Saeed Jalili, Mostafa Pourmohammadi et Masoud Pezeshkianin, à Téhéran, capitale de l'Iran, le 29 juin 2024. (Photo par Atta Kenare AFP)
Des véhicules passent devant un panneau d'affichage montrant les visages des six candidats à la présidence (de gauche à droite) : Mohammad Bagher Ghalibaf, Amirhossein Ghazizadeh-Hashemi, Alireza Zakani, Saeed Jalili, Mostafa Pourmohammadi et Masoud Pezeshkianin, à Téhéran, capitale de l'Iran, le 29 juin 2024. (Photo par Atta Kenare AFP)
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  • Aucun des deux candidats n'ayant obtenu la majorité absolue, un second tour est nécessaire, pour la deuxième fois seulement en 14 élections présidentielles depuis 1979
  • La participation, à environ 40% selon les autorités, a été encore plus faible que pour la présidentielle de 2021 et pour les législatives de mars

TÉHÉRAN, Iran : La présidentielle en Iran se décidera le 5 juillet entre les candidats réformateur Massoud Pezeshkian et ultraconservateur Saïd Jalili, arrivés en tête d'un premier tour où la participation a été la plus faible depuis les débuts de la République islamique en 1979.

Quasiment inconnu lorsqu'il est entré dans la course, le député Massoud Pezeshkian a réalisé la performance d'obtenir 42,5% des suffrages vendredi.

Il a devancé Saïd Jalili, ancien négociateur du dossier nucléaire, crédité de 38,6% au premier tour de cette présidentielle organisée après la mort du président Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère en mai.

Aucun des deux candidats n'ayant obtenu la majorité absolue, un second tour est nécessaire, pour la deuxième fois seulement en 14 élections présidentielles depuis 1979.

Les électeurs ont un choix clair à faire entre le réformateur qui, tout en se déclarant loyal à la République islamique, prône l'ouverture, notamment à l'international, et l'ultraconservateur défendant la poursuite d'une politique anti-occidentale et de fermeté sur les questions de société, comme le port du voile pour les femmes.

Saïd Jalili a reçu samedi le soutien du président conservateur du Parlement, Mohamad Baquer Ghalibaf, arrivé troisième avec 13,8% des voix.

«Je demande à toutes les forces révolutionnaires et à mes partisans» d'«essayer d'élire le candidat du front révolutionnaire», a-t-il déclaré. Deux autres candidats conservateurs, qui avaient abandonné avant le premier tour, ont également appelé à voter pour l'ultraconservateur.

Pour l'emporter, Massoud Pezeshkian devra compter sur une mobilisation des abstentionnistes décidés à faire barrage à Saïd Jalili.

Mais la tache s'avère ardue alors que la participation, à environ 40% selon les autorités, a été encore plus faible que pour la présidentielle de 2021 et pour les législatives de mars.

Les appels à voter avaient pourtant été lancés à la fois par la plus haute autorité de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, et par les figures des camps réformateurs et modérés.

De plus, les opérations de vote, qui devaient se terminer à 18H, ont été prolongées jusqu'à minuit.

Des opposants, notamment ceux de la diaspora, avaient appelé au boycott du scrutin.

- Des candidats très différents -

Le second tour sera suivi avec attention à l'étranger alors que l'Iran, poids-lourd du Moyen-Orient, est au cœur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s'oppose aux pays occidentaux.

L'élection aura toutefois un impact limité puisque le président a des pouvoirs restreints: il est chargé d'appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, qui est le chef de l'Etat.

Agé de 69 ans et chirurgien de profession, Massoud Pezeshkian est député de Tabriz, la grande ville du nord-ouest de l'Iran, et a une expérience gouvernementale limitée, qui se résume à un poste de ministre de la Santé de 2001 à 2005 dans le gouvernement réformateur de Mohammad Khatami.

Il s'est fait connaître pour son franc-parler, n'ayant pas hésité à critiquer le pouvoir lors du mouvement de protestation provoqué par la mort en détention de Mahsa Amini en septembre 2022.

Il prône en outre un réchauffement des relations entre l'Iran et les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, afin de lever les sanctions qui affectent durement l'économie.

A contrario, Saïd Jalili, 58 ans, est partisan d'une politique inflexible face à l'Occident. Il l'a démontré durant les six années où il a mené les négociations sur le nucléaire iranien, entre 2007 et 2013.

Tout au long de sa carrière, M. Jalili a accédé à des postes clés au sein de la République islamique en ayant la confiance du guide suprême, l'ayatollah Khamenei.

Il est actuellement l'un de ses deux représentants au Conseil suprême de sécurité nationale, la plus haute instance sécuritaire du pays.

Sans publier les premiers résultats, la presse a pris position samedi matin selon son attachement politique. «Vive l'espoir», titrait le journal réformiste Sazandegi en publiant une photo de Massoud Pezeshkian, tandis que le quotidien gouvernemental Iran appelait à «voter pour l'autorité de l'Iran».

L'élection a été meurtrie par la mort de deux policiers dans l'attaque vendredi soir par des hommes armés d'un véhicule transportant des urnes dans la province troublée du Sistan-Baloutchistan (sud-est), selon l'agence de presse Tasnim.


La colère monte face aux enquêtes de Harvard sur l'antisémitisme et l'islamophobie dans les campus

L'Université Harvard a annoncé la création de groupes de travail en janvier pour gérer sa réponse au conflit Israël-Hamas sur le campus. (Photo: AFP)
L'Université Harvard a annoncé la création de groupes de travail en janvier pour gérer sa réponse au conflit Israël-Hamas sur le campus. (Photo: AFP)
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  • « Nos voix ont été ignorées », déclare une organisatrice étudiante palestinienne après le rejet des demandes de désinvestissement
  • Les groupes de travail décrivent la situation des étudiants pro-israéliens comme « désastreuse » et affirment que les étudiants pro-palestiniens font face à un « climat d'intolérance »

LONDRES : Des étudiants ont critiqué deux enquêtes de l'Université Harvard sur l'antisémitisme et l'islamophobie sur le campus, accusant les organes d'investigation de ne pas avoir écouté leurs préoccupations.

L'université, longtemps classée parmi les meilleures du monde, a mis en place deux groupes de travail plus tôt cette année pour enquêter sur les allégations d'antisémitisme et de parti pris anti-musulman, suite aux troubles sur le campus liés au conflit Israël-Hamas.

Dans des conclusions rendues publiques mercredi, chaque groupe a relevé un climat de discrimination et de harcèlement sur le campus, et a proposé des moyens de combattre ces problèmes.

Les rapports des groupes de travail ont décrit la situation des étudiants pro-israéliens comme « désastreuse » et ont également indiqué que les libertés des étudiants pro-palestiniens étaient réprimées.

Cependant, les groupes musulmans et juifs ont tous deux affirmé que les conclusions n'ont pas pleinement pris en compte les préoccupations exprimées par les étudiants au cours de l'enquête.

Celles-ci comprenaient des demandes pour que l'université mette fin à ses liens avec des entreprises profitant de la guerre d'Israël contre le Hamas à Gaza.

Un groupe de travail a été accusé de se concentrer sur un segment étroit de la communauté juive, ignorant les étudiants juifs anti-sionistes. 

L'enquête s'est concentrée "sur un seul type de Juif", a déclaré un étudiant.

« En assimilant être pro-israélien à être juif, le groupe de travail efface mon identité et met les Juifs en danger en transformant notre identité religieuse en hégémonie politique », a déclaré un étudiant.
Mahmoud Al-Thabata, un étudiant palestinien et organisateur du Comité de Solidarité avec la Palestine des étudiants de premier cycle de Harvard, a également critiqué le groupe de travail: «Dans toutes les ‘séances d'écoute’ auxquelles j'ai assisté, la plus grande préoccupation soulevée était la complicité de Harvard dans chaque massacre israélien contre les Palestiniens. 

Aucune de nos voix, cependant, n'a été écoutée, car le rapport n'a pas suggéré de désinvestissement du régime d'apartheid et génocidaire. »

L'enquête sur les allégations de parti pris anti-musulman et anti-arabe sur le campus a révélé que la liberté d'expression des étudiants palestiniens et pro-palestiniens avait été largement supprimée, les laissant dans "un état d'incertitude, d'abandon, de menace et d'isolement", et face à "un climat généralisé d'intolérance".

De nombreux étudiants croyaient que les mots « Palestine » et « Palestinien » étaient devenus tabous sur le campus.

Cependant, le groupe de travail sur l'antisémitisme a découvert que les étudiants juifs se sentaient ciblés pour leur position sur la question de Gaza et faisaient face à des « moqueries, une exclusion sociale et de l'hostilité ».

Bien que chaque groupe de travail ait rapporté des expériences différentes de la part des membres de la communauté, certains thèmes communs ont émergé, notamment la perception que l'université n'a pas respecté ses valeurs déclarées, spécifiquement celles qui célèbrent la diversité tout en respectant les différences.

Pour aborder ces problèmes, les groupes de travail ont recommandé des mesures incluant une formation anti-harcèlement pour les étudiants, la nomination d'un professeur invité en études palestiniennes et le recrutement de membres du corps professoral menant à la titularisation pour élargir le programme de l'école en matière d'études palestiniennes.

Les enquêtes ont également suggéré de clarifier les politiques concernant l'intimidation et les préjugés, et d'améliorer les options de nourriture casher et halal dans les réfectoires du campus.

L'Université Harvard a annoncé la création des groupes de travail en janvier au milieu de difficultés à gérer sa réponse au conflit Israël-Hamas sur le campus.

La semaine dernière, l'Université Stanford a publié les rapports de ses propres groupes de travail, qui ont révélé un antisémitisme omniprésent et une suppression des discours pro-palestiniens sur le campus.

La formation des groupes de travail a suivi la démission de la présidente de l'Université Harvard, Claudine Gay, qui a fait face à un contrecoup suite à son témoignage au Congrès sur l'antisémitisme, ainsi que des accusations de plagiat.

Plusieurs étudiants juifs ont intenté une action en justice contre Harvard plus tôt cette année, accusant l'université d'être devenue « un bastion de haine et de harcèlement anti-juifs endémique ».

Vers la fin de l'année universitaire, des étudiants et des militants pro-palestiniens ont installé des camps sur les campus universitaires à travers les États-Unis, y compris à Harvard, pour protester contre la guerre. La police a été appelée pour démanteler les sites sur certains campus.

Les manifestants à Harvard ont volontairement démonté leurs tentes le mois dernier après que les responsables de l'université ont accepté de se rencontrer pour discuter de leurs questions.

Cependant, les manifestants sont restés en désaccord avec l'université après l'annonce que 13 étudiants ayant participé à un camp de protestation ne pourraient pas recevoir leur diplôme en même temps que leurs camarades de classe.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le Washington Post secoué au sommet, sur fond de crise de modèle

Le Washington Post Building au One Franklin Square Building le 5 juin 2024 à Washington, DC. Andrew Harnik/Getty Images/AFP (Photo by Andrew Harnik / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
Le Washington Post Building au One Franklin Square Building le 5 juin 2024 à Washington, DC. Andrew Harnik/Getty Images/AFP (Photo by Andrew Harnik / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
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  • Au coeur de la tempête, le nouveau directeur général du «WaPo», le Britannique William Lewis, à qui le fondateur d'Amazon Jeff Bezos a confié une mission claire quand il l'a nommé à l'automne dernier: redresser la barre de ce quotidien historique
  • Le Washington Post continue d'empiler les prestigieux prix Pulitzer, un demi-siècle après avoir fait éclater le scandale du Watergate, mais a accusé 77 millions de dollars de pertes en 2023

NEW YORK, États-Unis : Une rédactrice en chef qui démissionne brutalement, son successeur qui jette l'éponge et un patron visé dans les colonnes de son journal: le prestigieux Washington Post, propriété de Jeff Bezos, traverse une crise profonde.

Au coeur de la tempête, le nouveau directeur général du «WaPo», le Britannique William Lewis, à qui le fondateur d'Amazon Jeff Bezos a confié une mission claire quand il l'a nommé à l'automne dernier: redresser la barre de ce quotidien historique.

Le Washington Post continue d'empiler les prestigieux prix Pulitzer, un demi-siècle après avoir fait éclater le scandale du Watergate, mais a accusé 77 millions de dollars de pertes en 2023, malgré des suppressions de postes et la disparition de son supplément dominical.

Mais cet ancien journaliste chevronné, auréolé d'un scoop historique à la fin des années 2000 sur les dépenses des parlementaires au Royaume-Uni, voit sa position de plus en plus fragilisée. Depuis des semaines, les révélations se multiplient sur son rôle au début des années 2010 dans la gestion d'un retentissant scandale d'écoutes téléphoniques illégales pratiquées par le tabloïd News of the World, alors qu'il travaillait pour le groupe de médias conservateurs de la famille Murdoch.

Vendredi, William Lewis a encore été au centre d'une enquête de ses propres journalistes. Selon le Washington Post, il aurait donné son feu vert en 2011 à la destruction de milliers de courriels, nourrissant les suspicions de destructions de preuves, ce dont il se défend.

Sollicité par l'AFP après la parution de cet article, le Washington Post n'a pas donné suite.

- Effet Trump -

Alors que la présidentielle américaine approche, l'affaire empoisonne désormais la vie d'une prestigieuse maison qui «ne va pas bien sur le plan économique», explique à l'AFP Dan Kennedy, professeur de journalisme à l'université Northeastern.

Comme d'autres médias, le Washington Post a profité du bouleversement des années Trump à la Maison Blanche (2017-2021): «il était vu comme livrant une couverture fiable et sans concession» du président républicain, ajoute le professeur.

Mais quand Donald Trump a quitté la Maison Blanche, l'appétit des lecteurs s'est tari. «Le +Post+ a été touché de manière particulièrement sévère. C'est un journal qui semble dire +nous sommes le New York Times mais avec moins de choses à offrir+», ajoute Dan Kennedy.

Fin 2022, le journal comptait 2,5 millions d'abonnés, contre 3 millions au moment de l'entrée en fonctions de Joe Biden, début 2021, selon le Wall Street Journal. Loin de la croissance du New York Times (plus de 10 millions d'abonnés), fruit d'une stratégie de diversification vers des contenus plus légers (jeux, recettes de cuisine, sport) sans renier ses fondamentaux journalistiques.

«Nous perdons beaucoup d'argent», «les gens ne lisent plus vos articles, je ne peux plus édulcorer les choses», a lancé William Lewis début juin, lors d'une réunion tendue avec la rédaction, selon des médias américains.

- «Troisième rédaction» -

La veille, les journalistes du Washington Post venaient d'apprendre la démission brutale de leur rédactrice en chef, Sally Buzbee.

Cette dernière aurait exprimé son désaccord sur la stratégie de M. Lewis, qui prévoit une refonte de la rédaction en trois pôles: deux, déjà existants, pour l'information et les opinions, et un troisième destiné à «l'information service et aux réseaux sociaux».

Les contours de cette «troisième rédaction» restent flous, mais elle semble destinée à rajeunir le lectorat et à développer des contenus plus lucratifs, un saut dans l'inconnu pour un journal plutôt austère.

Au sein du groupe de la famille Murdoch, William Lewis a aussi été le patron du Wall Street Journal (2014-2020), autre fleuron de la presse américaine.

Mais d'autres articles, dans le New York Times et le Washington Post, ont pointé des méthodes contestables de sa part ou de celle de Robert Winnett, l'un de ses anciens collègues qu'il avait choisi pour succéder à Sally Buzbee, comme le recours au paiement d'informateurs ou l'utilisation de données téléphoniques piratées.

Après ces révélations, Robert Winnett a jeté l'éponge le 21 juin.

Pour Dan Kennedy, William Lewis n'a pas d'autre choix que de partir à son tour, parce qu'«il n'aura pas la confiance de l'équipe».

«La greffe n'a pas pris», a ainsi écrit sur sa page Facebook un vétéran du «WaPo», David Maraniss.

«S'il n'est pas capable d'inspirer le personnel (...) le +Post+ va naviguer sans direction, et ses meilleurs éléments vont partir», ajoute Dan Kennedy.

Pour plusieurs observateurs, l'issue de la crise est dans les mains de Jeff Bezos, qui s'était offert le Post pour 250 millions de dollars en 2013. Pour l'instant, il a soutenu son directeur général.