Les efforts laborieux pour parvenir à un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël à Gaza progressent, bien qu'à un rythme malheureusement lent. Toutefois, après que le président américain Joe Biden a présenté la semaine dernière une feuille de route pour une éventuelle cessation des hostilités meurtrières, la fin de la guerre semble plus proche qu'elle ne l'a été jusqu'à présent.
Joe Biden a exposé une proposition en trois phases qu'il a présentée comme une offre israélienne, après des mois de négociations par l'intermédiaire de médiateurs, à laquelle le Hamas a répondu positivement, du moins en principe. Cependant, on peut toujours penser que, même si les deux parties sont d'accord sur les principes généraux d'un tel accord, elles pourraient se braquer lorsque les détails les plus subtils, qui restent pour l'instant incertains, feront l'objet d'une négociation.
L'absence totale de confiance entre les deux parties constitue un obstacle majeur à la conclusion d'un accord. La haine mutuelle et la notion d'un jeu à somme nulle dans lequel un seul camp peut l'emporter dans le conflit sont enracinées dans leur perception de l'autre. Cette profonde méfiance signifie que, quel que soit l'accord conclu entre les deux parties, chacune d'entre elles continuera à penser que l'autre le violera si elle en a l'occasion.
Les autorités israéliennes voudraient avoir la garantie que, si elles arrêtent leurs opérations militaires et que le Hamas ne libère pas les otages, elles seront libres de reprendre le combat. Le Hamas et en particulier ses dirigeants aimeraient avoir l'assurance – qu'ils ne recevront probablement pas –, qu'Israël ne continuera pas à les poursuivre par d'autres moyens.
Mais la logique – qui sous-tend l'acceptation de la proposition de cessez-le-feu, au lieu d'être une offre israélienne authentique, telle qu'elle a été présentée, semble plus vraisemblablement être le résultat d'une pression internationale intense, notamment de la part de Washington – est difficilement contestable. Après huit mois de guerre, il n'y a pratiquement plus rien que les deux parties puissent obtenir sur le plan militaire.
Le Hamas, par les atrocités qu'il a commises le 7 octobre, a provoqué une réaction de la part d'Israël. Mais en déclarant que son objectif était la destruction complète du Hamas, Israël s'est mis en situation d'échec, d'autant plus que sa stratégie militaire de destruction maximale, sans se soucier de la vie des civils, a ébranlé son sens moral et l'a isolé sur le plan international, sans stratégie claire pour mettre fin à la guerre.
En outre, si le gouvernement Netanyahou souhaitait réellement voir les otages rentrer chez eux vivants, il aurait dû agir il y a plusieurs mois pour proposer un accord similaire à celui qui est actuellement envisagé.
Bien qu'elle ne soit pas exempte de défauts, la proposition de Biden apporte un élément de rationalité au processus de fin de la guerre, puisqu'elle aborde dans ses trois phases la nécessité immédiate d'arrêter les combats, la libération des otages et la reconstruction de Gaza.
On peut se demander pourquoi cette feuille de route n'a pas été présentée vers la fin de l'année dernière ou même au début de cette année, alors qu'il était devenu évident qu'il ne pouvait y avoir de conclusion militaire décisive à une guerre qui menaçait de s'éterniser alors que des innocents continuaient à souffrir immensément et que la stabilité de la région était ébranlée.
La première phase de la feuille de route proposée est essentielle parce qu'elle prévoit un cessez-le-feu immédiat, total et complet et le retrait des forces israéliennes des zones peuplées de Gaza. Cette phase serait suivie de la libération par le Hamas du premier lot d'otages qu'il détient, dont les plus vulnérables, en échange de la libération par Israël de centaines de prisonniers palestiniens, de la permission aux civils déplacés de rentrer chez eux dans toutes les parties de Gaza et de l’autorisation d'un nombre considérablement accru de camions transportant de l'aide humanitaire d'entrer dans le territoire chaque jour.
La situation de Netanyahou est précaire, et ses raisons en sont pour la plupart de son fait.
Yossi Mekelberg
En d'autres termes, la première phase permettrait de rétablir un certain degré de normalité dans cette situation infernale, tandis que les négociations se dérouleraient au cours de la deuxième phase sur la « cessation permanente des hostilités, la libération des otages restants et le retrait complet d'Israël de la bande de Gaza ». Cela mettrait fin à la guerre et permettrait d'entamer la troisième phase, le vaste projet de reconstruction.
Cependant, même si la transition d'une phase à l'autre semble se faire en douceur sur le papier, en réalité, le début du processus ne serait que l’amorce d'une voie extrêmement cahoteuse.
La première phase du plan semble plus détaillée et réfléchie que les deux autres, principalement parce que l'on pense que les six semaines de cessez-le-feu qu'elle prévoit créeront l'espace physique et mental nécessaire pour cultiver au moins les bourgeons d'un engagement constructif entre les deux parties.
Pour le Hamas, la fin des hostilités et la libération de plusieurs centaines de prisonniers palestiniens, ainsi que le retrait complet de l'armée israélienne de Gaza et l'augmentation des livraisons d'aide humanitaire, pourraient suffire à le convaincre d'accepter l'accord.
Toutefois, la situation du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est beaucoup plus précaire, et les raisons en sont essentiellement de son fait. Tout d'abord, la proposition signifie que le Hamas resterait une force politique et militaire, même si elle est gravement endommagée – un résultat qui, selon les propres objectifs de guerre d'Israël, représenterait un échec.
Pire encore, chaque jour apporte l'amère nouvelle de nouveaux otages tués en captivité. De nombreux Israéliens accusent à juste titre leur gouvernement d'être responsable de cette situation, en ne négociant pas de bonne foi leur libération lorsque cela était encore possible. L'insistance du gouvernement Netanyahou sur le fait que la pression militaire garantirait la sécurité des otages s'est avérée fallacieuse.
Netanyahou sait que le plan en trois phases est la meilleure option possible pour Israël, mais pas nécessairement pour sa propre survie politique, qui est sa priorité numéro un, voire la seule.
Pour ce faire, il doit manœuvrer entre les partis d'extrême droite qui menacent de quitter sa coalition gouvernementale s'il accepte la feuille de route de Biden, et l'alliance de l'Unité nationale, dont le chef Benny Gantz a présenté un ultimatum à Netanyahou qui a expiré samedi et dont l'une des principales exigences était que le Premier ministre prenne des mesures pour obtenir la libération des otages.
Parallèlement, la Haute Cour de justice délibère sur l'enrôlement dans le service militaire des jeunes ultra-orthodoxes qui, jusqu'à présent, ont été exemptés de la conscription militaire obligatoire. Si les juges ordonnent au gouvernement d'enrôler ces hommes, leurs représentants sont susceptibles d'abandonner le navire en perdition qu'est la coalition.
Netanyahou pourrait, dans un dernier acte de désespoir, accepter l'accord de cessez-le-feu et convoquer ensuite des élections générales pour tenter une nouvelle fois de manipuler l'électorat israélien en le persuadant que la guerre a été un succès. Quoi qu'il en soit, la proposition de cessez-le-feu de Biden a grand besoin d'être élaborée afin de garantir que les événements du 7 octobre et ce qui s'en est suivi ne puissent plus jamais se reproduire.
Une erreur évidente, à l'avenir, serait de conclure qu'il est possible de mettre un terme définitif aux hostilités sans s'attaquer à l'ensemble des causes profondes du conflit israélo-palestinien. Pour l'instant, la fin des combats, la libération des otages et la libre circulation de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza seraient des développements initiaux très appréciés.
Mais le processus ne peut pas, et ne doit pas, s'arrêter là sans passer à un accord de paix global, équitable et juste dans un délai relativement court.
Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé du programme pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord au sein du groupe de réflexion sur les affaires internationales Chatham House. X : @YMekelberg
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com