Comment Joe Biden peut surmonter son problème de crédibilité au Moyen-Orient

L’administration Biden manque outrageusement de crédibilité et devrait y remédier. (AFP)
L’administration Biden manque outrageusement de crédibilité et devrait y remédier. (AFP)
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Publié le Samedi 08 juin 2024

Comment Joe Biden peut surmonter son problème de crédibilité au Moyen-Orient

Comment Joe Biden peut surmonter son problème de crédibilité au Moyen-Orient
  • Les États-Unis pourraient transformer l’offre faite publiquement par Joe Biden en une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qu’ils soutiendraient
  • Joe Biden peut également suivre l’exemple de nombreux pays européens en reconnaissant l’État de Palestine pour démontrer le soutien des États-Unis à la solution à deux États

Le président américain, Joe Biden, a pris un risque le 31 mai. En effet, il a fait part d’un plan américain, espérant qu’Israël et le Hamas l’accepteraient. Il a déclaré que la proposition faite au Hamas était israélienne, mais avant même que ses paroles ne parviennent aux dirigeants du Hamas, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, avait déjà écarté ce plan.

Le Hamas, qui avait donné son accord au départ, pourrait hésiter après avoir eu écho du refus d’Israël et de l’acharnement de M. Netanyahou à poursuivre la guerre. Pour les responsables du Hamas, le souvenir de la dernière proposition qui leur a été présentée sous forme d’une offre soutenue par les États-Unis, qu’ils ont également acceptée, mais qu’Israël a rejetée, est toujours aussi vivace. Après ce oui du Hamas, Israël a lancé son attaque sur Rafah, s’emparant du poste-frontière égypto-palestinien et de l’ensemble du couloir de Philadelphie, en violation du traité de paix israélo-égyptien.

C’est bien là que réside le problème de la politique de l’administration Biden. Les responsables américains sont inconstants. Ils n’accordent pas beaucoup d’importance à leurs propres propositions. Cette fois, M. Biden pourrait espérer qu'en usant de son pouvoir de persuasion, il pourrait obtenir l’accord des Israéliens.

Que cela ait été fait exprès ou non, le moment choisi pour la déclaration présidentielle semble avoir assuré une fenêtre d’au moins vingt-quatre heures pendant laquelle les sionistes religieux les plus radicaux d’Israël ne seraient pas en mesure de répondre. L'annonce a été faite après le coucher du soleil de vendredi en Israël, ce qui signifie que les ministres Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich – des juifs pieux qui n’écoutent pas la radio et ne regardent pas la télévision le jour du sabbat – n’en seraient probablement pas informés et ne seraient donc pas en mesure de répondre avant le coucher du soleil samedi.

Pour les responsables du Hamas, le souvenir de la dernière proposition rejetée par Israël est toujours aussi vivace. - Daoud Kuttab

Le coucher du soleil de samedi est exactement le moment où les manifestations hebdomadaires des familles des otages et d’autres personnes souhaitant mettre fin à la guerre battent leur plein. La proposition américaine de sauver la vie des otages israéliens est intervenue un jour après que le conseiller à la sécurité nationale d’Israël, Tzachi Hanegbi, a semblé anéantir tout espoir de libération des otages vivants. Samedi soir, une manifestation bien plus puissante a eu lieu. Mais cela n’a guère fait de différence pour les Israéliens d’extrême droite dont dépend M. Netanyahou pour rester au pouvoir. MM. Ben-Gvir et Smotrich ont déclaré qu’ils feraient tomber le gouvernement si Benjamin Netanyahou acceptait le plan. Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, a proposé un filet de sécurité pour garantir que le gouvernement ne tombe pas si le Premier ministre approuve l’accord de cessez-le-feu et de libération des prisonniers.

La possibilité que l’une ou les deux parties refusent l’offre américaine découle en grande partie de l’incapacité de Joe Biden à dire ce qu’il veut et à être convaincu par ce qu’il dit. Durant des mois, le président américain a fortement conseillé à Benjamin Netanyahou de ne pas envahir Rafah, mais le dirigeant israélien a fait fi des suggestions de l’allié le plus proche de l’État hébreu en bombardant Rafah puis en y entrant. Comment les Israéliens ou le Hamas pourraient-ils croire M. Biden sur parole?

Pour dissiper ces soupçons, les États-Unis pourraient transformer l’offre faite publiquement par Joe Biden en une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qu’ils soutiendraient. Comme l’a indiqué M. Biden, le monde appelle à un cessez-le-feu et le Conseil de sécurité des nations unies est le lieu idéal pour traduire les paroles en actes. Le recours au chapitre VII de la charte des Nations unies pourrait être un atout supplémentaire lors de l’introduction d’une telle résolution. Ce chapitre est conçu comme un instrument international visant à contraindre les pays à rendre des comptes en exerçant sur eux des pressions économiques, voire militaires, s’ils violent le droit international.

Joe Biden peut également suivre l’exemple de nombreux pays européens en reconnaissant l’État de Palestine pour démontrer le soutien des États-Unis à la solution à deux États. Cela n’a aucun sens de répéter inlassablement l’expression «solution à deux États» sans se mobiliser pour l’appliquer. Les États-Unis ont reconnu Israël en 1948 avant qu’il n’ait la moindre qualification pour devenir un État, alors qu’ils empêchent aujourd’hui la Palestine d’être un membre à part entière de l’ONU, bien qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour devenir un État. En évoquant l’autodétermination dans son discours de la semaine dernière, M. Biden a fait un pas idéologique dans cette direction. Mais pour que Tel-Aviv le prenne au sérieux, il faut qu’il mette ses menaces à exécution une fois qu’elles auront été ignorées par Israël.

Pour que Tel-Aviv prenne Joe Biden au sérieux, il faut qu'il mette ses menaces à exécution une fois qu'elles auront été ignorées par Israël - Daoud Kuttab

L’administration Biden manque outrageusement de crédibilité et devrait y remédier. Supposons que l’accord de cessez-le-feu et d’échange de prisonniers soit accepté par les deux parties. Dans ce cas, la Maison-Blanche et tous les leviers du pouvoir américain doivent être utilisés pour garantir que toutes les parties prennent au sérieux les États-Unis et ce qu’ils veulent.

Un autre moyen pour Joe Biden de faire preuve de sérieux est de tenir ses promesses électorales. Il a promis de rétablir le rôle de la mission palestinienne à Washington et de rouvrir le consulat américain à Jérusalem au service du peuple palestinien, comme ce fut le cas pendant des décennies avant que l’ancien président, Donald Trump, ne le ferme. Personne ne peut reprocher à un président d’avoir tenté de tenir une promesse qu’il avait formulée en 2020.

Un autre moyen de pression que ce président et tout autre président peut et doit utiliser est le respect de la loi américaine. Celle-ci est claire: les pays qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire ne peuvent pas recevoir le soutien des contribuables américains. Israël reçoit des milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro) chaque année de Washington, alors qu’il n’a pas réussi à garantir l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza. M. Biden et l’ensemble de son administration poussent depuis longtemps Israël dans cette direction. Tel-Aviv se contente de faire semblant et ne respecte pas pleinement cette exigence. Le président a l’obligation légale d’appliquer la loi américaine à ce sujet, ainsi que sur les armes américaines utilisées par Israël pour commettre des crimes de guerre.

Engager des négociations avec le Hamas nécessite que l’administration Biden puisse acquérir le courage politique nécessaire pour affronter M. Netanyahou et ses partisans aux États-Unis. Il faudrait absolument faire preuve de sérieux au-delà des simples paroles, même si ces paroles proviennent directement de la Maison-Blanche.

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien primé et le directeur du Community Media Network.

X: @daoudkuttab

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com