Législatives: en Corrèze, Hollande refait campagne entre selfies et peur du «chaos»

L'ancien président français, membre du Parti socialiste français de gauche (PS) et candidat de la coalition de gauche Nouveau Front Populaire (NFP) dans le département de la Corrèze François Hollande (au centre) rencontre des habitants locaux lors d'une visite de campagne, avant les prochaines élections législatives, à Ursel, dans le centre de la France, le 22 juin 2024. (Photo Pascal Lachenaud  AFP)
L'ancien président français, membre du Parti socialiste français de gauche (PS) et candidat de la coalition de gauche Nouveau Front Populaire (NFP) dans le département de la Corrèze François Hollande (au centre) rencontre des habitants locaux lors d'une visite de campagne, avant les prochaines élections législatives, à Ursel, dans le centre de la France, le 22 juin 2024. (Photo Pascal Lachenaud AFP)
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Publié le Samedi 22 juin 2024

Législatives: en Corrèze, Hollande refait campagne entre selfies et peur du «chaos»

  • À Tulle, François Hollande est chez lui, même ses adversaires le lui concèdent
  • Mais sa décision de briguer à nouveau l'écharpe de député, qu'il a déjà portée de 1988 à 1993 puis de 1997 à 2012, fait grincer des dents jusqu'au sein du NFP

TULLE, France : «Roi des selfies» sur les marchés de Tulle et Ussel, l'ancien président François Hollande mène campagne en Corrèze pour les élections législatives malgré les «coups à prendre», assurant n'avoir pas d'autre ambition que d'empêcher l'extrême droite d'arriver au pouvoir.

«François, recoiffe-toi», lui demande son épouse, l'actrice Julie Gayet, alors que le candidat du Nouveau Front Populaire (NFP) déambule dans les allées, se prêtant aux photos et aux échanges.

L'ex-président de la République (2012-2017) s'est déclaré candidat dans la première circonscription de Corrèze pour ne pas «rester sur (sa) montagne de Tulle» face au risque de «chaos». «Quand c'est trop grave, il ne faut pas se poser la question», dit-il à l'AFP.

À Ussel, en costume sans cravate, il joue au loto des commerçants et gagne un sac en toile. À Tulle, il déambule au gré des stands et serre toutes les mains qui passent.

Dont celles d'Éric Dupuy, électeur du Rassemblement national (RN) qui finit son marché avec ses deux fillettes métisses.

«Il faut mettre un gros coup de pied dans la fourmilière», assène ce cadre dans l'industrie pharmaceutique, âgé de 58 ans, fustigeant la longévité politique du candidat socialiste. «Ça fait 40 ans de magouilles. De plus en plus de cadres comme moi votent RN. En quoi ces idées seraient-elles d'extrême droite ?», interroge-t-il.

Cette montée du RN est à inscrire au passif d'Emmanuel Macron, dont le mandat a «abîmé» les partis et «l'esprit public», accuse François Hollande. Mais le macronisme, «c'est terminé», prophétise le candidat, assurant n'avoir «aucun compte à régler».

- «Coups à prendre» -

«Il n'avait rien à gagner, que des coups à prendre» en se lançant, abonde son suppléant Philippe Brugère, maire de Meymac. «Il a été président, qu'y a-t-il de mieux ? Mais l'accueil est positif, c'est le roi des selfies. On sent une adhésion. Et François reconnaît tout le monde, il a une mémoire d'éléphant.»

«C'est bien qu'il se représente, il a encore des choses à faire», sourit Stéphanie Kaus, 40 ans et en formation pour devenir aide-soignante, qui dit «survivre» avec son petit salaire, celui de son conjoint et leurs deux enfants. Hollande, «lui, écoute la France, il n'est pas comme Macron», juge-t-elle, fustigeant une dissolution de l'Assemblée nationale décidée par le chef de l'État comme «un gamin capricieux».

À Tulle, François Hollande est chez lui, même ses adversaires le lui concèdent. Mais sa décision de briguer à nouveau l'écharpe de député, qu'il a déjà portée de 1988 à 1993 puis de 1997 à 2012, fait grincer des dents jusqu'au sein du NFP.

«Il a fallu que je digère le python au moment où je l'ai appris», image Nicolas Marlin, secrétaire fédéral du PCF en Corrèze. Son bilan comme président «n'a pas amené les gens à rester du côté gauche de la force. Il en a plutôt dégoûté un certain nombre de concitoyens», pointe-t-il.

Mais le responsable communiste promet de soutenir le candidat, au nom du programme commun que ce dernier s'est engagé à défendre.

- «Tremplin» -

Dans un département longtemps acquis au chiraquisme, puis au hollandisme, il y a une «prise de conscience» à gauche du «danger» de l'extrême droite, relève Cyril Nouhen, directeur de campagne d'Amandine Dewaele, candidate EELV-NFP dans l'autre circonscription corrézienne.

Une mobilisation qui se traduit sur le terrain, à l'heure de coller les affiches ou de distribuer les tracts. «C'est une véritable union. Je n'ai jamais vu autant de secrétaires de section socialistes ou de cadres communistes, de responsables de plus petits partis de gauche, nous soutenir à ce point», ajoute-t-il.

Face à cette unité affichée, Francis Dubois, député LR sortant et adversaire de M. Hollande, pointe le grand écart idéologique entre le socialiste et ses alliés, notamment insoumis.

«Là, on a un individu socio-démocrate, qui s'allie avec (Jean-Luc) Mélenchon qui veut le chaos, la révolution, l'obscurantisme», tonne le candidat adoubé par le camp macroniste. «C'est tout ce que les citoyens vomissent d'un homme politique. C'est ahurissant.»

Francis Dubois assure n'être pas «dupe» et prévient que la Corrèze ne doit pas servir de «tremplin» aux ambitions nationales de François Hollande.

Qui répond n'avoir «aucune ambition». Mais un ancien président ne saurait être «un député comme les autres»: s'il est élu, il «aura à appeler à la responsabilité dans toutes circonstances» et sera «engagé» pour «trouver des solutions».


Un maire français interdit une soirée xénophobe

Le maire PS de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol a indiqué à l'AFP le 27 juin 2024 avoir pris un arrêté interdisant la soirée xénophobe "Foreigners Out" prévue le 28 juin au soir dans un bar identitaire de la ville. (Photo: AFP)
Le maire PS de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol a indiqué à l'AFP le 27 juin 2024 avoir pris un arrêté interdisant la soirée xénophobe "Foreigners Out" prévue le 28 juin au soir dans un bar identitaire de la ville. (Photo: AFP)
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  • "La soirée intitulée +Ausländer Raus+ (Les étrangers dehors, en allemand, NDLR) organisée par le bar Le Mora à Rouen le 28 juin est interdite", peut-on lire dans l'arrêté
  • Mardi, le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP) a déposé plainte pour discrimination auprès du parquet de Rouen, qui reste muet sur cette affaire, contre les responsables de l'association gérant le bar

ROUEN: Le maire socialiste de la ville de Rouen, en Normandie (nord-ouest) a annoncé à l'AFP avoir interdit une soirée xénophobe intitulée "Les étrangers dehors" et prévue vendredi soir dans un bar identitaire.

"J'ai pris la décision d'interdire cet évènement, la haine, la xénophobie, le racisme n'ont pas leur place ni à Rouen ni dans la République", a déclaré le maire, Nicolas Mayer-Rossignol.

"Il y a un risque caractérisé évident de trouble à l'ordre public dont je suis responsable en tant que maire", a-t-il ajouté. "C'est une manifestation d'extrême droite, voilà son visage, ce qui pourrait se passer demain si l'extrême droite était au pouvoir partout en France".

"La soirée intitulée +Ausländer Raus+ (Les étrangers dehors, en allemand, NDLR) organisée par le bar Le Mora à Rouen le 28 juin est interdite", peut-on lire dans cet arrêté consulté par l'AFP.

Ce slogan néonazi utilisé depuis les années 1980, qui évoque le "Juden Raus" (les Juifs dehors, de l'époque nazie) est devenu viral ces dernières semaines après avoir été détourné par des jeunes qui le chantent sur l'air techno de "L'Amour toujours", du DJ Gigi d'Agostino.

Une vidéo tournée en mai montre ainsi de jeunes fêtards sur l'île de Sylt, lieu de villégiature prisé de la haute société allemande, chanter les paroles "L'Allemagne pour les Allemands, les étrangers dehors".

La référence explicite au slogan pour la soirée à Rouen et sa publication sur un réseau social ouvert contreviennent à "la loi du 13 juillet 1990 portant interdiction de toute discrimination", est-il mentionné dans l'arrêté.

Mardi, le Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples (MRAP) a déposé plainte pour discrimination auprès du parquet de Rouen, qui reste muet sur cette affaire, contre les responsables de l'association gérant le bar.

Le bar associatif, accessible aux détenteurs d'une carte de membre, est "identifié comme fréquenté par une clientèle d'ultradroite, il ne fait aucun doute que la soirée litigieuse est réservée aux Français", selon le MRAP.

L'association, qui qualifie "d'abjecte" l'affiche de la soirée, précise que l'invitation porte la mention "White boys Summer, chemise hawaïenne de rigueur".

"Une tenue vestimentaire qui peut faire référence aux +Boogaloo Bois+", précise le MRAP, des "extrémistes américains qui prônent la guerre civile aux États-Unis, reconnaissables par leurs chemises à fleurs".

"Le slogan, volontairement provocant" est un "symbole pour une partie de plus en plus large de la jeunesse européenne qui rejette l'immigration de masse", a justifié le bar sur sa page Facebook.


Législatives: 410 000 votants en ligne à l'étranger, un record

Un employé de la mairie prépare des enveloppes de vote à la mairie d'Ajaccio en vue des élections législatives françaises du 30 juin 2024, sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 25 juin 2024. (Photo, AFP)
Un employé de la mairie prépare des enveloppes de vote à la mairie d'Ajaccio en vue des élections législatives françaises du 30 juin 2024, sur l'île méditerranéenne française de Corse, le 25 juin 2024. (Photo, AFP)
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  • Le vote en ligne, qui s'est ouvert mardi et s'est terminé jeudi à midi, a été pris d'assaut à l'ouverture, entraînant des problèmes d'accès au site
  • Pour ce scrutin, plusieurs internautes ont signalé sur X ne pas avoir réussi à voter en raison de problèmes d'identifiants, de mots de passe ou de codes. Ils pourront voter dans les urnes ce week-end

PARIS: C'est un record: 410.000 Français résidant hors de France ont voté en ligne pour les législatives, a annoncé jeudi le ministère des Affaires étrangères sur X, précisant qu'ils étaient 250.000 en 2022.

Le vote en ligne, qui s'est ouvert mardi et s'est terminé jeudi à midi, a été pris d'assaut à l'ouverture, entraînant des problèmes d'accès au site. "Face à l'affluence, le portail de vote doit augmenter ses capacités d'accueil", avait reconnu la Direction des Français à l'étranger, conseillant aux électeurs de se reconnecter "plus tard". Le portail avait rouvert une heure après.

Lors des dernières élections législatives, cette modalité de vote avait été la plus utilisée par les Français habitant à l'étranger : 17,32% des inscrits au premier tour dans les onze circonscriptions concernées y avaient eu recours, sur un taux de participation global de 22,51%.

Le vote sur internet est ouvert aux Français résidant à l'étranger inscrits sur les listes électorales, uniquement pour les élections législatives et consulaires. Les électeurs peuvent également s'exprimer par correspondance, par procuration, ou dans des bureaux de vote.

Pour ce scrutin, plusieurs internautes ont signalé sur X ne pas avoir réussi à voter en raison de problèmes d'identifiants, de mots de passe ou de codes. Ils pourront voter dans les urnes ce week-end.

 

 

 


Emmanuel Macron, au risque de la rupture avec les Français

Né à Amiens, où il rencontre sa future épouse Brigitte, de vingt-cinq ans son aînée, ce fils de médecins a multiplié les audaces, et les réussites, pour aller à la conquête de Paris. (AFP)
Né à Amiens, où il rencontre sa future épouse Brigitte, de vingt-cinq ans son aînée, ce fils de médecins a multiplié les audaces, et les réussites, pour aller à la conquête de Paris. (AFP)
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  • Venu de la gauche sociale-libérale, Emmanuel Macron est élu au centre sur la promesse d'un "dépassement" progressiste des clivages traditionnels
  • A force de vouloir être en première ligne, le chef de l'Etat, que ses conseillers diplomatiques présentent volontiers en président-médiateur, est souvent incompris

PARIS: "Je prends mon risque", aime à dire Emmanuel Macron. Adepte des coups de poker, ce jeune président qui a voulu dynamiter la vie politique et a réussi à surmonter d'innombrables crises a peut-être pris le risque de trop.

Après la dissolution de l'Assemblée nationale, son ex-Premier ministre Edouard Philippe a eu ce jugement lapidaire: "C'est le président de la République qui a tué la majorité présidentielle".

La Macronie "dissoute" par Macron? Voire Macron fossoyeur du macronisme, comme l'affirment de plus en plus ouvertement observateurs, opposants et même alliés du chef de l'Etat?

La décision choc de convoquer des élections législatives au soir de la déroute de son camp aux européennes a en tout cas servi d'accélérateur à une fin de règne perceptible dès le début de ce second quinquennat contrarié par l'absence de majorité absolue.

Jadis adulé par ceux qui ont accompagné son ascension fulgurante, respecté par ceux qui l'ont rejoint une fois au pouvoir, Emmanuel Macron, qui risque de ne plus avoir tous les leviers au lendemain du 7 juillet et ne pourra briguer un troisième mandat en 2027, est aujourd'hui lâché ou toisé par de nombreux soutiens.

Ce rejet, spontané et sans complexe, transpire chez bon nombre de Français, ouvrant un peu plus la voie à l'extrême droite.

"C'est pas que je supporte Jordan Bardella mais je veux que Macron soit le plus humilié possible", lance sans détours un quinquagénaire qui a voté Rassemblement national aux européennes.

"Le dégagisme s'installe", grince François Patriat, qui fut l'un des premiers fidèles et restera parmi les derniers quoi qu'il advienne. Pour le patron des sénateurs macronistes, "il y a une volonté de vengeance des politiques qui n'ont pas supporté son arrivée".

«Ancien monde»

Il faut dire qu'elle a secoué l'"ancien monde" alors moqué par son entourage.

Né à Amiens, où il rencontre sa future épouse Brigitte, de vingt-cinq ans son aînée, ce fils de médecins a multiplié les audaces, et les réussites, pour aller à la conquête de Paris.

Avec toujours la même confiance en lui, fondée peut-être sur sa transgression initiale. "Il est tombé amoureux de sa prof de théâtre à 16 ans, il a dit qu'il allait l'épouser et il l'a épousée. C'est costaud quand même", avance un ancien camarade de l'ENA.

Lorsqu'il choisit en 2016 de s'émanciper de François Hollande, le défi paraît impossible pour cet inspecteur des finances qui a travaillé auprès du philosophe Paul Ricoeur avant d'être enrôlé par le président socialiste, à l'Elysée puis comme ministre de l'Economie.

Mais il le fait, crée En Marche! - EM, comme ses initiales - pour personnaliser l'aventure. Et, le 7 mai 2017, le candidat qui promeut dans son livre la "Révolution" remporte l'élection présidentielle à seulement 39 ans.

Même à 46 ans aujourd'hui, les tempes blanchies après sept ans passés à l'Elysée, Emmanuel Macron reste le plus jeune président de la Ve République.

"Je suis le fruit d'une forme de brutalité de l'Histoire, une effraction car la France était malheureuse et inquiète", dira plus tard celui qui se présente comme un "indécrottable optimiste".

«Président des riches»

Au soir de la victoire, après une lente marche solitaire au son de l'hymne européen, il s'engage devant la Pyramide du Louvre à "tout" faire pour que les Français "n'aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes".

Un serment qui le poursuivra, à mesure que montera le RN, aujourd'hui aux portes du pouvoir.

Venu de la gauche sociale-libérale, Emmanuel Macron est élu au centre sur la promesse d'un "dépassement" progressiste des clivages traditionnels.

Sa doctrine économique a une constante inébranlable: la politique de l'offre pro-entreprises. Et un dogme: le refus des hausses d'impôts, fût-ce pour mettre à contribution les ultrariches.

Il défend l'image du "premier de cordée", celui qui réussit et peut tirer les moins aisés dans sa montée. C'est ce qui justifie la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), et qui vaut d'emblée à l'ex-banquier d'affaires chez Rothschild l'étiquette de "président des riches".

La retraite à 64 ans, imposée au forceps malgré une contestation rare dans la rue et au Parlement, vient renforcer cette image.

"Si j'aimais l'argent", "j'aurais pas fait de politique", répond-il.

Le président en est persuadé, son bilan économique parle pour lui: la réindustrialisation, avec ce titre tant vanté de pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers; et la fin du chômage de masse, dont on parle trop peu à ses yeux.

Il aimerait qu'on le crédite pour les premiers succès de son "écologie à la française", mais autour de lui, on reconnaît un discours "beaucoup trop techno".

Il ne cesse de rappeler le dédoublement des classes en CP et CE1, mais admet qu'il n'est pas allé assez loin pour "l'émancipation" et "l'égalité des chances".

«Grand Européen»

Et puis, Emmanuel Macron est aussi un président de crises. Affaire Benalla, gilets jaunes, Covid-19, guerre en Ukraine, émeutes urbaines... Le "retour du tragique dans l'Histoire" qu'il narre dans ses discours, il l'affronte en première ligne.

Autant de crises dont il arrive tant bien que mal à se sortir.

Les "grands débats" pour apaiser la "France des ronds-points" contribuent à forger l'idée d'un président qui ose "aller au contact". La réouverture des écoles malgré la pandémie, en mai 2020, s'avérera être la bonne intuition.

En Europe, sa voix porte, même quand elle heurte.

"Il ne faut pas chipoter. Il est le grand Européen de son époque", applaudit Daniel Cohn-Bendit, alors même qu'il a pris ses distances.

Pour l'écologiste franco-allemand, "le problème de Macron c'est parfois son caractère, être persuadé d'avoir raison". Cet "hubris" dénoncé par feu Gérard Collomb, l'ex-maire de Lyon qui avait quitté le ministère de l'Intérieur en mettant en garde contre le "manque d'humilité" des macronistes.

A force de vouloir être en première ligne, le chef de l'Etat, que ses conseillers diplomatiques présentent volontiers en président-médiateur, est souvent incompris.

Lorsque Moscou envahit l'Ukraine, en février 2022, le soutien de la France à Kiev est à l'unisson de l'Occident. Mais Emmanuel Macron agace nombre d'alliés en continuant à dialoguer avec Vladimir Poutine et en appelant à ne "pas humilier la Russie".

Deux ans plus tard, c'est l'inverse: en refusant d'exclure l'envoi de troupes sur le sol ukrainien, le président français s'attire les critiques occidentales.

Vers la droite 

Emmanuel Macron a une formule pour décrire le macronisme: "en même temps" de gauche et de droite. Mais au fil du temps, il s'est déplacé de plus en plus à droite, au risque d'être taxé d'opportunisme.

Le même qui s'inspire d'un vieux slogan du Nouveau Parti anticapitaliste pour se faire réélire en 2022 ("nos vies valent plus que leurs profits") reprend, plus tard, celui de l'extrême droite version Eric Zemmour, "pour que la France reste la France". De l'art de la "triangulation", qui consiste à aller picorer sur les terres lexicales ou idéologiques des adversaires pour leur couper l'herbe sous le pied.

La loi sur l'immigration, votée fin 2023 avec les voix de l'extrême droite qui applaudit une "victoire idéologique" sur la "préférence nationale", scelle déjà un point de non retour pour beaucoup de "marcheurs" historiques.

"Il tourne le dos au logiciel doctrinal de 2017 et aux valeurs humanistes", se désole alors son ex-conseiller spécial Philippe Grangeon.

Pour un membre influent de son entourage, pourtant, point de "tournant droitier": "le président s'adapte à une opinion qui est mouvante".

"Il a une plasticité, une incroyable confiance en lui qui est en même temps sa force et sa faiblesse", analysait Marine Le Pen, sa double rivale au second tour de la présidentielle avec laquelle s'est installé un face-à-face durable.

Petites phrases 

D'autres lui reprochent d'avoir, ainsi, contribué à la montée des extrêmes.

Lui répond qu'il a, par deux fois, battu l'extrême droite dans le scrutin suprême.

Avec des résultats variables, il a multiplié les initiatives - des gadgets, disent ses détracteurs - pour se sortir des moments difficiles, contourner ces corps intermédiaires qu'il juge responsables d'une forme d'inertie, ou surmonter l'absence de majorité absolue du second quinquennat.

Mais la méthode de gouvernement de ce président "jupitérien" reste verticale. Et, s'il s'est un peu assagi et a esquissé quelques mea culpa, les petites phrases des débuts sur les "Gaulois réfractaires au changement" ou les chômeurs qui n'auraient qu'à "traverser la rue" pour trouver un emploi ont laissé des traces. "Il y a un paquet de gens qui pensent que je suis hautain", admet-il.

Pourtant, ce boxeur peut avoir le contact chaleureux.

"Il est extraordinairement séduisant dans la relation directe donc il vous entourloupe", raconte un soutien historique. "Est-ce qu'il ne s'entourloupe pas lui-même?"

A l'heure de la dissolution, le poids de son entourage, essentiellement masculin, dans ce palais du 55 rue du Faubourg Saint-Honoré qui enferme et isole, est plus décrié que jamais.

"Il a toujours préféré les coups, et leur effet de +blast+, aux conséquences d'une décision", lâche un ex-conseiller de l'exécutif. "Il n'a pas de réseaux de terrain. Les gens auprès de lui sont pareils, ils ne représentent pas l'humeur du temps", renchérit un ancien ténor du gouvernement.

Rares sont ceux qui osent lui dire qu'il a tort. Brigitte Macron en fait partie. "Elle a toujours été un agent de tempérance", résume son camarade de l'ENA.

Emmanuel Macron balaie ces critiques: "Les décisions les plus lourdes, vous les prenez seul".